La visite n’est pas anodine et revêt une signification politique particulière, parce qu’elle est la première effectuée par l’ambassadeur des Etats-Unis à Tunis, Donald Blome, au siège du Parti destourien livre (PDL), hier, samedi 8 avril 2021, et c’est aussi la première rencontre du chef de la représentation diplomatique américaine en Tunisie avec la présidente du PDL, la tonitruante Abir Moussi.
Par Imed Bahri
Il y a quelques mois, le 23 février, le chef de mission adjoint de l’ambassade des Etats-Unis, Gregory D. LoGerfo, avait demandé de rencontrer Mme Moussi, mais la présidente du PDL a préféré déléguer pour cette rencontre Thameur Saâd, le responsables des relations extérieures au sein du parti, estimant que l’ambassadeur américain rencontrait lui-même le chef du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, «cheikh al-ikhwan», comme elle préfère l’appeler, et il n’y a aucune raison pour qu’il délègue son second pour rencontrer la présidente du PDL, exigeant un traitement égalitaire.
Les Etats-Unis sont à égale distance des partis en Tunisie
Avec la visite effectuée hier par Donald Blome, ce que Mme Moussi avait ressenti au mieux comme une erreur protocolaire et au pire comme un affront a donc été réparé. Et c’est tant mieux ainsi, car l’ambassadeur Blome a aussi profité de cette rencontre pour prouver que les Etats-Unis sont à égale distance de tous les partis en Tunisie et n’ont pas, comme certains l’en accusent ici, une préférence pour le mouvement islamiste. Certains analystes vont d’ailleurs encore plus loin en accusant l’administration américaine d’être l’instigatrice du «printemps arabe», dans le cadre de la politique de «désordre créateur» ou de «chaos constructif» préconisée par Condoleezza Rice pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, qui a permis aux islamistes d’arriver au pouvoir en Tunisie.
Quoi qu’il en soit, l’ambassadeur d’un aussi grand pays comme les Etats-Unis, première puissance mondiale, est censé garder de bonnes relations avec les acteurs politiques les plus en vue dans le pays où il est en poste, et Abir Moussi et son parti, le PDL, héritier du Néo-Destour, le grand parti nationaliste ayant bénéficié, la veille de l’indépendance de la Tunisie, d’un fort soutien de la part des Etats-Unis, sont devenus d’importants acteurs dans notre pays, et même au-delà.
Rapprocher les points de vue et dissiper les malentendus
Le PDL est, en effet, depuis plusieurs mois, en tête des sondages d’opinion pour les législatives, très loin devant Ennahdha, et Mme Moussi est en seconde position après le président de la république, Kaïs Saïed, pour la présidentielle. Mieux, Mme Moussi et son parti sont les principaux animateurs de l’opposition et sont bien positionnés en perspectives des prochaines élections prévues en 2024, et qui pourraient même être avancées si l’Assemblée venait à être dissoute, la crise politique en cours dans le pays ne semblant pas en voie d’être résolue.
Par ailleurs, les critiques souvent adressées par Mme Moussi aux autorités américaines qu’elle accuse de vouloir s’immiscer dans les affaires intérieures de la Tunisie, à travers certaines organisations actives dans notre pays, comme le National Democratic Institute (NDI), implanté au cœur même de l’Assemblée, n’ont pas dérangé outre mesure le chef de la représentation diplomatique des Etats-Unis à Tunis. Au contraire, elles semblent l’avoir convaincu de la nécessité de faire fondre la glace et de rompre le mur de l’incompréhension, et, à cet effet, quoi de mieux que le contact direct pour aider à rapprocher les points de vue et à dissiper les malentendus. Et c’est dans ce cadre qu’il convient de situer cette première rencontre entre Abir Moussi et Donald Blome, les deux parties ayant intérêt à maintenir un minimum de concertation, surtout en cette période trouble où l’avenir de la Tunisie, et au-delà, de toute la région, semble incernable et hésiter, sur une ligne de crête, entre démocratie et chaos.
Abir Moussi reçoit l’ambassadeur américain Donald Blome, au siège du PDL
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