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Israël : Existe-t-il une alternative politique à Benyamin Netanyahou ?

Le Premier ministre israélien se maintient au pouvoir en dépit des affaires et des soubresauts d’une coalition particulièrement fragile (démission du ministre de la Défense, Avigdor Liberman). Mais il doit faire face aux ambitions de l’ancien chef d’état-major de Tsahal, Benny Gantz.

Par Roland Lombardi *

En effet, Benyamin Netanyahou, sans alternative sérieuse et crédible au sein du Likoud, chez ses partenaires et encore moins chez ses adversaires, semble insubmersible et fait preuve, qu’on l’aime ou pas, d’un certain talent politique.

Dernièrement, alors que tous les observateurs s’attendaient à la démission du gouvernement de Naftali Bennett et d’Ayelet Shaked, après la décision du Premier ministre de conserver le portefeuille de la défense plutôt que de le confier à Bennett, ce dernier s’est ravisé (sûrement échaudé par les derniers sondages).

Finalement, le patron de Habayit Hayehudi, s’est laissé persuader par Netanyahou que le moment n’était peut-être pas idéal pour des élections anticipées…

Alors oui, le Premier ministre israélien a su se rendre incontournable en écartant subtilement toute les alternatives politiques. Par ailleurs, Netanyahou, sous la pression américaine (mais peut-être aussi russe) a fortement évolué sur les questions régionales. Il a pris conscience qu’il fallait modifier sa géopolitique dans la région en se rapprochant des régimes sunnites afin de faire face à la menace iranienne et surtout, pour éventuellement construire sinon la paix, au moins bâtir une situation apaisée, voire, qui sait ?, un règlement du conflit israélo-palestinien (qui par ailleurs, déferait le principal atout de Téhéran dans le monde arabe).

Par contre, il est possible (mais peu probable pour l’instant), qu’à plus ou moins long terme, Netanyahou donne satisfaction aux plus radicaux de son gouvernement et fasse taire ceux qui l’ont qualifié de «gauchiste» en raison de sa retenue face au Hamas, en lançant une opération de grande ampleur au Nord contre le Hezbollah, la seule véritable menace tactique sérieuse (mais non existentielle) pour Israël. Sur le plan international, même si les risques d’embrasement régional restent toujours possibles, celui-ci serait moins préjudiciable pour l’image de l’Etat hébreu qu’une intervention contre Gaza qui serait alors soutenue par Riyad et ses «alliés» du Golfe. Dans le contexte actuel, l’Iran, sous pression internationale et surtout américaine, n’aurait assurément pas les moyens, diplomatiques et encore moins militaires, de s’interposer et de jouer la politique du pire. D’autant plus que si la Syrie était épargnée, Moscou (et même Assad voire certains Libanais) ne verrait pas d’un mauvais œil (comme on l’a déjà vu également en Syrie) que la milice chiite soit durement frappée…

Le problème c’est qu’une guerre extérieure ne règle que très rarement les problèmes de politique intérieure…

Une troisième force politique ?

Devant un bloc de centre-gauche qui peine à faire front et une alliance de droite dure tout aussi fragile, certains se prennent alors à imaginer qu’une éventuelle 3e force politique s’invite dans la course au pouvoir ou vienne jouer les arbitres.

Mais c’est peu probable, même si rien n’est jamais écrit en politique. En démocratie, notamment celle où deux grandes forces historiques se font face, un 3e mouvement ne peut émerger sérieusement que si les partis traditionnels sont discrédités ou connaissent une forme d’«épuisement» et de rejet des électeurs. De plus, il faut que cette «3e voie» soit emmenée par une figure très charismatique.

La dernière expérience de la sorte en Israël, fut le parti Kadima. Mais celui-ci fut créé en 2005, dans un tout autre contexte et surtout, par Ariel Sharon, suivi de Shimon Peres, les dernières grandes «légendes» de l’Etat hébreu, encore en vie à l’époque. On connaît la suite… En 2013, Kadima n’obtint que 2% des suffrages et 2 sièges. En 2015, il ne présenta aucun candidat !

Actuellement donc, aucun scénario de ce type ne se profile en Israël. Certes, l’Union sioniste, dans laquelle le parti travailliste est la principale composante, n’a pas pour l’instant de figure dirigeante d’envergure mais il représente solidement les idées de centre gauche. Par ailleurs, d’après les derniers sondages, un nouveau parti nuirait principalement au seul parti travailliste puisqu’il lui prendrait une dizaine de sièges, ce qui ne ferait qu’émietter un peu plus le camp de la gauche et du centre.

Quant à la droite israélienne, malgré les déboires judiciaires de Benyamin Netanyahou et la fragilité de ses alliances avec des partis de droite plus radicaux, elle ne serait absolument pas gênée par la création d’un nouveau mouvement. Depuis plusieurs années, et en dépit de toutes les prévisions, le Likoud, grâce notamment à son leader madré, reste solidement au pouvoir…

L’ancien chef d’état-major de Tsahal, Benny Gantz, un «joker» pour l’opposition ?

Effectivement, l’ancien chef d’Etat-major de Tsahal est très populaire. D’après certains sondages, Benny Gantz pourrait être la surprise de prochaines élections. En effet, il représenterait à lui seul une dizaine de sièges, sur 120, à la Knesset !

Aujourd’hui, le charismatique général vient de terminer sa période de gel (trois années après ses fonctions à la tête de l’armée israélienne). Cependant, il n’a fait pour l’heure aucune déclaration politique et reste très discret sur ses intentions. Sollicité par de nombreux partis, il n’en a encore choisi aucun. Comme je l’ai évoqué plus haut et aussi étonnant que cela puisse paraître Benny Gantz, de même que la grande majorité des chefs des forces de sécurité de l’Etat hébreu auréolés de leur crédibilité militaire acquise sur les champs de bataille, serait plus enclin à faire la paix avec les Palestiniens et les Arabes en général. Il est vrai que l’histoire, et particulièrement celle d’Israël, le prouve : ce sont souvent les faucons (Begin) ou les anciens généraux (Rabin et Sharon), qui, connaissant le prix du sang, font la paix !

Pendant son mandat de 2011 à 2015, Benny Gantz s’était fait remarquer par sa modération militaire puis sa forte opposition au gouvernement de Netanyahou. N’oublions pas que les projets d’une frappe unilatérale israélienne sur l’Iran ont été entravés par les militaires…

Sur le plan strictement interne, en juin 2016, avec son collègue, l’ancien chef d’État-major Gabi Ashkenazi, Gantz avait annoncé son intention de former un nouveau mouvement social, tout en précisant prudemment qu’il ne s’agissait pas d’un nouveau parti mais d’un groupe de réflexion… L’ancien général pourrait donc convaincre de plus en plus d’électeurs qui se sentent abandonnés sur le plan social et économique.

En attendant, à défaut de le circonvenir, l’ex-chef d’Etat-major est l’adversaire à éliminer pour la droite israélienne (certains sites de propagande de l’extrême-droite messianique et certains militants du Likoud ont déjà commencé une campagne d’intimidation et de discrédit contre le général et son épouse, Revital).

Quant aux militants du parti travailliste en déshérence, ils rêvent que Benny Gantz soit le sauveur de leur mouvement. Mais Gantz a également des exigences. Comme il l’avait fait comprendre à Yaïr Lapid en repoussant ses avances, Benny Gantz ne sera jamais le numéro-2 de personne ! Pas sûr que les responsables travaillistes arrivent donc (et le veuillent vraiment) à se faire entendre…

À moins qu’en raison des risques sécuritaires s’intensifiant (au Sud mais surtout au Nord avec le Hezbollah), Netanyahou, avec, comme on l’a vu, sa légendaire virtuosité politique et dans un rebondissement dont lui seul a le secret, vienne à former un gouvernement d’union nationale face au danger immédiat. Ainsi, le Premier ministre israélien pourrait alors proposer un des postes ministériels, laissés volontairement vacants, à l’ancien chef d’Etat-major (ministère de la Défense), qui sait ?

Au final, l’ancien militaire sait pertinemment que le monde politique est souvent plus impitoyable et vil que la guerre. Reste donc à savoir, si finalement Benny Gantz franchira le pas, et alors comment ?

* Consultant indépendant, associé au groupe d’analyse de JFC Conseil.

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