La Tunisie et l’Union européenne (UE) ont négocié en 2016 un «Accord de libre-échange complet et approfondi» (Aleca). Le Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise) analyse aujourd’hui son impact sur le commerce et le production en Tunisie. Extraits.
Synthèse et traduction de l’anglais par Amina Mkada
L’Aleca se base sur l’Accord d’Association (AA) existant entre la Tunisie et l’UE, pour en augmenter la portée et la profondeur.
En termes de portée, là où l’actuel AA est largement concentré sur les produits manufacturés, l’Aleca vise à atteindre davantage de libéralisation et dans une certaine mesure, celle (de l’agriculture et) des services.
Son objectif est de fournir une intégration «profonde» et beaucoup plus significative, à travers l’élimination accrue des obstacles non tarifaires au commerce, comme les normes techniques, un rapprochement législatif plus étroit avec le marché unique de l’UE, et l’amélioration des mesures de facilitation des échanges.
Ne pas alourdir le fardeau de la libéralisation sur la Tunisie
Aussi, les modifications proposées aux tarifs, aux quotas et aux barrières non tarifaires auront un impact sur les échanges commerciaux entre l’UE et la Tunisie, ainsi qu’avec les pays tiers.
Les changements survenus dans les courants d’échanges tunisiens n’étaient pas simplement entraînés par un éventuel changement des tarifs d’importation tunisiens de l’UE, mais aussi par les droits de douane que la Tunisie a perçus et auxquels elle est confrontée vis-à-vis du reste du monde.
Les changements dans les importations tunisiennes ont été motivés par les modifications dans la compétitivité mondiale des pays et par le fait qu’en plus de la libéralisation avec l’UE, la Tunisie a également libéralisé ses droits NPF (nation la plus favorisée).
Les conclusions tirées de cette analyse démontrent que davantage de réductions des tarifs seulement risque de peser lourd sur le processus d’ajustement en Tunisie. Un faible niveau d’intégration (centré sur les tarifs) alourdit beaucoup plus le fardeau de la libéralisation sur la Tunisie, étant donné que l’UE a déjà libéralisé les siens. En effet, une telle expérience conduit à un déclin de la production tunisienne.
Cependant, la Tunisie pourrait réaliser des gains importants, si l’Aleca réussit à réduire de manière significative les barrières non tarifaires entre l’UE et la Tunisie. Il y a un potentiel de gains nets sur la production et les exportations tunisiennes (jusqu’à 3,4% et 25,4%) respectivement, dans les simulations effectuées dans le cadre de cette analyse.
L’ampleur des nombreuses sources de gains dépendra essentiellement du niveau des obstacles non tarifaires entre l’UE et la Tunisie, et celle des réductions des barrières tant tarifaires que non tarifaires. Il est donc extrêmement important que davantage de travail soit fait, pour mieux comprendre l’ampleur de ces obstacles et quelles politiques spécifiques sont nécessaires pour assurer leur suppression.
Des gagnants et des perdants
Une réponse politique appropriée de la Tunisie serait de minimiser toute libéralisation de ses tarifs pour protéger l’industrie nationale, tout en obtenant des barrières non tarifaires maximales sur le marché de l’UE afin d’encourager les exportations. Ce serait une erreur, car protéger les industries est une source de distorsion, ce qui à long terme n’est pas bon pour la croissance économique. En effet, la plupart des gains provenant du commerce international, sont issus d’une meilleure allocation des ressources provenant de la libéralisation.
Par conséquent, la libéralisation intérieure est également importante et doit être menée progressivement par des politiques appropriées en place, pour traiter tout coût d’ajustement. L’augmentation des exportations est tout aussi importante et peut également entraîner des gains importants.
La libéralisation crée des gagnants et des perdants: les gagnants sont typiquement les consommateurs et les acheteurs d’intrants intermédiaires qui les obtiennent à des prix plus bas, et les travailleurs des entreprises en expansion. Les perdants sont les entreprises et les travailleurs des entreprises confrontées à une concurrence étrangère accrue. Ces coûts d’ajustement, et le temps nécessaire aux particuliers, aux entreprises et aux secteurs pour les ajuster, ne doit pas être sous-estimé.
En conclusion, parallèlement à tout processus d’approfondissement de la libéralisation, il est important qu’il y ait des politiques facilitant le changement industriel structurel et l’aide à l’ajustement, au profit de ceux négativement touchés par cet impact.
Cette analyse du Femise a été réalisée par Dr. Michael Gasiorek de l’Université du Sussex et & InterAnalysis du Royaume Uni, et Pr. Sami Mouley, de l’Université de Tunis.
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