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Dans la guerre contre le Covid-19, la Tunisie a besoin de tous ses soldats en blouses blanches

Les SAMU, qui supportent tout le poids de la demande médicale depuis l’apparition du coronavirus (Covid-19) en Tunisie, sont dépassés, et la qualité de leurs services risque de s’en ressentir. Aussi tout le système médical national, public et privé, doit être réorganisé et mis à contribution dans la guerre en cours.

Par Dr Abdelmajid Mselmi *

Le plan national de lutte contre le Covid-19 mis en place au mois de février 2020 repose de façon stratégique sur les services d’assistance médicale urgente (SAMU). Au nombre de 6, régulant 14 unités de services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) et couvrant 50% du territoire et 75% de la population, ils ont été considérés comme le bras armé exécutif du plan national.

Les rôles attribués au SAMU sont multiples : répondre aux appels reçus sur le 190, l’analyse et le tri des patients suspects d’une atteinte de Covid-19, se déplacer au domicile du patient pour faire le prélèvement naso-pharyngé, transporter les patients nécessitant des soins urgents et les réanimer en cours de route. En outre, les SAMU sont appelés à continuer à prendre en charge les autres patients graves non Covid-19 atteints d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral.

Les SAMU et les SMUR sont largement débordés

Au départ et au stade zéro de l’épidémie, ce plan est pertinent. Son avantage, c’est que le service médical se déplace chez le patient et le malade reste chez lui. Ce qui permet de limiter au maximum le risque de contaminer d’autres personnes sur le trajet et dans l’établissement hospitalier.

Maintenant que l’épidémie du Covid-19 est installée dans notre pays et a atteint le stade 3, il faut bien adapter notre stratégie pour mieux combattre l’épidémie. Les SAMU et les SMUR sont largement débordés malgré le renforcement en ressources humaines et en logistiques. Il est tout à fait compréhensible qu’ils n’arrivent pas à satisfaire les doléances des centaines de milliers de citoyens qui se sont rués vers le 190 ces dernières semaines, souvent de peur plus que du mal. Les réponses sont de plus en plus tardives, les déplacements sont calculés et les prélèvements au compte-gouttes. Dans cette ambiance de panique et d’encombrement, de véritables urgences vitales (Covid- 19 ou autres) ne sont pas prises en charge correctement.

Unités régionales mobiles pour les prélèvements

Une redistribution plus équitable de l’effort de prise en charge entre les structures de santé est nécessaire pour permettre de soulager les SAMU et de mieux prendre en charge les patients.

Le grand problème que vivent actuellement les SAMU c’est la lourde charge des centaines de prélèvements qu’ils assurent chaque jour. Le prélèvement est une opération qui prend beaucoup d’effort et de temps : sélectionner le patient candidat au prélèvement, se déplacer chez lui, enfiler l’équipement de protection, désenfiler la protection, et décontaminer l’ambulance. Avec l’orientation vers un dépistage massif des cas suspects de Covid-19, ça deviendra au-dessus des moyens des SAMU et la prise en charge des patients va en pâtir.

C’est pour cela qu’il faut impliquer les structures médicales régionales et instaurer des équipes régionales mobiles formées et dévouées à cette mission. Plusieurs peuvent se relayer pour assurer le maximum de prélèvements.

Impliquer les structures médicales de 1ère ligne

Depuis la survenue de l’épidémie du Covid-19, nous assistons, dans le secteur médical, à une configuration étrange : alors que les hôpitaux se sont désertés, les SAMU sont devenus la destination médicale la plus prisée des Tunisiens. L’appel d’aide médicale urgente (190) est devenu une méga consultation à l’échelle nationale que tout le monde consulte quel que soit le motif. En revanche, les structures médicales de 1ère et de 2ème ligne, ainsi qu’une bonne partie des cabinets médicaux, sont désertés non seulement par les médecins (par défaut de moyens de protection) mais aussi par les patients par peur de contagion. Le couvre-feu, le confinement sanitaire et les difficultés de transport ont poussé les citoyens à se rabattre sur le 190.

Il est impératif et le plutôt possible de remettre les pendules à l’heure et d’impliquer le maximum des structures de santé dans cette bataille cruciale. Maintenant et passée la période de panique, il faut appeler les citoyens à consulter leurs médecins habituels ou de proximité après l’apparition de toute plainte ou symptôme clinique.

Les dispensaires, les hôpitaux locaux ou régionaux, les cliniques privées et les médecins de libre pratique doivent être fin prêts pour accueillir leurs patients. Ils doivent être bien organisés pour assurer le tri des patients à l’entrée des établissements et tracer les circuits Covid-19 selon les recommandations de l’Instance nationale d’évaluation et d’accréditation en matière de santé (INAES). Ils doivent être suffisamment équipés selon les normes pour protéger le personnel de santé et les autres patients de la contamination par le virus SARS-COV-2. La consultation à distance, par téléphone, réseaux sociaux ou au mieux par télémédecine, constituent une très bonne alternative dans ces périodes d’épidémie permettant le tri initial. Les médecins de familles (dans les secteurs public ou libéral) sont les mieux placés pour adhérer à cette technique car ils ont une connaissance antérieure de leurs patients.

Les médecins dans les différentes structures gagnent à dépasser leur crainte initiale et à s’engager à prendre soins de leurs patients et prendre place parmi les premiers rangs de l’armée prestigieuse des blouses blanches pour gagner une guerre décisive contre ce virus pernicieux et maudit.

* Chirurgien, professeur agrégé.

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