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‘‘Lost in Tunisia’’ ou le désarroi d’un cinéaste

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Le dernier long-métrage documentaire d’Elyes Baccar, ‘‘Lost in Tunisia’’, est sorti dans les salles tunisiennes le 14 octobre courant.

Par Fawz Ben Ali

Projeté en avant-première dans le cadre du Festival international du film des droits de l’homme (Human Screen Festival 2016, créé en 2012 par Elyes Baccar), ‘‘Lost in Tunisia’’ ou ‘‘Ana fin’’ comme titre tunisien, a fait sa sortie nationale les salles Mad’art et Amilcar, à Tunis, et Magistic à Bizerte.

Après ‘‘Rouge parole’’ (2011), un documentaire sur l’apprentissage démocratique dans la nouvelle Tunisie post-révolutionnaire, Elyes Baccar revient avec un nouveau documentaire sur la révolution tunisienne, le thème le plus en vogue dans le cinéma tunisien ces cinq dernières années.

Comme son nom laisse entendre, ‘‘Lost in Tunisia’’ parle de la confusion qui a frappé tout le peuple tunisien après l’euphorie des premiers moments qui avaient suivi la révolution du 14 janvier 2011. Vraie révolution ou simple chute d’un régime autoritaire devenu insupportable et obsolète ?

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Un film sur la femme ?
«Je veux faire un film sur la femme tunisienne, mais je ne sais pas par où commencer». C’est la voix d’Elyes Baccar, hors-champ, qui retentit en début du documentaire, confiant sa confusion à sa mère. Dès lors, on comprend que le cinéaste nous invite à partager ses questionnements sur la vraie place de la femme dans la société tunisienne et les maux de cette nouvelle Tunisie libérée mais encore profondément troublée.

Un peu à la manière d’un road-movie, Elyes Baccar a parcouru le pays de long en large (Tunis, Kef, Aïn Draham, Tataouine…) pour observer, écouter et filmer des femmes aussi différentes les unes des autres : des mères, des épouses, des jeunes et des moins jeunes, des femmes citadines et rurales…

Bien que ces femmes disposent du statut le plus avancé du monde arabe, leur bataille demeure inachevée surtout avec l’arrivée des islamistes au pouvoir et la crainte de voir leurs acquis remis en cause notamment suite aux discours ambigus sur la notion de «complémentarité» entre l’homme et la femme, qui remplace, aux yeux des islamistes, celle d’égalité, consacrée par le droit international.

Le documentaire suit ces femmes combattantes dans les grandes mobilisations populaires où elles occupaient les premières lignes, et nous renvoie toute l’admiration qu’éprouve le cinéaste pour ses compatriotes féminines, filmées avec beaucoup d’amour. Sa mère l’affirme d’ailleurs au début du film : «Tu as toujours beaucoup aimé les femmes!»

Ayant porté la révolution à bras le corps et réclamé à cor et à cri la justice sociale avant leurs propres droits, ces femmes se sont trouvées tabassées par les forces de l’ordre, notamment lors de la fameuse manifestation réprimée du 9 avril 2012 à l’avenue Habib Bourguiba. Là encore, la caméra d’Elyes Baccar s’est faufilée au milieu des bombes à gaz lacrymogènes, des cris et des heurts entre manifestants et policiers. Des images poignantes qui laissent à s’interroger plus qu’à comprendre et qui nous mènent vers la question essentielle du film, à savoir son titre : «Ana fin?» (Où suis-je?).

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Clivage politique et guerre des idéologies

Au fur et à mesure que le documentaire avance, on s’égare du sujet initial. En effet, il ne s’agit plus d’un film sur la femme mais sur la Tunisie dans toute sa complexité. Présent lors des manifestations les plus marquantes de l’après 14 janvier, Elyes Baccar nous a rapporté les échanges les plus vifs entre progressistes et conservateurs lors des rassemblements normalement pacifistes mais qui ont souvent dérapé vers la violence verbale et parfois même physique. C’est le clivage politique qui prend forme dans les rues, nous traînant vers une guerre des idéologies.

Au milieu de cette cacophonie des slogans, retentissent les dernières paroles de Chokri Belaïd la veille de son assassinat, mettant en garde contre «les ennemis de l’intelligence tunisienne». Ces paroles suivies des images du cortège funèbre du militant de gauche, meublées par «Errouh aziza ala mouleha» (l’âme est chère à son créateur), de Mohammed Ali Kammoun, compositeur de la bande originale du film, nous prennent d’assaut dans l’élan de l’émotion.

Ce documentaire de création regorge d’idées et de thèmes au point qu’on a du mal à le classer. Un road-movie? Un film engagé tantôt sur la femme, tantôt sur la révolution? Ou simplement un film expérimental?

Ce qu’on pourrait cependant lui reprocher c’est une quasi absence d’écriture derrière la réalisation qui se fait terriblement sentir, laissant la place à un trop plein d’images et une juxtaposition de bouts de séquences sans fil conducteur ni véritable intrigue.

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