Les cinéastes spécialisés dans le film documentaire se sentent quelque peu marginalisés en Tunisie et demandent un peu plus d’égards et d’aides.
Par Fawz Ben Ali
L’Association tunisienne de la promotion de la critique cinématographique (ATPCC) et l’Association Cinéma documentaire tunisien (ACDT) ont organisé une table-ronde, le samedi 17 février 2016, à la Maison Culture Ibn Rachiq, pour un cinéma documentaire de création en Tunisie.
La rencontre a été un moment d’échange et de réflexion autour des formes d’écriture cinématographiques du réel, des pratiques de réalisation, ainsi que sur les modes de production et de diffusion du film documentaire de création en Tunisie. Et ce, dans le cadre des programmes de formation, de recherche et d’étude que mènent l’ATPCC et l’ACDT dans la perspective de contribuer à la mise en valeur du cinéma documentaire.
De célèbres documentaristes étaient présents tels que Fathi Saidi, Hichem Ben Ammar et Ikbel Zalila, mais également de jeunes cinéastes comme Rafiq Omrani et Ahmed Jelassi pour partager chacun son expérience avec l’art du documentaire.
La première question à aborder fut la définition du documentaire de création. Il s’agit d’une approche du réel avec un regard singulier de l’artiste. On part ainsi d’un réel parfois invisible, chargé de rêves ou d’angoisses, pour le transcender.
Le film documentaire est toujours en devenir et change de sens et de valeur au gré du temps. Ikbel Zalila (enseignant et réalisateur) le considère comme un genre essentiellement politique qui reflète l’engagement du cinéaste. Le film devient par conséquence un geste citoyen. «Laissé pour compte, ce genre est même à l’antinomie de la perversité du pouvoir», ajoute Hichem Ben Ammar (réalisateur tunisien).
Un bon documentaire s’engage en effet par rapport à la réalité; il reflète le besoin du cinéaste à s’ancrer dans son environnement à appartenir à une communauté particulière. Une bonne dramaturgie et une cohérence stylistique sont essentielles à la réussite d’un documentaire. D’ailleurs on a assisté à la sortie d’excellents documentaires au lendemain de la révolution comme : ‘‘Fallega’’, ‘‘Gort’’, ‘‘Babylone’’, ‘‘C’était mieux demain’’, ‘‘Emir au pays des merveilles’’… Si ces films se sont distingués, selon Hichem Ben Ammar, c’est essentiellement parce qu’ils sont restés dans l’abnégation et n’ont pas obéi aux dictats des productions.
Quant aux problèmes auxquels font face les jeunes documentaristes tunisiens, Fathi Saidi explique que la volonté de faire est souvent confrontée au manque de maîtrise technique. Les jeunes ne sont pas suffisamment formés en matière d’images et d’écriture, et n’ont pas les moyens de concrétiser leurs idées. Sans compter que le documentaire reste un genre marginalisé, victime de l’uniformisation du format, où le cinéma de fiction domine.
Reste à redonner goût au public pour le documentaire, et changer son regard vis-à-vis de cet art qui est loin d’être un simple reportage informatif. Le ministère de la Culture doit également prendre en considération l’importance du documentaire et lui rendre sa dignité comme un bien commun et un miroir de la vie et de la société.
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