Dans cette «Lettre ouverte au ministre de la Santé», l’auteur, médecin de son état, préconise les tests massifs pour dépister le plus grand nombre de personnes contaminées en Tunisie et administrer la chloroquine aux malades parmi eux.
Dr Abdelmajid Mselmi *
La Tunisie a peut être la chance de pouvoir observer les expériences des autres pays rongés par l’épidémie du Covid-19 et en tirer les conclusions. Le confinement total est certes la principale leçon du drame chinois. Il reste la pierre angulaire de notre stratégie de lutte contre ce mal. Parallèlement à la nécessité de le resserrer et le consolider, il faut continuer à explorer d’autres pistes stratégiques permettant de mieux lutter contre ce fléau.
Testez, testez… massivement !, préconise l’OMS
«Nous avons un message simple à tous les pays : testez, testez les gens ! Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux bandées», a imploré Tedros Adhanom Ghebreyessu, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Malheureusement, ce n’est pas le cas en Tunisie, ou le test diagnostic du virus SRAS COV2 se fait au compte gouttes. Quelques dizaines d’examens uniquement sont réalisées quotidiennement. Le laboratoire de l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis est le seul qui en fait. Des ambulances doivent déferler chaque jour des 4 coins de la Tunisie pour ramener chacune quelques prélèvements à analyser avec les pertes de temps et d’argent qui en découlent. Beaucoup de citoyens demandent à être testés pour se rassurer sur leur état de santé mais en vain. Une sélection rigoureuse se fait au niveau du Comité central de lutte contre la Covid-19 au sein du ministère de la Santé.
Tous les spécialistes qui ne doutent pas des chiffres rapportés par le ministère pensent que le nombre des patients contaminés dépasse de loin le nombre de 70 déclaré le 22 mars par le ministère. Ils ne sont que la partie apparente de l’iceberg. Combien de sujets contaminés qui circulent librement et où se trouvent-ils ? Aucun ne peut répondre à ces questions en l’absence de dépistage massif. Ce chiffre ne peut donner qu’une fausse assurance alors qu’on mène une guerre à l’aveugle.
Mise à part l’expérience sud-coréenne (25.000 test par jour) qui a utilisé le dépistage massif ayant donné de très bons résultats, le bon sens de la démarche médicale classique doit éclairer notre combat comme on le fait devant chaque maladie. Devant un doute qui repose sur des critères cliniques ou épidémiologique, il faut pratiquer le test biologique. Si le patient est testé Covid-19 positif, il faut l’isoler et le traiter. Cette stratégie permet de reconnaître le maximum de personnes contaminées et de briser la chaîne de propagation du virus.
Pour cela il faut se doter de tests plus rapides, impliquer les laboratoires dans les régions pour réaliser ce test et permettre éventuellement aux laboratoires privés de le réaliser comme cela a été instauré en France depuis le 7 mars, certes avec des moyens beaucoup plus importants que la Tunisie.
La politique actuelle basée sur le confinement est défensive et peut nous ramener à des situations catastrophiques similaires à celle prévalant actuellement en Italie et en France. Il faut devancer la catastrophe et passer à l’attaque et aller aux gites même du virus, diagnostiquer les malades, les isoler et les traiter.
La chloroquine : de l’audace en temps de guerre !!!
L’équipe marseillaise du professeur Didier Raoult (une référence mondiale dans la lutte contre les maladies infectieuses) s’est fortement inspirée des expériences des équipes chinoises pour administrer de la chloroquine pour ses malades Covid-19 positifs. Elle a obtenu des résultats encourageants avec diminution spectaculaire de la charge virale permettant d’éviter les complications pulmonaires et la diminution de la contagiosité.
Malgré les réticences de certaines équipes médicales au début, la chloroquine est actuellement utilisée dans le prestigieux hôpital de La Pitié Salpêtrière, à Paris. Une étude européenne a été entamée regroupant 3000 patients dont 800 français. De l’autre côté de l’Atlantique, les Etats-Unis, sous l’impulsion de Donald Trump, ont décidé de recourir à ce médicament.
La chloroquine est un médicament très connu présentant peu d’effets indésirables selon les spécialistes. D’ailleurs, il est utilisé par les sujets sains qui voyagent en Afrique pour prévenir le paludisme. Même si les résultats ne sont pas encore définitifs et les effets positifs ne sont que partiels, il ne faut pas hésiter à faire bénéficier les patients tunisiens de ce médicament ce qui permettrai de diminuer les formes graves nécessitant une réanimation. En situation de guerre, on mène le combat avec les moyens dont on dispose en attendant d’avoir des armes plus sophistiqués.
«Dans une guerre, les conditions objectives peuvent être défavorables pour les révolutionnaires. Mais les facteurs subjectifs tels que le courage, la détermination et les tactiques judicieux peuvent être déterminants pour vaincre l’ennemi», disait Mao Tsé Toung.
* Chirurgien, professeur agrégé.
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