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Youssef Chahed ou la naissance d’un nouveau leader

Youssef Chahed en visite d’inspection à Kerkennah en juin 2018.

Même s’il parait isolé, Youssef Chahed est capable de tracer son chemin pour incarner un nouveau courant politique centriste et moderniste et d’accomplir le projet que Nidaa Tounes, son parti, n’a pas su réaliser effectivement.

Par Salah El Gharbi

Dans notre pays, paradoxalement, plus la crise politique perdure, plus le paysage politique gagne en clarté, plus les esprits s’échauffent et plus les convictions se cristallisent. Au pays des hâbleurs, il faut toujours se méfier des surenchères verbales, des paroles outrancières comme des discours cajoleurs.

Ainsi, après des mois d’intense agitation et depuis le vote de confiance au nouveau ministre de l’Intérieur, le 28 juillet 2018, la tempête autour de la chute du gouvernement Chahed connaît subrepticement un certain répit. On est loin du diktat des apparatchiks de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la centrale syndicale, et des fébriles gesticulations de Hafedh Caïd Essebsi, le directeur exécutif autoproclamé de Nidaa Tounes. Même le président de la république Béji Caid Essebsi, après sa fameuse interview sur Nessma, où il sommait (ou presque) Youssef Chahed de démissionner, semble résigné à composer avec celui qui fut, en août 2016, son poulain…

Un timonier déterminé au milieu des houles

Certes, le cercle des sbires du directeur exécutif de Nidaa, renforcé par la «nouvelle» recrue Ridha Belhaj, tentent désespérément de déstabiliser le chef de gouvernement, qui serait, selon eux, «l’emblème même de l’échec», «le traître» et «l’enfant indigne», mais leurs incantations ont du mal à impressionner Chahed, tellement ces courtisans ont perdu, au fil du temps, de la leur crédibilité.

Il est vrai que l’actuel gouvernement, à l’instar de celui qui l’a précédé, conduit par Habib Essid, peine depuis deux ans à engager les réformes vitales que le pays attend depuis des années. Mais quel ingénieux capitaine, aussi chevronné et aussi déterminé soit-il, aurait été capable de conduire un navire qui se débat en pleine mer, à la merci des houles, prenant l’eau de tous les côtés tout en subissant la mauvaise foi de son armateur et la mauvaise humeur de ses passagers?

Quel génie de la politique prétend tenir le cap quand il doit faire face à l’arrogance des responsables de l’UGTT dont la capacité de nuisance semble illimitée, aux manœuvres sournoises de son propre parti, aux calculs cyniques de ses alliés islamistes, au populisme primaire de l’opposition?

Quelle volonté, aussi forte soit-elle, serait capable d’affronter les énormes difficultés économiques, sociales, éducatives, voire même sécuritaires sans avoir une véritable colonne politique fiable?

En fait, l’échec de Chahed, si l’on insiste pour parler d’échec, serait celui de tous les acteurs politiques. Cet échec, on peut l’attribuer à l’instabilité politique qui dure depuis sept ans mais aussi à la hasardeuse gouvernance des trente dernières années voire encore plus.

Cet échec serait aussi celui d’une population longtemps infantilisée, jamais responsabilisée. Se complaisant dans le rôle d’assistée, la société tunisienne n’a appris qu’à gémir, jamais à regarder avec lucidité sa propre réalité…

Enfin, cet échec serait celui d’une classe politique dilettante, arrogante, suffisante et, surtout, incompétente et incapable d’apporter des propositions concrètes pour sortir de la crise.

Un nouveau leader politique en train de naître

Ainsi, s’il y a une crise au sein des «caisses», c’est que, durant des décennies, ni le PSD ni le RCD, les anciens partis au pouvoir, qu’on cherche aujourd’hui à ressusciter d’une manière éhontée, n’ont fait que chercher à acheter à tout prix la paix sociale, préférant la stratégie de l’évitement qui consiste à mettre la poussière sous le tapis, à celle de l’anticipation et des décisions radicales et courageuses. En réalité, la «révolution» n’a fait qu’à révéler au grand jour les failles du système en l’exacerbant.

Par conséquent, il serait ridicule de faire de Chahed un bouc-émissaire dont le départ réglerait tous nos problèmes, remplirait nos caisses vides, mettrait de l’ordre dans un pays déboussolé et ingouvernable.

Malgré ses faux pas, Chahed serait une véritable promesse pour une classe politique usée, cupide et pressée…

Malgré une certaine rigidité et une difficulté à communiquer et à faire de la pédagogie, il jouit de plusieurs atouts.

Ainsi, il a pour lui sa jeunesse, son niveau d’instruction, son éducation, son intégrité (rare chez la classe politique) et surtout sa force de caractère qui lui a permis de refuser d’être le godillot de BCE et de résister face à l’acharnement de la meute endiablée qui entoure le fils du président.

Même s’il parait solitaire, Chahed serait capable de tracer son chemin pour incarner un nouveau courant politique centriste et moderniste et d’accomplir le projet que Nidaa n’a pas su réaliser effectivement. Qui sait, aujourd’hui, si, à la Kasbah, un nouveau leader politique n’était pas en train de naître, dans l’adversité générale, pour porter les espoirs d’une jeunesse qui ambitionne d’écrire une nouvelle page, plus reluisante, dans l’histoire de ce pays.

* Universitaire.

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