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Et si les homophobes étaient des homosexuels refoulés

Homophobie

Dans cette lettre ouverte, l’auteure répond aux récentes allégations homophobes de l’acteur Ahmed Landolsi dans une émission d’Al-Hiwar Ettounsi.

Par Nadia Dridi

Quand le benêt prend la parole, il est l’heure de devenir sourd. Sourde, j’aurais aimé l’être au lieu de subir la torture des paroles que ton ignorance a enfanté.

Je te tutoie évidemment, car je n’ai pour toi aucun respect. Je ne t’attaquerai ni sur tes compétences professionnelles ni sur des traits personnels. Je ne m’attarderai que sur ce que ton intellect prend pour vérité.

Je ferai l’impasse sur ta tentative absurde de catégoriser les homosexuels, je pense que la bêtise de ce propos s’argumente d’elle-même. Cependant, j’ai relevé que tu dénonçais ceux qui s’assument. Dans cette suite logique, tu prônes une société malade où l’hypocrite est roi et où la liberté n’a pas lieu d’être. Tu voudrais que ceux qui sont nés avec une orientation sexuelle différente de la tienne vivent cachés et apeurés et que jamais ils ne puissent jouir du bonheur d’être, simplement. Je déduis donc de cette obligation de discrétion, voire de dénigrement de soi, que pour toi, toute personne homosexuelle doit être consciente de l’infamie que son existence représente. En conclusion, tu représentes la gangrène d’une société déjà malade.

À l’heure où la Tunisie se bat pour avancer, à l’heure où l’évolution est de mise, il existe encore des benêts comme toi, aux idées rétrogrades et liberticides, qui nous tirent en arrière, et qui sont nés des siècles trop tard. Pour remédier à cela, je t’inviterai donc, à défaut d’une escapade temporelle vers le moyen-âge, à une escapade spatiale. Je n’ai nul doute que tu trouverais parfaitement ta place en Arabie Saoudite, là où l’homosexualité est cachée comme il sied à son altesse. J’ai bien peur que cela soit ta seule option. Ne sens-tu pas l’étau se resserrer? Ta place se fait de plus en plus petite, la société te vomit doucement mais sûrement. Bientôt, tu n’auras plus lieu d’être. Ni toi, ni tes semblables.

Alors laisse-moi clamer haut et fort mon respect le plus profond et mon soutien sans limites pour tous les homosexuels qui s’assument en Tunisie, et dans le monde. Je ne jette absolument pas la pierre à ceux qui préfèrent se cacher, comment ne pas les comprendre quand ils vivent dans un pays où des personnes telles que toi existent? Comment ne pas les comprendre quand l’intolérance devient une fierté et la connerie une logique commune? Toi qui condamnes ceux qui ont trouvé le courage en eux de s’imposer dans une société, hélas, profondément hostile, laisse-moi les féliciter.

À vous tous, gays, lesbiennes, bisexuels, transexuels ou transgenres, asexuels et à tous ceux qu’on oublie trop souvent et qui ne se retrouvent dans aucunes de ces orientations, à vous qui vous tenez debout dans la lumière, à vous qui avez fait le choix de combattre l’injustice, à vous qui menez un combat de chaque instant pour le simple droit d’exister, sachez que j’ai pour vous tous une haute estime et une sincère déférence.

Ahmed, tu as souligné, fièrement de surcroît, que l’homosexualité était répertoriée en tant que maladie. Ne remarques-tu pas ton propre emploi du passé? Si cela n’est plus le cas, c’est pour une bonne raison. En effet, c’est la psychiatrie qui la répertoriait en tant que telle, cette même discipline qui usait d’électrochocs comme remède et soignait l’hystérie au moyen d’auto-flagellations. Devrions-nous aussi revenir à cela? Freud lui-même qui considérait l’homosexualité comme étant une «perversion» telle que définie en psychologie, postulait qu’il n’y avait nulle honte à cela, et que les seuls nécessitant un traitement était les «homosexuels malheureux». Ce n’est donc pas leur orientation sexuelle qu’il visait comme maladie mais la dépression elle-même. Il est, aujourd’hui, de consensus général, tant en psychiatrie qu’en psychologie, que l’orientation sexuelle n’est en aucun cas un choix, et qu’elle est immuable. Il est, de plus, désormais notoire et avéré, qu’elle est innée comme c’est souvent le cas, ou alors apparaît aux premières années de vie.

Tu as choisi ces domaines pour argumentation, et c’est pour cela que je voudrais t’informer d’une de leurs découvertes, que tu ignores sans doute. J’ai pu remarquer à loisir comme tu te flattais de tes propos homophobes. J’ai vu la satisfaction que tu en tirais, essayant de mettre l’accent sur ce que tu considères être virilité, toi, l’homme, le vrai, l’hétérosexuel accompli. Et bien sache qu’il a été démontré scientifiquement, notamment récemment grâce à des expériences faites par l’université de Géorgie, que l’homophobie est, dans la majorité des cas, synonyme d’autophobie. Tout comme cela a été démontré, pour ne citer que ce seul pays, par des chercheurs à New York, en Californie, etc. En d’autres termes, les personnes qui se disent homophobes sont bien souvent des homosexuels refoulés. Cela explique donc le sourire qui s’est dessiné sur mes lèvres quand j’ai regardé et écouté tes interventions. À chaque propos homophobe insistant de ta part, je voyais ton hétérosexualité fléchir et le gay en toi surgir. Alors non, même si tu crois profondément en tes paroles, tu ne devrais avoir aucune fierté à les dire, car au-delà du dédain et du dégoût que tu inspires, tu suscites une certaine pitié pour ce refoulement possible.

Ahmed, tu dis que la Constitution te protège. Tu te trompes lourdement. La Constitution garantit le droit à «une vie digne», droit pour lequel tu n’as de toute évidence aucun respect. Quelle dignité reste-t-il à quelqu’un dont tu condamnes l’orientation sexuelle et pour lequel tu as un profond mépris? Quelle dignité reste-t-il à quelqu’un quand on l’oblige à vivre dans la pénombre, à cacher ce qu’il est, à vivre en reclus, en pestiféré? N’est-il pas disposé que l’on est tous égaux en droits et en devoirs? Pourquoi vivrais-tu libre quand les autres doivent se terrer?

Cette même Constitution précise que l’État se doit de «diffuser… la tolérance», notion qui de toute évidence t’échappe. La législation tunisienne ne te protège nullement. Cependant, elle condamne pénalement les propos haineux; elle condamne pénalement tes propos. Tu parles de la religion et de sa référence constitutionnelle en tant que protection? Sache, simplet que tu es, qu’autant sous Bourguiba pour sa première promulgation que lors de sa réécriture post-révolutionnaire, tout a été déployé pour que jamais ne soit disposé que la Tunisie est un pays musulman. «Sa religion est l’islam», le Tunistan ne verra jamais le jour. Quand bien même tu aurais raison, devrait-on alors interdire l’alcool, obliger les femmes à porter le voile, couper la main des voleurs comme on te l’a si bien signalé, obliger aux prières, condamner l’hérésie?

Pour éviter une litanie des bêtises débitées par toi, je ne m’arrêterai pas non plus sur tes propos sur la femme. Propos suite auxquelles j’ai vu croître le dégoût que j’ai pour toi, désormais incommensurable. J’espère pour cela te voir encore une fois amuser mon intellect par cette idiotie qui t’est propre. Je pourrais ainsi de nouveau t’écrire, toi qui démontres si bien que non, l’homme n’est en rien intellectuellement supérieur à la femme.

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