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L’Organisation mondiale de commerce au cœur de la crise du Covid-19

On n’a pas fini d’évaluer l’impact négatif de la pandémie du coronavirus (Covid-19) sur l’économie mondiale. Les échanges commerciaux, pour leur part, en ont pris un sacré coup et les dysfonctionnements constatés à cette occasion vont peser sur la reconfiguration des relations commerciales dans le monde d’après la pandémie.

Par Cyrine Belghith *

Le 17 décembre 2019, le monde était devant un «cauchemar» causé par une nouvelle maladie de la famille coronavirus, Covid-19, apparue en Chine. Une maladie dont le rythme de contagion est «fou», a mené l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le 30 janvier 2020, à déclarer que «l’épidémie de coronavirus constitue une urgence de santé publique de protée internationale». Après cette déclaration, les Etats du monde ont pris des mesures pour faire face à cette pandémie et certains sont devenus incapables de contenir les cas testés positifs.

Avec l’élévation du nombre des personnes touchées, la maladie est devenue, selon une décision peu tardive de l’OMS, au mois de mars, une pandémie. Dès lors, les efforts se sont renforcés par tous les Etats, pratiquement, avec un arsenal de décisions et mesures entreprises.

Etant une guerre sans précédent, le monde s’est trouvé au bout de quelques mois suspendu. L’impact économique se fera sentir par de multiples canaux. Ce qui a mené l’Organisation mondiale de commerce (OMC) à s’intéresser plus du phénomène pour contenir la situation et pour que le monde puisse «survivre» avec un minimum de dégâts et ce en coopération avec les autres organisations internationales afin d’essayer de réparer la brèche qui a touché l’économie et le social.

Quel rôle de l’OMC pour surmonter la crise?

L’OMC est l’organisation internationale qui s’occupe des règles régissant le commerce entre ses membres. Elle affiche l’objectif d’assurer l’ouverture du commerce dans l’intérêt de tous, et ce, en assurant l’aide des producteurs de marchandises et de services, les exportateurs et les importateurs à mener leurs activités.

Devant cette situation particulière, les fournitures médicales étaient l’élément le plus important pour gagner cette guerre. À cause de leur importance, certains Etats ont accaparé ces équipements tels que la Chine.

En effet, ce pays, qui a réussi à limiter la propagation du virus et une grande partie du matériel est restée inutilisée, a profité de la situation pour le vendre à des prix multipliés. De ce point, la Chine n’a pas seulement violé les règles de l’OMC par le dédoublement du prix, mais aussi par la vente des équipements qui ne répondaient pas aux normes de qualité, ce qui conduit plusieurs Etats à annuler les commandes comme les Pays-Bas et l’Espagne.

Dans ce cadre, une pensée sur le rôle qui devait être joué par l’OMC s’impose lors d’une guerre, dans laquelle le nombre des personnes contaminées ou mortes augmente.

Le 23 avril 2020, un rapport du secrétariat de l’OMC attire l’attention sur le manque actuel de transparence au niveau multilatéral et sur les risques, à long terme, que représentent les restrictions à l’exportation pour les chaînes d’approvisionnement mondiales et le bien-être public. Le 27 avril, le secrétariat a publié un nouveau rapport sur le traitement des produits médicaux dans les accords commerciaux régionaux (ACR) et qui examine dans quelle mesure les produits médicaux sont échangés entre partenaires préférentiels et la différence de taux de libéralisation dans le cadre et en dehors de ces accords commerciaux.

Cependant, le mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, et qui constitue la clef de voûte du système commercial multilatéral, détermine la manière de régler les litiges qui surviennent lorsqu’un État membre reproche à un autre de violer ses obligations.

Il faut savoir, dans ce cadre, si le système de règlement des différends peut intervenir de manière efficace lors de ces infractions faites par plusieurs Etats et dans ces conditions particulières.

Après presque six mois de l’apparition de la Covid-19, le directeur général a considéré qu’«il est temps d’agir et non de réfléchir». Assurément, cette intervention ou réaction sera prise en coopération avec les autres organisations internationales, chacune dans son domaine.

Bien que cette déclaration soit «audacieuse», elle a peut être été tardive par rapport à l’aggravation de la situation.

La nécessaire coopération entre l’OMC et les organisations internationales

Les organisations internationales, dont l’ONU à compétence générale et les autres spécialisées (OMC, OMS, Organisation mondiale des douanes, OMD…), chacune dans son cadre opérationnel, jouent certainement un rôle si important. À cet effet, et face aux menaces pesant sur l’approvisionnement alimentaire, l’ONU, l’OMS et l’OMC ont publié une déclaration commune qui met en garde contre une éventuelle insuffisance mondiale de denrées alimentaires en raison des interdictions de commerce et d’exportation appliquées à la suite de la pandémie. Ils ont appelé à minimiser les impacts potentiels sur l’approvisionnement alimentaire ou les conséquences imprévues sur le commerce mondial et la sécurité alimentaire. Elles ont souligné la nécessité de protéger les producteurs et les travailleurs du secteur alimentaire. Or, cette responsabilité se comble aussi pour les consommateurs qui doivent continuer à être en mesure d’accéder à la nourriture au sein de leurs communautés dans le cadre d’exigences strictes en matière de sécurité, tandis que les informations sur la production, la consommation et les stocks disponibles devraient être facilement disponibles pour empêcher les pratiques d’achat de panique et de thésaurisation des aliments.

En outre, si la pandémie représente avant tout une crise de santé publique; elle place aussi le monde face à des défis socio-économiques inégalés. Afin d’appuyer les efforts en cours pour atténuer ses effets, les secrétariats de l’OMD et de l’OMC ont convenu de travailler ensemble dans le but de réduire au minimum les dérèglements des échanges commerciaux transfrontaliers de marchandises, en particulier pour les produits essentiels pour lutter contre la Covid-19, tout en veillant à préserver la santé publique.

Bien que la coopération entre les organisations internationales soit d’importance capitale, la situation dont souffre le monde qui connait, jusqu’à présent une augmentation des cas des personnes contaminées et s’ajoute à ceux-ci des personnes qui souffrent du manque de leurs besoins alimentaires, sanitaires, etc., rendent la prise de plus de mesures strictes une nécessité pour que le monde puisse dépasser cette guerre avec un minimum de pertes.

Les impacts socio-économiques de la Covid-19

En s’intéressant à l’impact économique et commercial de cette crise et en se référant aux rapports de l’OMC, nous sommes en mesure d’estimer que les répercussions seront néfastes, ce qui a poussé les décideurs de chaque Etat et chaque organisation à prendre des décisions «douloureuses» sur le plan commercial et économique.

Selon le directeur général de l’OMC, les chiffres sont mauvais, c’est indéniable. Mais, une relance rapide et vigoureuse est possible. Il considère que le commerce sera un ingrédient important en la matière, associé aux politiques budgétaires et monétaires. Il exige, ainsi, que les pays travaillent «la main dans la main» pour avoir une croissance plus rapide.

Toutefois, et malgré les tentatives qui visent à inciter les Etats à se coopérer, la réalité connait des situations de conflits plus que de solidarité. Certes, ces événements bouleversaient les forces économiques dans le monde, autrement dit, aurons-nous un autre classement post-pandémie ?

Plombé par les tensions commerciales et le ralentissement de la croissance économique, le commerce faiblissait déjà en 2019 avant que le virus ne commence à sévir. En cette année, le commerce mondial des marchandises a enregistré un léger recul de -0,1% en volume, après avoir progressé de 2,9% l’année précédente. Dans le même temps, la valeur en dollars des exportations mondiales de marchandises a baissé de 3%, à 18.890 milliards USD.

En se référant aux analyses des économistes, nous pouvons comprendre les raisons de cette crise. En fait, la Chine est également un important marché mondial pour les secteurs de luxe. Or la mise en quarantaine et les autres mesures prises ont perturbé les échanges commerciaux mondiaux. En outre, l’Italie du Nord, qui est aussi l’un des pays les plus fortement touchés par la crise, est une des régions les plus nanties du monde.

A cause du coronavirus, le prix du pétrole encaisse également un nouveau choc. Les cours du baril atteignent ainsi 30 dollars le 8 mars. Or bon nombre de banques européennes et américaines sont dépendantes de l’industrie pétrolière.

Malgré l’incertitude des répercussions de cette crise, les économistes de l’OMC pensent que cette baisse sera probablement supérieure à la contraction du commerce causée par la crise financière mondiale de 2008-2009.

Pour la Tunisie, la propagation du coronavirus, a affecté amplement l’activité économique surtout à travers des multiples canaux de transmissions, principalement l’arrêt de la production, la fermeture des points de vente et l’arrêt du recouvrement interentreprises, ainsi que la suspension des opérations du commerce international.

En outre, la baisse des recettes fiscales est un indice très déterminant. Le volume des recettes fiscales que la Tunisie souhaitait atteindre au titre de l’année 2020 sera de l’ordre de 3,2 milliards de dinars. Mais il semble qu’il est difficile à réaliser surtout avec la décision de reporter les échéances des déclarations fiscales à la fin du mois de mai 2020, et ce, à l’exception des entreprises qui sont soumises au taux de 35%.

En revanche, cette pandémie aura, certes, des incidences profondes sur les performances des marchés du travail. Les estimations préliminaires de l’OIT montrent une augmentation du chômage mondial variant de 5,3 millions (scénario optimiste) à 24,7 millions (scénario pessimiste) à partir d’un niveau de référence de 188 millions en 2019.

Ainsi, parmi les profondes répercussions de cette pandémie c’est qu’elle avait un impact dévastateur sur les enfants. Selon Human Rights Watch, plus de 1,5 milliard d’élèves ne vont plus en classe. Les contraintes que subissent les familles, surtout celles qui vivent en quarantaine ou confinées, augmente l’incidence des violences domestiques. En effet, la secrétaire général du Conseil de l’Europe a déclaré que les femmes et les enfants sont désormais plus exposés au risque de violences au sein de leur foyer.

En Tunisie, le nombre d’alertes reçues sur le numéro vert du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, s’est multiplié par 3.

Certainement, la situation «catastrophique» où se trouvent plusieurs Etats et l’incapacité de prendre en charge les personnes contaminées ainsi que le dommage qui touche, pratiquement, toutes les catégories de chaque société dans les divers domaines, rendent la coopération entre les différentes organisations internationales, pour contenir les pertes de cette pandémie, une nécessité.

* Mastère de recherche en droit public, faculté de Droit de Sfax.

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