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Bernard-Henri Lévy à nouveau en Libye pour quoi faire ?

Bernard-Henri Lévy aime s’afficher sur les théâtre de guerre, ici en Libye (photo d’archive).

Refoulé à l’entrée de Tarhouna, Bernard-Henri Lévy était-il en Libye pour un reportage sur les charniers découverts dans cette ville, ou en mission de réhabilitation du maréchal Khalifa Haftar au profit de Paris ?

Par Hassen Zenati

Le cortège du «nouveau philosophe» français Bernard-Henry Lévy (BHL) a été refoulé manu-militari par des groupes armés relevant de l’autorité du Gouvernement d’Entente Nationale (GEN) de Fayez Sarraj, hier, samedi 25 juillet 2020, aux portes de Tarhouna (80 km au sud-est de Tripoli), où il a débarqué dans des circonstances inexpliquées, sous la protection d’hommes armés et encagoulés.

BHL affirme être venu avec un visa ordinaire en tant que journaliste. Collaborateur régulier du magazine français ‘‘Le Point’’, il aurait été mandaté par le quotidien financier américain ‘‘Wall Street Journal’’ pour enquêter sur les charniers découverts ces dernières semaines dans la ville de Tarhouna, transformée en place forte par les troupes du maréchal Khalifa Haftar dans son expédition pour la prise de la capitale Tripoli, avant d’être abandonnée sous la pression des hommes armés du GEN, soutenus par le corps expéditionnaire turc. Il précise qu’il devait être reçu ce dimanche par le ministre de l’Intérieur du GEN Fathi Bachagha, ainsi que par des députés et d’autres personnalités locales.

Arrivé à bord d’un jet privé dans des conditions obscures

Les autorités de Tripoli ont pour leur part affirmé qu’elles n’étaient pas au courant de cette visite, ni du menu des rencontres annoncées, et qu’elles ouvraient immédiatement une enquête sur les conditions d’entrée du philosophe et activiste politique controversé, qui affirme être arrivé à bord d’un jet privé, qui l’a débarqué à Misrata.

Dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux, on voit la voiture banalisée de Bernard-Henry Lévy cernée par des hommes armés, l’empêchant d’avancer, et on entend des coups de feu de sommation l’invitant à rebrousser chemin. On entend aussi un homme armé en colère affirmant qu’il est interdit au visiteur français d’entrer à Tarhouna, car «la ville a son propre chemin», proclamait-il (signifiant qu’il ne s’agit pas d’une ville ouverte – NDLR).

Après le retrait des troupes de Khalifa Haftar de la ville, les autorités locales avaient annoncé, le 10 juin, la mise au jour de plusieurs charniers, au moins huit, selon la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (Manul), qui s’est déclarée «horrifiée» par ces découvertes. «Le droit international exige que les autorités mènent des enquête rapides, efficaces et transparentes sur tous les cas présumés de décès illégaux», a réagi la Manul, en appelant à «entamer rapidement les travaux pour sécuriser les charniers, identifier les victimes, établir les causes de décès et restituer les dépouilles aux familles». Selon le directeur de l’hôpital de Tarhouna, Abouraoui Al-Bouzedi, 160 dépouilles découvertes dans la morgue de la ville reconquise par le GEN avaient été transportées vers Tripoli et Misrata par le Croissant Rouge libyen.

Le «prétexte» journalistique ne passe pas pour les Libyens

Bernard-Henry Lévy avait joué en 2011 un rôle clé pour convaincre le président français Nicolas Sarkozy de prendre la tête d’une intervention militaire occidentale contre le régime de Mouammar Kadhafi, en coopération avec la Grande Bretagne et les Etats-Unis. Après la mort de Kadhafi, on l’a vu célébrant la «victoire» à Benghazi avec le président du Conseil de transition libyen (CNT), Mustapha Abdel Jalil, en compagnie du président Sarkozy et du Premier ministre britannique David Cameron. Il avait par la suite dénoncé son protégé Mustapha Abdel Jalil, ancien ministre de la Justice de Kadhafi, en l’accusant de vouloir faire de la chariâ islamique une source du droit libyen.

Interrogé sur son rôle dans la chute et la mort de Kadhafi, il avait alors déclaré : «Si je devais le refaire, bien entendu, je le referais. La chute d’un dictateur, l’entrée dans la démocratie, même si elle est semée d’embûches, même si ce n’est pas un chemin de roses, même s’il y a des retours en arrière, c’est toujours un événement extraordinaire. Je suis heureux et fier d’avoir été associé à cet événement. Je suis heureux et fier que mon pays, la France, y ait tenu ce rôle majeur».

Depuis l’échec militaire du maréchal Khalifa Haftar aux portes de Tripoli, des rumeurs ont circulé sur un projet de Bernard-Henry Lévy de se rendre en Libye pour des raisons qui n’ont pas été indiquées. Donné partant pour Misrata, il s’est manifesté aux environs de Tarhouna, dans le cadre d’un reportage sur les charniers découverts dans cette ville. Mais le «prétexte» journalistique ne passe pas pour les Libyens, qui lui sont devenus très hostiles. Ils le soupçonnent d’être «missionné» par le ministère français des Affaires étrangères, dont il est proche, pour tenter de remettre un pied à l’étrier au maréchal Khalifa Haftar, mis hors jeu par sa déroute militaire devant Tripoli.

En effet, Paris compte encore sur l’ancien compagnon de Kadhafi pour continuer à jouer un rôle sur la scène libyenne de plus en plus encombrée d’intervenants extérieurs, exécutant chacun son propre agenda au détriment des Libyens. Dernier intervenant dans la poudrière libyenne, l’Egypte a décidé d’armer les tribus de Cyrénaïque et menace d’expédier son armée sur le terrain si la «ligne rouge» de Syrte-Joufra garantissant le contrôle du croissant pétrolier, était franchie par les troupes du GEN et leur allié turc. Cette ligne est encore sous la maîtrise Khalifa Haftar.

Vidéo de Lévy empêché d’entrer à Tarhouna.

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