07 Nov 2018 | 14:00 SOCIETE, Tunisie
Fresque en mosaïque à la mémoire des victimes à l’entrée du Musée du Bardo.
Le procès de l’attentat du Bardo, transmis en direct à Paris, hier, mardi 6 novembre 2018, depuis le tribunal de Tunis, a été reporté à mardi prochain, car seuls 2 accusés ont accepté de se présenter devant le juge. Les avocats des victimes françaises se disent «amers et irrités».
Les victimes et familles des personnes tuées dans cette attaque terroriste perpétrée le 18 mars 2015, au musée du Bardo et qui a fait 22 morts, devaient assister pour la première fois au procès grâce à une vidéo retransmission. Mais sur les 22 prévenus, 20 ont refusé d’entrer dans la salle d’audience.
Pour les avocats français, cette absence est «précisément à cause de la retransmission vidéo». Mais, ce qu’ils ignorent c’est que ce comportement est habituel chez les prévenus cités dans des affaires de terrorisme : cela se passe ainsi depuis 2013, dans les procès des meurtres de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ou encore ceux des soldats et sécuritaires tués dans les attaques terroristes.
Me Géraldine Berger-Strenger et Me Gérard Chemla ont aussi déploré le fait de peu d’éléments, soit 1/5e du dossier, car les autres pièces n’ont toujours pas été traduites en français.
«Il semblerait que nos confrères tunisiens se soient emparés du fait que l’affaire est retransmise en France pour considérer que c’était une mainmise anormale du gouvernement français. Ce qui est totalement aberrant ! C’est une retransmission en direct, par derrière, ce qui fait qu’on ne voit pas le visage des accusés. Clairement, on est dans quelque chose qui est fantasmatique. Je suis très amer» a déclaré Me Chemla sur France inter.
En octobre dernier, le collectif avait envoyé un courrier au 1er ministre français, pour exprimer ses «doutes quant à la capacité de la justice tunisienne à gérer ce procès dans des conditions de transparence et d’équité acceptables».
Les avocats français ont également affirmé que leurs clients n’ont pas accepté de se rendre en Tunisie car ils craignent pour leur sécurité d’autant qu’un attentat a été perpétré lundi 29 octobre 2018, au centre-ville de Tunis (une kamikaze s’est fait exploser faisant 20 blessés).
Cependant, plusieurs clients ont indiqué qu’ils n’ont pu se rendre en Tunisie car la France a refusé de prendre en charge les frais de leur déplacement… C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré Me Chemla lui même, en novembre 2017, expliquant que ses clients n’ont pas les moyens de faire le déplacement en Tunisie et d’y séjourner.
Il faut aussi souligner que cette demande de transmission vidéo a été faite par les avocats français pour éviter davantage de dépenses à leurs clients. La justice tunisienne était sceptique mais un accord a finalement été trouvé entre les deux chefs de gouvernement Edouard Philippe et Youssef Chahed, en octobre 2017, pour faire une entorse à la règle et transmettre le procès en simultané dans un tribunal à Paris. Ce qui a été fait aujourd’hui.
Y. N.
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un seul jugement LA POTENCE . trop de temps de perdu trop de souffrances pour ceux qui restent ……….. vite
Je regrette que votre article soit aussi partiel et que vous n’ayez pas pris la peine de nous interviewer avant de nous citer.
Nous critiquons effectivement un certain nombre de chose autour de ce procès mais qui ne concernent pas que la justice tunisienne :
– le fait que nos clients ne bénéficient pas de la prise en charge de leurs frais de défense
– le fait que la retransmission vidéo se fasse à Paris dans une salle fermée au public, sans possibilité de disposer du son de la salle d’audience de Tunis (ce qui a fait que le public français n’a pas pu correctement suivre l’audience du 6 Novembre dernier du fait de l’impossibilité pour les interprètes de la suivre dans de bonnes conditions).
– la question de la prise en charge des frais de déplacement des victimes a été réglée il y a quelques semaines (ce n’était pas le cas lors de mon interview de 2017) pour les personnes physiques seulement, par contre rien n’a été mis en place en termes de sécurité (dans un contexte particulier puisqu’un attentat a été commis quelques jours avant le procès).
– Contrairement à ce que vous écrivez, les accusés ont participé à l’audience à laquelle j’avais assistée en Octobre 2017. Il ne s’agit pas donc de leur part d’une attitude systématique.
– Je n’ai jamais dit que c’était la retransmission qui justifiait l’absence des accusés à l’audience. j’ai expliqué que c’était le prétexte invoqué par certains avocats alors que cette retransmission n’est pas la démonstration de la mainmise de la france sur la justice tunisienne mais simplement la conséquence de la présence de victimes étrangères qui ont droit de participer à leur procès.
– Je me suis étonné que le juge d’instruction qui a traité ce dossier soit désormais le procureur de Tunis ce qui ne me semble pas sain.
– J’ai regretté (et je regrette toujours) qu’une partie de l’enquête ait été viciée par des pratiques de tortures qui ne sont pas à la gloire des enquêteurs qui en seraient les auteurs et que cette partie du dossier n’ait pas été intégralement communiquée au juge Français ce qui ne nous a pas permis de mesurer la teneur réelle des comportements des policiers en cause.
– enfin je regrette que l’examen au fond du dossier ait encore une fois était reporté, que nous n’ayons aucun calendrier d’audience et ne puissions nous organiser pour gérer ce procès comme nous aimerions pouvoir le faire.
– je respecte pour autant à la fois les magistrats Tunisiens, le Tribunal Criminel et l’institution judiciaire elle-même qui, manifestement, s’attaque avec courage et détermination au jugement de ces attentats qui ont empoisonné votre pays comme ils ont destabilisé le mien.
Gerard Chemla
Avocat de 24 victimes françaises de l’attentat survenu au musée du Bardo.