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Le poème du dimanche : «Lettre aux poètes qui viendront» de Manuel Scorza

Poète, romancier et militant politique péruvien, Manuel Scorza est né en 1928 à Lima et mort le 27 novembre 1983 dans une catastrophe aérienne à l’aéroport Barajas à Madrid (en même temps que l’écrivain mexicain Jorge Ibargüengoitia et 178 autres personnes). Il venait de publier son dernier roman, «La Danse immobile».

Décédé à 55 ans, la participation de Scorza aux luttes sociales du Pérou lui a valu par deux fois la prison et l’exil. Il a soutenu activement la révolte des paysans andins, dont il a saisi l’essence dans «La Guerre silencieuse», cycle romanesque en cinq volets. Il lutta contre le régime militaire de Manuel A. Odría qui avait été porté au pouvoir par un coup d’État en 1948. Contraint à l’exil, c’est depuis le Mexique qu’il publie ses premières œuvres. Il devra attendre dix ans et la chute de la dictature pour revenir au Pérou en 1958. Il poursuit son travail d’écriture et aussi d’éditeur en favorisant la diffusion d’auteurs latino-américains à destination des classes modestes.

Sa lutte politique au côté des mouvements paysans andins «indigénistes», lui vaudra une nouvelle fois l’exil en 1968. Il s’installe alors à Paris.

Peut-être les poètes demain demanderont
pourquoi nous ne célébrions pas la beauté des femmes;
peut-être les poètes demain demanderont
pourquoi nos poèmes
étaient de longues avenues
par où débouchait la colère violente.

……….Je réponds
En tous lieux nous entendions des pleurs,
en tous lieux nous assiégeait un mur de vagues noires.
Et la Poésie aurait dû être
une solitaire colonne de bruine?
Il fallait qu’elle soit un éclair perpétuel.

……….Tant que quelqu’un souffre,
la rose ne pourra être belle;
tant que quelqu’un regarde le pain avec envie,
le blé ne pourra dormir;
tant qu’il pleuvra sur la poitrine des pauvres,
mon cœur ne sourira point.

……….Tuez la tristesse, poètes.
Tuons la tristesse à coups de bâton.
Ne racontez pas la romance des lys.
Il y a des choses plus nobles
que de pleurer des amours perdues:
le bruit d’un peuple qui se réveille
est plus beau que la rosée!
Le métal resplendissant de sa colère
est plus beau que l’écume!

Un Homme Libre
est plus pur que le diamant!

Le poète libérera le feu
de sa prison de cendre.
Le poète allumera le feu de joie
où brûlera ce monde lugubre.

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