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Le gouvernement actuel devrait, en gage de bonne foi en direction de la classe politique et de la population entière, ouvrir la voie à un gouvernement d’union nationale en charge de la nième phase transitoire.

Par Hatem Mliki*


Alors que des semaines avant le 23 octobre 2011, les Tunisiennes et Tunisiens regardaient l’avenir avec beaucoup d’espoir, affichaient leur fierté d’avoir accompli une œuvre que beaucoup qualifie d’historique (la révolution du jasmin) et exprimaient clairement un sentiment de solidarité profonde par rapport à l’autre; une année après et à la veille du 23 octobre 2012, le peuple tunisien parait inquiet, abattu et divisé, au point que certains commencent déjà à regretter ce magnifique moment d’aspiration collective à une Tunisie libre et démocrate qu’a vécu le pays un certain 14 janvier 2011.

Menace lourde sur l’unité nationale

A l’origine de ce «cauchemar», une ambiance morose d’ambigüité et de méfiance que la «troïka», la coalition tripartite au pouvoir, a réussi à mettre en place en faisant semblant d’ignorer, tout le long de l’année écoulée, la date butoir du 23 octobre 2012 prévue pour la fin des travaux de l’Assemblée nationale constituante (Anc)*.

Qu’on le veuille ou pas, la Tunisie fait aujourd’hui face à une situation que l’on peut qualifier de décisive (je dirais même plus importante que la révolution du 14 janvier 2012). A défaut d’un règlement politique anticipé, le maintien en place d’un gouvernement désormais juridiquement illégitime risque de compromettre sérieusement un processus démocratique en panne ainsi que l’avenir de la Tunisie en tant que république. Le dégât le plus important que risque de générer ce passage dans l’histoire de la Tunisie moderne porte sur la menace lourde qui pèse aujourd’hui sur l’unité nationale du peuple tunisien.

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Les états d'âmes de Lotfi Zitoun n'engagent que ceux qui y croient.

Objectivement, Ennahdha, aux commandes depuis environ une année, a une responsabilité particulière vis-à-vis de cette dérive grave qualifiée par certains comme étant le préalable d’une confrontation de plus en plus inévitable et dont les conséquences risquent d’être catastrophiques pour tous. 

Que penser des aveux de Lotfi Zitoun?

Dans une interview au quotidien ‘‘La Presse de Tunisie’’ (du 11septembre 2012), le conseiller politique du chef du gouvernement, Lotfi Zitoun, avoue, assez bizarrement d’ailleurs, qu’au lendemain des élections de l’Anc, son parti était séduit par le pouvoir et s’est contenté d’une coalition restreinte avec le CpR et Ettakatol pour prendre les commandes du pays au lieu de chercher plus loin et convenir d’un gouvernement d’union nationale regroupant plusieurs fractions politiques ce qui aurait épargné aux Tunisiens un problème de trop.

Les aveux de M. Zitoun constituent une avancée considérable et qualitative dans le discours d’Ennahdha (il s’agit d’un proche de Rached Ghannouchi) sauf qu’elle pose au moins deux problèmes, pouvant constituer deux pièges, qu’il faut soulever.

En terme de causalité, l’analyse de M. Zitoun reste superficielle. Elle aurait pu ne pas l’être si le parti islamiste avait réagi deux ou trois mois après la nomination de son gouvernement, au moment où commençaient à apparaitre les symptômes de dérives: incompétence des ministres, nominations partisanes, violences salafistes répétées, retard dans les travaux de l’Anc, crise économique, processus démocratique en panne en matière de reforme de la justice, des médias et de la police, fusion parti/Etat, grèves, manifestations, atteintes aux libertés…. Une révision de la stratégie du parti islamiste à cette période aurait été convaincante quand à sa bonne foi. Elle ne l’est certainement pas aujourd’hui.

Par ailleurs, ces propos modélisent de manière suspecte la nature de la solution qui en découlera. Actuellement on ne peut pas s’empêcher de penser que l’idée d’un  élargissement de la coalition gouvernementale consiste en un repli tactique permettant d’absorber la colère populaire, cautionner la situation actuelle par de nouvelles composantes de la classe politique et éventuellement concurrencer Nida Tounès de Béji Caïd Essebsi sur le terrain des coalitions qu’il commence à dominer.

Ces remarques ne sont pas faites dans une logique de revancharde mais pour aider à une vision positive reconnaissant dans les propositions de M. Zitoun la dimension d’ouverture nécessaire à un débat constructif.

Des gages de bonne volonté

Ainsi, et pour éviter aux Tunisiens une probable confrontation cauchemardesque, il faut que le parti islamiste assume de droit et comme gage de bonne foi les responsabilités qui lui reviennent avant d’entamer la phase de la coalition ou de gouvernement d’union nationale :

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L'Appel de la Tunisie et Caïd Essebsi : en embuscade ou en renfort?

- la reconduction de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) dans sa composition antérieure. Rien, en effet, ne peut justifier l’idée d’abandonner cet acquis national ayant fait ses preuves de transparence et de neutralité sauf s’il s’agit de considérations politiciennes douteuses ;

- l’adoption dans les plus brefs délais (débats compris) des textes relatifs aux conseils indépendants devant gérer les affaires des médias et de la justice;

- la levée, sans plus tarder, du secret d’Etat sur les dossiers de la police politique pour les confier aux organisations de la société civile pour suivi (une instance de haut niveau peut être créée à cet effet et sera chargée d’assurer la coordination de cette opération);

- l’adoption, en concertation avec la classe politique et non pas seulement au sein de l’Anc, d’un calendrier clair et précis des prochaines élections (abstraction faite du régime politique à venir);

- la reconnaissance officielle de la date du 23 octobre 2012 comme devant marquer la fin officielle des travaux de l’actuelle Anc;

- le déblocage de la situation au niveau de l’Anc qui, pour une raison ou une autre, semble vouloir prolonger ses travaux. Il est possible, en réactivant l’équipe des experts qui s’est retiré dernièrement et la charger de produire un projet de constitution (inspiré des débats de l’Anc, des expériences d’autres pays et techniquement de haut niveau).  Dans le cas où l’Anc parvient à clôturer ses travaux dans les délais et voter avec la majorité requise son texte, le travail d’expert sera sauvegardé au musée de Bardo ou à la bibliothèque nationale.

Dans le cas contraire, deux pistes seront envisagées. Si l’Anc n’arrive pas, dans les délais fixés, à se mettre d’accord sur un seul projet, elle doit préparer deux projets qui seront associés à celui de l’équipe des experts pour le referendum. Si, par ailleurs, elle n’arrive pas, pour une raison ou une autre, à achever ses travaux à temps, ceux-ci seront suspendus et le projet des experts sera soumis au referendum. En cas de désaveu par la population, cette dernière sera appelée à élire une nouvelle Anc pour une durée de six mois.

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La Constituante peut-elle continuer indéfiniment?

Ces éléments peuvent constituer, avec d’autres, un gage de bonne foi du gouvernement actuel en faveur de la classe politique et de la population entière et ouvrira la voie à un gouvernement d’union nationale en charge de la nième phase transitoire. 

Que dieu préserve la Tunisie et le peuple tunisien.

 

* Consultant en développement.

 

Note :

* Pour l’histoire : les membres de la constituante se sont même permis de profiter, certes de droit, de leur congé annuel au lieu d’avancer dans leurs travaux comme si rien n’était!

 

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