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Kaïs Saïed et les complots : la parole présidentielle piégée par les rumeurs

Kais Saïed fait la queue à la boulangerie.

L’information relative à une querelle de boulangers qui aurait failli aboutir à l’empoisonnement du président de la république Kaïs Saïed, relayée hier, vendredi 21 août 2020, par une journaliste et un journal peu crédibles, pose le problème du grandiloquent flou de la parole présidentielle.

Par Helal Jelali *

Nous avons, d’abord, la parole présidentielle, pour ne pas dire une rhétorique, celle surtout prononcée le 22 juillet 2020, lors d’une visite aux Forces militaires spéciales à Menzel Jemil (Bizerte). Le président Kais Saied a prévenu contre les complots visant la Tunisie et son Etat, sans citer aucune partie. Nous connaissons tous la sémantique du chef de l’Etat et son obsession à donner à chaque mot son véritable sens… Après la parole présidentielle sur les complots, nous avons des rumeurs…

Ouvrons tous les dictionnaires, les encyclopédies, les monographies et même Wikipedia pour une immersion dans la sociologie de la rumeur: elle serait une manipulation, une intoxication, une propagande, une tentative d’influencer l’opinion publique… ou une diversion. Et enfin, un vecteur de déstabilisation…

L’instabilité politique aiguise les appétits

Kais Saied, comme tout homme politique, a des adversaires et sûrement quelques chancelleries qui n’apprécient guère ses positions sur la Palestine et l’abstention de la Tunisie au Conseil de Sécurité de l’Onu, lors du vote d’une résolution contre l’Iran, et ce malgré le coup de téléphone, la veille, de Mike Pompeo, secrétaire d’État des États-Unis, pour s’assurer un vote favorable de la Tunisie, membre non permanent du Conseil de Sécurité, à la résolution proposée par son pays…

Une chose est sûre, Kais Saied inaugure une diplomatie très différente de celle de Ben Ali et de Bourguiba… Il est ouvertement contre le «consensus mou», appelé impartialité, neutralité ou non-alignement.

Revenons à nos rumeurs. L’instabilité politique aiguise les appétits, or le président est en guerre ouverte, même si l’expression est forte, avec trois partis: Ennahdha, Al-Karama et Qalb Tounes… Et il est seul face à leurs bataillons… On a cru à un certain moment qu’il souhaitait «composer» une alliance avec le Mouvement Echaab, Attayar et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), mais avec la désignation de Hichem Mechichi pour former le nouveau gouvernement et la décision de ce dernier de former un gouvernement de compétences nationales indépendantes des partis, cette alliance est tombée à l’eau…

Le voilà donc à nouveau seul… Seul mais avec quelques moyens… Lesquels sont la constitution et les institutions républicaines.

M. Saïed veut gouverner avec le peuple, mais le peuple est versatile

M. Saied est en train de découvrir que le droit qu’il a enseigné à l’université a quelques secrets quand il s’agit de politique : c’est l’imprévu et les pouvoirs imprévus… C’est une spécialité dans les sciences juridiques… Va-t-il continuer dans cette stratégie dans le combat politique… Il n’y a que lui qui pourrait nous éclairer…

Kaïs Saïed n’à pas de relais dans l’opinion et pas de corps intermédiaires pour soutenir ses initiatives. Il voudrait gouverner avec l’adhésion du peuple, c’est une chimère…

Monsieur le président, vous le savez, le peuple est parfois versatile : les Français ont lâché De Gaulle à la fin des années soixante de la manière la plus inattendue et les Britanniques avaient humilié Churchill lors des législatives de 1945. Et Dieu sait qu’ils ont fait à leurs peuples respectifs plus que vous n’avez fait vous-même au vôtre.

Cette solitude présidentielle ouvre la voie à toutes les rumeurs, à tous les coups bas, à toutes les trahisons, mais surtout à l’incertitude… L’incertitude est le but des instigateurs des rumeurs…

Ben Ali a trouvé une lame de rasoir dans un morceau de pain

Enfin, pour la petite histoire, le pseudo-majordome de Ben Ali, un personnage fantasque qui sévit sur Youtube, nous a raconté que l’ancien président a trouvé une lame de rasoir dans un morceau de banquette de pain, elle a du tomber de la main du boulanger quand il lacérait la jaquette encore crue, a-il-ajouté…

Je plains les boulangers du Palais de Carthage… Ces rumeurs tombent à point nommé au moment de l’annonce d’un nouveau gouvernement, dont la liste devrait être remise à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour le vote de confiance, avant mardi prochain.

* Ancien journaliste à Paris.

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