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La présidentielle dans les médias ou les leçons de l’«affaire» Zbidi – Attessia

Boubaker Ben Akacha / Abdelkarim Zbidi.

L’affaire n’est pas anodine : un candidat à la présidentielle, Abdelkarim Zbidi, donne son accord pour passer dans une émission politique, puis, les responsables de sa campagne interviennent pour demander à voir les questions devant lui être posées.

Par Ridha Kéfi

D’abord, retour sur les faits : M. Zbidi a donné son accord à notre collègue Boubaker Ben Akacha pour être l’invité de son émission ‘‘Saken Carthage’’ sur Attessia TV, demain, jeudi 29 août 2019. Entre-temps, son équipe de campagne est entrée en ligne pour demander au journaliste-animateur de lui remettre les questions ou les thèmes qui seront débattus durant l’émission. Ils ont, bien sûr, essuyé un refus catégorique, car cela transgresserait les règles du jeu et serait injuste à l’égard des autres candidats déjà passés ou qui passeront au cours des deux prochaines semaines, et qui, eux, n’ont pas eu ce genre d’exigence, surtout que l’émission passe en direct, comme l’exige cet exercice dans tous les pays démocratiques.

Comment expliquer ce faux-pas de l’équipe de campagne de M. Zbidi ? Ses membres ont, dans un premier temps, mis en doute la neutralité de notre collègue Boubaker Ben Akacha et exigé des assurances que leur candidat ne sera pas malmené ou tourné en dérision, notamment par ‘‘Caméra Houssem’’, l’une des parties de l’émission diffusant et commentant, sur un ton humoristique, des vidéos où apparaît le candidat, rarement à son avantage.

Un candidat «survendu» a-t-il droit à un traitement de faveur ?

Face à l’intransigeance de Boubaker Ben Akacha : «Tous les candidats sont soumis aux mêmes épreuves de vérité. Et c’est le but de l’émission», explique-t-il. Il ne fallait pas plus pour que M. Zbidi et son équipe de campagne se débinent.

Pis encore : le journaliste-animateur ayant ébruité l’affaire, pour expliquer l’absence de son émission quotidienne demain, jeudi 29 août, il a eu droit à une campagne de dénigrement et de désinformation sur les réseaux sociaux, colportée par les fans de M. Zbidi, avec la diffusion de faux échanges sur Messenger entre Boubaker Ben Akacha et Selim Azzabi, secrétaire général du parti Tahya Tounes, sur un soi-disant arrangement pour piéger M. Zbidi et favoriser un autre candidat, Youssef Chahed en l’occurrence. La ficelle est trop grosse et la méthode protesque.

Bien entendu, ces échanges n’ont jamais eu lieu et les «faussaires» sont tellement maladroits qu’ils ont mal transcris le prénom de M. Azzabi : Salim au lieu de Selim.

Bref, tout cela ne sert pas M. Zbidi, mais le dessert énormément au regard des électeurs et confirme les manipulations que beaucoup soupçonnent derrière sa candidature de dernière minute, précédée et accompagnée par des campagnes massives de marketing politique sur les réseaux sociaux.

L’homme a, d’ailleurs, été tellement «survendu» par les campagnes sponsorisées sur Facebook et Instagram que ses premières apparitions médiatiques, bien que soigneusement arrangées avec des journalistes «maison» et des médias «amis» (à l’exception de ‘‘Midi Show’’ sur Mosaïque FM), ont été un fiasco en termes de communication politique, montrant un homme hésitant, indécis, mal informé, fuyant les questions et terminant rarement ses phrases. Bref, un très mauvais orateur, peu familier des joutes oratoires, qui aurait du mal à tenir une interview en bonne et due forme, y préférant les interventions encadrées, enregistrées et diffusées en différé, avec les coupures et les arrangements requis pour apparaître sous son meilleur jour possible… comme le faisait, en son temps, l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali. Mais les temps ont changé… Ce que M. Zbidi et son équipe n’ont pas compris…

Les médias neutres et les médias embarqués

Cette affaire, car c’en est une, pose plusieurs questions sur le sérieux de certains candidats, qui se sont jetés dans la bataille de la présidentielle sans avoir les armes nécessaires pour une telle aventure ou en surestimant leur capacités à tenir la route.

On peut aussi s’interroger sur la difficulté que pose ce genre de candidats aux médias qui veulent faire leur travail dans le strict respect des normes internationales de neutralité lors des campagnes électorales.

En revanche, les médias peu regardants sur les règles déontologiques vont trouver chaussures à leurs pieds, c’est-à-dire des candidats prêts à payer cher pour être présentés sous la meilleure image possible dans ce qu’il convient de qualifier de la publicité politique, laquelle, rappelons-le, est interdite par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) et par la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica).

Comment alors traquer et, surtout, sanctionner ces médias et ces candidats qui transgressent les lois? C’est tout l’enjeu de la campagne électorale pour la présidentielle qui va démarrer officiellement le 2 septembre prochain, campagne qui, on le craint sérieusement, au vu des comportements déjà constatés, ne se déroulera pas dans les meilleures conditions de transparence, les tricheurs ayant toujours une longueur d’avance sur les gardiens de la loi, souvent désarmés ou complices… par calcul ou par impuissance.

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