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Attaque de Nice: Mohamed Bouhlel, un tueur solitaire à l’Américaine?

Mohamed-Lahouaiej-Bouhlel

Carte de séjour française de Mohamed Bouhlel.

Beaucoup d’éléments remettent en question la thèse de la «radicalisation rapide» de Mohamed Bouhlel, auteur du carnage de Nice.

Par Marwan Chahla

Le carnage de la Promenade des Anglais, à jeudi soir, à Nice, France, n’a pas livré tous ses secrets. Le Tunisien Mohamed Bouhlel a lâché son camion frigorifique de 19 tonnes sur la foule des promeneurs, tué 84 piétons et blessé plus de 200 autres. Pour le reste, le mystère reste entier.

Avec un retard surprenant, l’organisation terroriste de l’Etat islamique (EI, Daêch) est venue revendiquer la barbarie de l’assaillant solitaire et les enquêteurs s’affairent toujours autour de 5 personnes proches du forcené pour trouver explication à ce qui a pu pousser cet homme de 31 ans à donner ainsi libre cours à sa folie furieuse.

Pour l’instant, les indices relevés sur le lieu du crime, sur Bouhlel lui-même et dans la cabine du camion frigorifique qu’il a loué, et les perquisitions opérées dans le domicile du tueur ne répondent pas à toutes les questions…

Plus de 48 heures après le massacre, le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’est rallié à la thèse de l’attentat islamiste, évoquant la «radicalisation rapide» de Mohamed Bouhlel et s’alignant ainsi sur la position du Premier ministre Manuel Valls qui, dès l’annonce du carnage, a opté pour la piste jihadiste.

Pour le Pr. Farhad Khosrokavar, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris, auteur de plusieurs ouvrages sur le phénomène de la radication, le scénario de la «radicalisation rapide» de Mohamed Bouhlel reste peu crédible.

Dans un entretien téléphonique accordé à la chaine de télévision française d’information iTELE, le sociologue franco-iranien est sceptique: «A mon sens, ce concept (de radicalisation rapide, ndlr) est un phénomène dont on ne connait pas très bien, encore, ni le tenants ni les aboutissants. Personnellement, je n’adhère pas à l’hypothèse de la radicalisation (de Mohamed Bouhlel, ndlr). Je crois plutôt qu’il s’agit d’un déséquilibré mental, d’un déprimé. C’est un individu souffrant de problèmes énormes qui a fait ce qu’il a fait – et comme il l’a fait – pour se venger. Honnêtement, je ne vois aucun motif religieux dans cet acte abominable. Pour l’instant, au vu des données dont nous disposons, il n’y a rien de religieux dans cette tuerie. Il se peut que l’on puisse, à l’avenir, avoir d’autres preuves, mais, au point où l’enquête se trouve aujourd’hui, rien ne permet de dire qu’il y a eu radicalisation du tueur –rapide ou autre.

«C’est plutôt d’une forme de violence un petit peu à l’américaine qu’il s’agit, c’est-à-dire quelqu’un qui se saisit de son fusil, qui se met à tirer et qui tue une cinquantaine de personnes… pour se venger. Il n’y a là, dans ce qui s’est passé dans la soirée du 14 juillet, aucune dimension religieuse, aucune dimension proprement islamiste. Cette dernière reste encore à prouver. D’ailleurs, c’est pour cette raison que je pense qu’il vaut peut-être mieux ouvrir des hôpitaux psychiatriques pour interner ce type de déséquilibré mental que de recourir à la solution facile – et pas nécessairement efficace – de l’augmentation des forces de sécurité…

«Pour moi, le cas de Mohamed Bouhlel n’a aucun rapport avec celui des terroristes du 13 novembre dernier (qui ont perpétré les attentats du Bataclan et au Stade de France, à Paris, ndlr) ou avec ceux de Bruxelles, en Belgique. Là, nous sommes en présence d’un cas où l’allégeance à Daêch n’a pas été revendiquée par le tueur lui-même.»

L’universitaire est catégorique: «Je ne crois pas en une radicalisation islamiste de Mohamed Bouhlel. Quant à Daêch et sa revendication de la tuerie de la Promenade des Anglais, je pense que l’organisation terroriste est en situation défensive et, en Irak comme en Syrie, l’EI est en train de perdre du terrain. Par conséquent, il fait feu de tout bois et revendique le carnage de Nice, alors qu’aucun indice n’atteste cette thèse… D’ailleurs, l’entourage de Bouhlel ne parle pas de radicalisation. Bien au contraire, il nous dit qu’il n’allait pas à la mosquée, qu’il ne jeûnait pas et qu’il consommait du vin… Donc, contrairement aux autres cas où il y a un certain nombre de preuves de radicalisation, dans le cas de Mohamed Bouhlel, je ne vois aucun signe de radicalisation islamiste.»

Attendons, donc, l’évolution de l’enquête…

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