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Crise de la jeunesse en Tunisie : Un implacable diagnostic

La jeunesse en Tunisie va mal, c’est pourquoi elle ne rêve que de partir ailleurs. Que faire pour la retenir et lui donner des repères et des ambitions ?

Par Hamma Hanachi

L’Institut tunisien des études stratégiques (Ites) et le bureau Konrad Adenauer Stiftung à Tunis ont invité des responsables de la jeunesse et de l’éducation, des activistes de la société civile et des jeunes artistes à débattre d’un sujet qui préoccupe les politiques, les décideurs et les chefs de famille : «Solidarité et relations intergénérationnelle». Tout un programme…

Dans la salle de l’hôtel de Gammarth où s’est déroulée cette rencontre-débat, le mercredi 1er novembre 2017, on a remarqué l’absence de jeunes; la moyenne d’âge de ceux qui ont répondu à l’appel dépassant la quarantaine. Des universitaires, sociologues pour la plupart, et quelques acteurs clés, notamment des jeunes chefs d’entreprises, se sont penchés sur le sujet qui pose apparemment plus de questions qu’il n’en résout.

Amel Mahfoudh.

Ruptures entre les générations

Les nouvelles relations entre les générations, le thème est vaste et requiert l’apport de disciplines différentes.

L’argumentaire du séminaire est que «la masse démographique de la jeunesse tunisienne ne reflète pas le taux de son existence dans le tissu social… surtout dans le domaine de la gouvernance».

Qui est cette masse dont les spécialistes voudraient examiner le corps? On connaît les conflits, les tenants et aboutissants de la génération précédente, celle des années 70-80. Patriote, unie et cohérente (tout est, bien entendu, relatif), elle avait pour objectif de construire le pays en s’instruisant. L’Etat était entièrement engagé dans ce processus.

Quid de la génération actuelle? Néji Jalloul, ancien ministre de l’Education et actuel président de l’Ites a ouvert les travaux en présentant quelques chiffres sur les résultats des travaux de l’Institut qu’il préside. A la lumière d’une étude fournie, 29% des familles ont chacune au moins un migrant clandestin vivant à l’étranger et 48% des citoyens sont persuadés que l’Etat est responsable de la vague l’émigration clandestine et 27% pensent que la famille pousse ses enfants à émigrer clandestinement.

Les jeunes étaient rares dans un débat qui les concerne. 

Désengagement de l’Etat

Ridha Ben Amor, sociologue, co-auteur d’une étude sur les cités populaires d’Ettadhamen et Douar Hicher, à l’ouest de Tunis, révèle : «Notre étude montre que ces jeunes des cités sont radicalement différents de ceux qui les ont précédés. Ceux-ci avaient des représentations communes, ceux-là ont un vécu, un mode d’éducation, des ambitions différentes… Les jeunes d’aujourd’hui ne jouent pas la règle du jeu commun. De plus, au niveau de l’éducation, avouons que l’Etat se désengage de plus en plus de l’éducation et de la socialisation de la jeunesse».

Ridha Ben Amor.

Amel Mahfoudh, sociologue, vivant depuis des décennies au Canada et spécialisée dans le mode de vie des jeunes immigrés (émigration légale), avance : «Nous avons constaté qu’il n’existe pas de bancs de transition. Il y a un bouleversement dans la façon de vivre, dans les schémas de vie. Aujourd’hui, les parcours sont complexes, les études plus longues et parfois sinueuses… Contrairement à ce qu’on croit, l’émigration n’est pas improvisée et la décision de partir légalement ou non est préparée, mûrie. Entre le temps de partir et celui de s’installer varie entre un et sept ans». Et d’appuyer ce que M. Ben Amor disait sur le désengagement de l’Etat.

Dorra Mahfoudh.

Des solutions ? Face au désarroi des jeunes, à leurs désirs manifestes de quitter le pays, Abdelkadous Saadaoui, secrétaire d’Etat à la Jeunesse, émet son constat : «Le pays regorge de potentiel. La jeunesse est dans la mondialisation. Nous allons tenter des expériences inédites avec les jeunes», une façon de reprendre un refrain entendu : les jeunes sont la solution…

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