Le public du Festival international de Hammamet a eu droit, avant-hier, samedi 13 juillet 2019, à une deuxième représentation théâtrale avec la pièce ‘‘Madame M’’, mise en scène par Assia Jaïbi et produite par Familia Productions.
Avant la levée du rideau, une voix-off présente les comédiens et rappelle aux spectateurs le code conduite à observer pendant la représentation à commencer par la fermeture du téléphone portable.
Les événements de la pièce se déroulent au sein d’une famille composée d’une mère veuve, Malika, et de ses cinq enfants, Mouna, Mourad, Mehdi, Mina et Moussa.
La famille semble heureuse et vivant en harmonie jusqu’à ce que Hajer, une journaliste, publie un article sur l’implication de ses membres dans la prolifération des «rats» dans le quartier, provoquant le suicide de Mehdi. Ce dernier met fin à sa vie suite à l’injustice subie et qui cause la dispersion des membres de la famille.
La pièce porte un regard critique sur le travail des journalistes qui recherchent les scoops sans pour autant effectuer les investigations nécessaires et sans chercher le bien-fondé des faits rapportés, diffusant ainsi des fake-news et contribuant à l’effondrement des valeurs sociales et à la division des citoyens.
Absent sur scène, le personnage de la journaliste Hajer est représenté par une chaise rouge dont la couleur véhicule plusieurs messages, dont le pouvoir, le danger et l’état d’urgence.
On reconnaît le style Jaïbi, père, mère et fille, avec une scène dénudée et un décor minimaliste réduit à l’essentiel pour que le spectateur se concentre davantage sur ce que disent les acteurs et non sur l’image véhiculée.
Les personnages membres d’une même famille essayent de s’en prendre à Hajer, chacun à sa manière, jusqu’à ce qu’ils parviennent à s’en débarrasser, ce qui complique la situation. Un autre conflit surgit entre eux et qui est illustré par un clivage entre Madame M. et ses enfants, dévoilant, dans son sillage, un autre conflit entre les enfants, balayant du revers de la main l’image stéréotype d’une famille stable et soudée.
L’action est présentée dans différents tableaux, alternant danses, querelles, célébrations, tensions et palabres à n’en plus finir. Sur scène, tout se déroule au vu du public : changement des costumes, des accessoires et des décors. La lumière met en évidence les choix scénographiques. Elle aide à la lecture du drame se déroulant en direct, le comédien étant lui-même un simple support de la tension dramatique exacerbée par la lumière. Celle-ci investit la scène comme un comédien, avec amour, respect et humilité. Comme la vérité qu’on aspire à cacher ou à révéler, elle est parfois belle, sublime et parfois froide et grise.
La représentation a duré une heure et demie de quête d’une vérité improbable et évanescente. Ici, tout est faux-semblant, mensonge, non-dit, tension : ce qui rassemble les enfants, ce n’est pas la mère, mais son gâteau d’anniversaire, dont on se dispute les parts. Celui qui cherche des symboles en trouve forcément dans ce récit : la famille renvoie à la société, comme à une classe politique divisée qui, incapable de proposer des solutions aux problèmes des citoyens, les complique et les aggrave.
C’est du Fadhel Jaïbi pur jus. On attend d’Asma Jaïbi, qui est ses débuts au théâtre, de trouver, peu à peu, sa voix, sa voie, son style et son univers personnels. Cela ne saura tarder, car elle a du talent et du métier.
I. B. (avec communiqué).
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