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Au bord de la faillite, la Tunisie est condamnée à réformer dans l’urgence

Par sa gravité et a profondeur, la crise économique a certes réduit les capacités de la Tunisie à répondre aux innombrables problèmes qu’elle confronte, mais elle lui a aussi ouvert une fenêtre d’opportunité. Avec l’amenuisement des ressources financières publiques et sous la pression, beaucoup de décisions peuvent être prises par les pouvoirs publics se trouvant aujourd’hui dos au mur.

Par Amine Ben Gamra *

La Tunisie est, actuellement, en quasi faillite et l’urgence consiste aujourd’hui à corriger les vulnérabilités structurelles de son économie chancelante à travers des réformes structurelles longtemps évoquées et toujours renvoyées aux calendres grecques, sans jeu de mot facile.

Contraction économique sans précédent au cours du 2e trimestre 2020

Selon les données de l’Institut national de la statistique (INS), le PIB de la Tunisie a drastiquement diminué de 21,6 % au deuxième trimestre 2020, par rapport à la même période de 2019 et de 20,4% par rapport au premier trimestre de 2020. Sur cette base, l’économie tunisienne s’est contractée de 11,9% durant le premier semestre de cette année par rapport au premier semestre de l’année écoulée.

Le taux de chômage atteint 18% au 2e trimestre 2020

Selon la même source, le nombre de chômeurs estimé pour le deuxième trimestre 2020 s’établit à 746.400, contre 634.800 pour le premier trimestre 2020. Ainsi, le taux de chômage a sensiblement augmenté au deuxième trimestre pour atteindre 18% du total de la population active, après avoir stagné entre de 14,5% et 15,5% au cours des dix dernières années.

Creusement du déficit budgétaire

La Banque centrale de Tunisie (BCT) vient de publier une note sur les évolutions économiques et monétaires relatives au deuxième trimestre de l’année en cours. Elle a, dans ce cadre, a rappelé le creusement du déficit budgétaire à 3.847 millions de dinars tunisiens (MDT), à fin juin 2020, contre 2.464 MDT un an auparavant. Et ce, sous l’effet de la baisse importante des recettes de l’Etat, conjuguée à une hausse des dépenses de fonctionnement, en raison des mesures d’urgence prises pour contrer les impacts négatifs de la pandémie du Covid-19.

Détérioration du climat des affaires

En raison de la crise sanitaire et économique, l’État n’a pas été en mesure de libérer des ressources pour l’investissement. La lutte contre la marginalisation de l’arrière-pays, au centre, à l’ouest et au sud, la pauvreté et la corruption, et le délabrement croissant de certains services publics comme les hôpitaux, nécessitent pourtant d’importants investissements publics. Autrefois limitée à un cercle restreint de proches de l’ancien président de la république, Zine El Abidine Ben Ali et à des réseaux de larbins et d’obligés, la corruption a gangrené le corps de la nation comme un cancer pour toucher pratiquement tous les secteurs. L’aggravation du fléau de l’économie parallèle, conjuguée à la hausse des impôts sur les sociétés ayant atteint des niveaux parmi les plus élevés en Afrique, rend le pays peu attrayant pour les investisseurs autres que ceux intéressés par le régime offshore offrant de nombreuses facilités.

Il est grand temps de changer le modèle de développement économique

Eu égard l’état actuel de son économie nationale et la crise sévissant sur le plan international, la Tunisie ne pourra s’en sortir sans mettre en œuvre des réformes structurelles profondes et courageuses, sans diminuer ses dépenses publiques, dont la masse salariale constitue une part importante, et assainir les comptes des entreprises publiques, presque toute au bord de la faillite.

Il est grand temps aussi de changer le modèle de développement économique et social et de repositionner la Tunisie dans son environnement régional et international profondément touché par les répercussions de la pandémie. La crise a certes réduit les capacités de la Tunisie à répondre aux problèmes qu’elle confronte, mais elle lui a aussi ouvert une fenêtre d’opportunité. Avec l’amenuisement des ressources financières publiques et sous la pression, beaucoup de décisions peuvent être prises par les pouvoirs publics se trouvant aujourd’hui dos au mur.

* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.

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