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JCC 2020: « L’homme qui a vendu sa peau », à la hauteur de toutes les attentes

Après avoir sillonné les grands festivals internationaux et séduit aussi bien les critiques que les spectateurs, le film tant attendu « L’homme qui a vendu sa peau » de Kaouther Ben Hania a été projeté en avant-première tunisienne dans le cadre des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2020).

Par Fawz Benali

Malgré l’absence de compétition officielle, la 31e édition des JCC qui a démarré vendredi dernier et qui se poursuivra jusqu’au 23 décembre, a prévu –au milieu d’une programmation rétrospective- quelques projections en avant-première de nouveaux films dont la sortie avait été empêchée par la fermeture des salles de cinéma durant plusieurs semaines à cause de la pandémie du Coronavirus (Covid-19).

Kaouther Ben Hania met encore une fois la barre haut

« L’homme qui a vendu sa peau » de la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania était certainement le plus attendu de cette section, puisqu’il avait fait parler de lui depuis le tournage à l’annonce de la participation de l’immense star italienne Monica Bellucci, et dont la première mondiale avait eu lieu à la prestigieuse Mostra de Venise où il a été doublement primé (Prix Edipio Re for inclusion et Prix Orrizonti du meilleur acteur pour Yahya Mahayni).

Après trois longs-métrages (deux documentaires et une fiction) salués par la critique nationale et internationale, Kaouther Ben Hania, l’une des cinéastes ayant le mieux représenté le cinéma tunisien à l’étranger, a mis la barre encore plus haut avec ce film qui raconte l’histoire de Sam Ali (interprété par l’acteur syrien Yahya Mahayni), un réfugié syrien qui a fui son pays vers le Liban pour assurer sa survie quand la guerre a éclaté en 2011, laissant derrière lui son amoureuse, qui s’apprêtait à épouser un diplomate influent qui lui permettrait à son tour d’échapper à sa condition et d’aller vivre en Belgique.

Sam passe ses journées à jouer les pique-assiettes à chaque vernissage organisé dans les galeries de la capitale libanaise. Par chance, ou devrions plutôt dire malchance (mais cela on le découvrira plus tard dans le film), il croise le chemin d’un célèbre artiste contemporain (interprété par l’acteur belge Koen De Bouw) et son assistante Soraya (jouée par Monica Bellucci) qui lui proposent de leur vendre littéralement son dos pour y tatouer une œuvre d’art qui lui permettrait d’obtenir un visa Schengen et de voyager désormais librement en Europe, et rejoindre ainsi sa bien-aimée, car « aujourd’hui, la circulation des marchandises dans le monde est beaucoup plus facile que celle des humains », lui lance l’artiste.

Comme « Le challat de Tunis » ou « La belle et la meute », cette histoire à peine croyable et à la limite du thriller, s’inspire aussi d’un fait divers, celui du suisse Tim Steiner qui s’est fait tatouer le dos par l’artiste allemand Rik Reinking. Le modèle avait accepté de poser comme une œuvre d’art dans les musées et de se faire dépecer à sa mort.

La liberté ou la sécurité, tel est le dilemme

Souhaitant aborder des thématiques vives comme la liberté, les nouvelles formes d’esclavage, l’extravagance de l’art contemporain ou la libre circulation des individus, Kaouther Ben Hania  a poussé certaines scènes vers l’absurdité, notamment avec celle de la vente aux enchères  du dos de Sam, une scène glaçante qui rappelle le film suédois « The square » de Ruben Östlund (Palme d’or au Festival de Cannes 2017).

Beaucoup trop désespéré pour mesurer les conséquences de ce cadeau empoisonné, Sam réalise tard qu’il avait conclu un pacte diabolique, car, lorsque le piège se referme, il est trop tard pour y échapper, son corps et son destin ne lui appartiennent plus, il est désormais un être déshumanisé. La beauté de la création artistique est donc confrontée à la laideur du marché de l’art moderne où l’éthique et le respect des droits de l’homme les plus basiques n’ont plus de sens, car l’art est désormais une simple affaire de rentabilité.

Victimes de leurs conditions sociales et de leur environnement géopolitique, les personnages de ce film se retrouvent face à un dilemme impossible : La liberté ou la sécurité ? Une question fondamentale autour de laquelle est ficelée toute l’intrigue du film.

Avec des sujets universels et actuels, un scénario intelligemment écrit et une caméra qui sait saisir toute l’émotion qui se dégage des acteurs, Kaouther Ben Hania réunit tous les ingrédients essentiels à un bon film. Il était d’ailleurs évident que le choix du Centre nationale du Cinéma et de l’Image (CNCI) tombe sur « L’homme qui a vendu sa peau » pour représenter la Tunisie aux prochains Oscars, bien qu’il soit très peu emprunt de l’identité tunisienne, voire pas du tout, excepté la nationalité de sa réalisatrice.

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