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Les dessous de la disgrâce de Mounir Ksiksi

Le limogeage de Mounir Ksiksi de la présidence de la Commission nationale de lutte contre le terrorisme (CNLCT) a été annoncé par un décret gouvernemental datant du 5 mai 2021, sous le N° 313, et publié hier, deux jours après, dans le Journal officiel de la république tunisienne (Jort). Et comme d’habitude, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, n’a pas cru devoir expliquer les raisons l’ayant poussée à prendre cette décision aussi intempestive que surprenante.

Par Imed Bahri

Cette décision est d’autant plus surprenante que ce haut cadre sécuritaire avait été nommé à la tête du CNLCT il y a moins d’un an. C’était en août 2020 et, rappelons-nous, cette nomination avait suscité, à l’époque, des interrogations voire des inquiétudes dans l’opinion publique. Et pour cause : Mounir Ksiksi était réputé pour sa proximité du mouvement Ennahdha, qui ne ménage aucun effort pour placer ses hommes aux postes clés de l’Etat, et la présidence de la Commission nationale de lutte contre le terrorisme en est un.

Ennahdha encore et toujours à la manœuvre

D’un autre côté, le parti islamiste a toujours cherché par tous les moyens, et notamment en imposant son contrôle sur les rouages de l’Etat, à faire disparaître les preuves de ses liens supposés avec les réseaux d’envoi des jihadistes dans les zones de conflits, ainsi qu’avec la fameuse Organisation militaire secrète, dont le comité de défense de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, assassinés en 2013 par des extrémistes religieux, affirme disposer des preuves de son existence et de l’existence de liens entre les assassins des deux leaders de la gauche, ladite organisation et certains dirigeants d’Ennahdha.

La nomination de Ksiksi, que des syndicats sécuritaires ont accusé d’entretenir des liens avec des groupes salafistes (était-ce dans le cadre de ses missions sécuritaires ?), avait alors été interprétée comme une manœuvre du parti islamiste pour multiplier les obstacles à la révélation de la vérité sur ces dossiers explosifs. Et quand on sait qu’Ennahdha contrôle l’actuel gouvernement, conduit par leur protégé et obligé Hichem Mechichi, le limogeage du haut cadre sécuritaire ne peut que surprendre et susciter des interrogations légitimes.

Mais d’abord, qui est Mounir Ksiksi ? Ce colonel major, haut cadre sécuritaire, a été nommé directeur général et commandant de la garde nationale en octobre 2013 et doit cette promotion à l’ancien chef de gouvernement Ali Laarayedh, alors n° 2 du parti Ennahdha, après Rached Ghannouchi. Il sera, en février 2015, au centre d’une controverse à propos de l’envoi de convois de médicaments en Libye, alors livrée aux groupes islamistes armés.

Limogé en cette même année 2015, après l’accession de Béji Caïd Essebsi à la présidence de la république et son parti, Nidaa Tounes, à la présidence du gouvernement, il sera rappelé par l’ex-chef du gouvernement Elyes Fakhfakh, en 2019, qui en a fait son conseiller à la sécurité nationale et ce, on l’imagine, à l’instigation d’Ennahdha qui appartenait à la coalition gouvernementale. Et c’est tout naturellement qu’avec l’arrivée de Hichem Méchichi à la Kasbah, M. Ksiksi est promu à la tête de la CNLCT, en remplacement à Rached Bettaïeb.

Les Tunisiens ont le droit de savoir

Il convient aussi de rappeler qu’entre-temps, le haut cadre sécuritaire avait rejoint le parti Al-Badil, présidé par Mehdi Jomaâ, un autre proche d’Ennahdha, et s’était présenté pour les législatives de 2019 sous les couleurs de ce parti de centre-droit. Il était tête de liste à Médenine, mais il n’a pu accéder à l’Assemblée. La manœuvre, cousue de fil blanc, visait à brouiller les cartes et à effacer, au regard de l’opinion publique, la trop grande proximité de l’intéressé avec le parti islamiste qui, on le sait, est passé maître dans l’art de placer ses hommes au cœur des appareils des autres partis pour les utiliser comme des «œils de Moscou» et, le cas échéant et au besoin, dans ses manœuvres politiciennes visant à semer la zizanie parmi ses adversaires. Il l’avait fait depuis le début des années 2000 avec le Parti démocratique progressiste (PDP), sous la présidence de Néjib Chebbi, et du Congrès pour la république (CpR), sous celle de Mohamed Moncef Marzouki, et même plus tard, avec Nidaa Tounes.

Tout cela n’explique pas les raisons de la soudaine disgrâce de Mounir Ksiksi, mais souligne l’importance pour le chef du gouvernement de communiquer à ce sujet, car l’opinion publique est en droit de tout savoir, surtout si les raisons du limogeage, comme il se chuchote dans les coulisses du pouvoir, sont en lien avec la gestion de certains dossiers délicats impliquant la sécurité intérieure du pays.

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