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Les Tunisiens résidents à l’étranger ne doivent pas être discriminés !

Des membres de la communauté tunisienne en France invités au dîners offert par le président Macron en l’honneur de Saïed, hier soir, à l’Elysée.

Le président de la république Kaïs Saïed est, hier et aujourd’hui, lundi 22 et mardi 23 juin 2020, à Paris, pour une visite de travail à l’invitation de son homologue français Emmanuel Macron. Cette tribune lui est particulièrement adressée.

Par Hédi Chenchabi *

La Tunisie avec plus de 10% de ses nationaux à l’étranger doit être fière de sa diaspora. Après toutes les campagnes d’hostilité à leur égard et les mesures discriminatoires qui les visent en particulier, le président de tous les Tunisiens doit être à l’écoute de ses compatriotes qui vivent et travaillent à l’étranger. Il doit disposer de toutes les données et informations pour prendre les bonnes décisions que les Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) attendent depuis la révolution et qu’ils ont exprimé à travers des cahiers de doléances et des revendications sur le fonctionnement des services consulaires, sur la représentation diplomatiques et les institutions gérées par l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE), sur l’absence d’un centre culturel en France digne de la Tunisie et de son rayonnement et sur la qualité de l’enseignent de la langue arabe à nos enfants.

La Tunisie a du mal à mobiliser sa diaspora

Malgré les avancées en termes de droits de vote et le changement de certaines pratiques de l’ancien régime dictatorial, la Tunisie a du mal à mobiliser les richesses et les compétences de cette diaspora.
L’opinion publique et certains médias continuent à véhiculer une image et des idées qui manifestent une méconnaissance des réalités de l’immigration, des TRE et de leurs droits à vivre dans l’égalité avec les autres nationaux.

Cette situation dure depuis plusieurs décennies, car les autorités, au-delà du discours élogieux éculé sur l’immigration, n’ont jamais voulu assumer la réalité d’un pays qui a besoin des apports de ses ressortissants à l’étranger.

Ce pays dilapide, de fait, son crédit auprès d’une partie de la nation, des familles, des jeunes et des enfants élevés dans l’amour du pays, de sa langue, de sa culture et de son histoire millénaire. Ces hommes et ces femmes occupent un rang estimable dans des pays d’accueil où ils vivent et travaillent, où certains assument, avec fierté, leur double appartenance et leur bi-nationalité qui est dénoncée par certains hommes politiques réactionnaires comme une trahison. Le nouveau président est sensible à ce sujet et à l’apport des TRE au pays.

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Cette ressource inestimable que constituent les TRE n’est plus à démontrer. Comme le soulignent tous les indicateurs économiques, sociaux, culturels et humains. Maltraités par les gouvernements successifs et sous prétexte de Covid-19 importé par eux, les TRE se trouvent dans des situations critiques et discriminés par des propos hostiles, des attitudes vexatoires et la prise de mesures inacceptables concernant les frais consulaires et les restrictions et obligations diverses pour revenir au pays auprès de leurs proches.

Ce gouvernement, sous la pression de lobbys et guidé par une démarche d’extorsion de devises des poches de ses ressortissants à l’étranger, ne respecte ni la réglementation internationale sur le change, ni les droits auxquels aspire tout Tunisien dans le pays ou à l’étranger.

Cette approche va avoir pour conséquences de faire fuir les Tunisien(ne)s et plus particulièrement nos enfants.

Un rapport ambigu aux TRE considérés comme une colonie

Considérer que les TRE n’ont pas les mêmes droits que leurs compatriotes vivants au pays et les touristes étrangers sont une erreur et un signal hostile à la diaspora. Tout est fait pour les taxer à mort, pour empêcher leur retour en famille en vacances, pour que les campagnes de protestation et d’indignation s’amplifient.

Ces options de courte vue du gouvernement et de ses ministres qui agissent sans concertation, témoignent d’un rapport ambigu aux TRE et d’une conception vieille de plus de cinquante ans qui considère les Tunisiens vivant à l’étranger comme une «colonie» qui n’a ni droits, ni son mot à dire sur les politiques d’émigration et les institutions gangrénées qui les concernent en premier chef.

L’OTE, qui coûte cher à l’Etat et qui maintient ce rapport d’«encadrement» et de contrôle inefficace et coûteux, est une organisation inadaptée à une gestion intelligente de nos concitoyens dont les qualifications et les compétences ont évolué. Cette OTE budgétivore et qui ne sert à rien doit être auditée et restructurée et les méthodes bureaucratiques et d’un autre âge qui rendent inefficaces nos représentations diplomatiques et consulaires doivent également être revues.

Le président doit avoir des ministres qui défendent les TRE partout où ils se trouvent et qui sont au fait du dossier de l’émigration et de son importance dans les rapports aux pays d’accueil. Les TRE ne peuvent pas continuer à financer ce système hérité du passé qui perpétue un rapport de méfiance vis-à-vis de la diaspora, considérée comme une main d’œuvre obéissante et pourvoyeuse de devises.

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Pour un audit général d’un OTE devenu obsolète

C’est à un audit général de l’OTE et des représentations diplomatiques et consulaires que la Tunisie moderne et ouverte doit s’atteler, c’est à la mobilisation de ses ressortissants et des compétences tunisiennes à l’étranger qu’elle doit prioritairement s’attaquer d’urgence avant qu’il ne soit trop tard et qu’on perde ce lien fort entre le pays et sa diaspora. C’est en mettant en œuvre ce chantier pour l’avenir que nous pouvons trouver les solutions les plus adaptées, et apporter plus de ressources à notre pays. C’est aux revendications des TRE que le président doit être attentif pour qu’il puisse définir les objectifs prioritaires d’un Etat qui s’appuie sur l’apport des TRE comme une composante à part entière de la nation.
Avec la venue du président à Paris, nous espérons que les discriminations vis-à-vis des TRE cessent, que le système hérité de Bourguiba, de Ben Ali et de la Troïka qui n’a plus de raison d’être puisse enfin prendre fin, dans ce contexte de l’après pandémie du Covid-où les diasporas jouent un rôle important.

Toutes ces mesures vexatoires et hostiles doivent cesser. La «hogra» est une attitude à bannir, car les TRE peuvent être un atout pour sortir ce pays de l’immobilisme et des facilités que le système privilégie. Les TRE et leurs enfants veulent mettre fin à la vision misérabiliste de l’émigration, à ce système OTE déficient avec ses logiques de corruption d’un autre âge qui caractérise les institutions mises en place, les «Dar Tounes» héritées du passé; les activités et le fonctionnement des représentations diplomatiques et consulaires qui reproduisent les mêmes méthodes et le même népotisme hérité de la dictature, même si les acteurs ne sont plus les mêmes et car nous subissons encore le manque de transparence, l’immobilisme et le manque d’imagination.

Il n’est pas normal que chaque ambassadeur parte sans veiller à la continuité de l’action diplomatique, sans laisser une trace tangible de son action. Le scandale de l’abandon du projet de centre culturel tunisien à Paris du temps de la Troïka est révélateur d’un rapport particulier à l’Etat et à la diaspora. Cette revendication reste lettre morte comme d’autres promesses d’ailleurs.

Nos vies, nos amours, nos attaches à ce pays méritent le respect.

* Militant associatif.

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