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Festival du Rire : ‘‘Mamou & Chehyma’’, ou le désarroi de trois artistes

‘‘Mamou & Chehyma’’, nouvelle production théâtrale signée Kamel Touati, Slah Msaddak et Lassaad Ben Abdallah, a été présentée le soir du vendredi 21 février 2020, au Théâtre municipal de Tunis, dans le cadre du Festival du Rire.

Par Fawz Ben Ali

Le Festival du Rire de Tunis, dont la 11e édition avait commencé le 18 février et qui s’est clôturée hier soir, dimanche 23 février, avec un spectacle de magie pour enfants, a été une édition 100% masculine où les femmes étaient malheureusement les grandes absentes.

Un trio de choc pour une comédie émouvante

Les artistes maghrébins et francophones ont dominé la programmation de cette année où la participation tunisienne s’est arrêtée à la nouvelle pièce de théâtre ‘‘Mamou & Chehyma’’, coécrite et jouée par un trio de choc : Kamel Touati, Slah Msaddak et Lassaad Ben Abdallah.

Cette mise en scène signée Lassaad Ben Abdallah, dont la première avait eu lieu le 13 février, est un projet inédit entre la comédie et la critique acerbe, réunissant trois grandes têtes d’affiche. On les a connus à la télévision, au cinéma et au théâtre, le trio d’artistes se réunit pour la première fois autour d’un même projet dont l’idée première vient de Kamel Touati et dont ils ont par la suite finalisé la dramaturgie et les dialogues, apportant chacun son souffle et son vécu, renouant ainsi avec leur première passion pour le 4e art, notamment Lassaad Ben Abdallah qui n’était pas monté sur les planches depuis une bonne vingtaine d’années.

Nous sommes dans un huis-clos et le décor est composé d’une grande table, d’un chevalet, de quelques chaises et de quelques toiles qui traînent; un espace qui fait office de maison et d’atelier où vivent Mamou (Kamel Touati), un peintre en mal d’inspiration, et son frère ainé Hamouda (Lassaad Ben Abdalah), un ancien accordeur de piano dont le métier a disparu avec les nouvelles technologies musicales, et dont on entend seulement la voix avant d’apparaître seulement à la fin de la pièce.

Après de fortes pluies ayant fini par inonder toutes les routes, Chehima (Slah Msaddak) se trouve coincé chez son vieil ami Mamou. Les deux personnages principaux sont des compagnons de route, deux peintres inséparables depuis une quarantaine d’années.

Arrivés à leur fin de carrière, les deux artistes qui avaient connu la gloire, le succès et la richesse, se font désormais de plus en plus rarement inviter à exposer leurs œuvres.

Impasse existentielle et malaise partagé

Mais Mamou compte beaucoup sur ce prochain vernissage et surtout sur ce tableau qu’il est en train de finaliser et qui représente un labyrinthe à l’image de l’impasse existentielle dans laquelle il se trouve, tout comme son ami et son frère.

Les deux peintres passent la soirée à tout remettre en question, leurs carrières, l’utilité de leurs œuvres, la valeur de leur travail… Dans un mélange de dialogues drôles, de situations burlesques et d’aveux émouvants, la pièce s’interroge sur la place de l’artiste et de l’intellectuel dans la société moderne, tout en mettant l’accent sur la liberté d’expression et de création souvent en proie à la surveillance de l’Etat, mais aussi sur la situation précaire dans laquelle se retrouvent beaucoup d’artistes en fin de carrière.

‘‘Mamou et Chehyma’’ tire sa force de son texte construit sur un nombre de métaphores intelligentes, de parallèles et de jeux de mots autour du désarroi des artistes mais aussi de tout un peuple en mal de vivre, représentés par des personnages attachants et crédibles, proches de tout un chacun avec leurs soucis du quotidien et leur quête du bonheur.

C’est une pièce en phase avec son temps qui évoque l’actualité sociopolitique du pays, notamment les dernières élections avec l’incompétence des élus d’un côté, et la désillusion des électeurs d’un autre côté.

Derrière ses airs comiques, ‘‘Mamou et Chehima’’ traduit un malaise partagé par beaucoup d’artistes et pose un regard inquiet sur une transition démocratique encore très fragile.

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