Accueil » Tunisie : Kaïs Saïed et l’enfer de l’économie

Tunisie : Kaïs Saïed et l’enfer de l’économie

Alors que les cours de nombreux produits et services sur le marché mondial continuent de flamber en raison de la guerre en Ukraine, le président de la république, Kaïs Saïed, continue de botter en touche et de regarder ailleurs, comme s’il cherchait à faire diversion et à détourner l’attention des citoyens. Mais jusqu’à quand va-t-il continuer à tourner le dos à l’économie ?

Par Imed Bahri

C’est ainsi qu’en recevant hier, mercredi 2 mars 2022, au Palais de Carthage, la cheffe du gouvernement Najla Bouden, le chef de l’Etat a évoqué les textes, arrêtés et décrets que le conseil du gouvernement qu’il doit présider aujourd’hui, va examiner la question de la hausse des prix, dont les Tunisiens ne cessent de se plaindre, mais en la liant à la spéculation, une pratique illégale à laquelle s’adonnent nombre d’opérateurs économiques, et à laquelle il croit pouvoir faire face avec une nouvelle loi. Ce qui dénote une totale incompréhension de la réalité de la Tunisie et du monde, très grave et très inquiétant de la part d’un chef d’Etat.

Une loi pour quoi faire ?

Le président se trompe sur au moins deux points. D’abord, la spéculation peut contribuer à la hausse des prix, mais elle n’est pas la seule cause. Elle n’est plus non plus la plus importante. Ensuite, la loi relative à la spéculation, dont le président parle depuis plusieurs mois, tarde à être examinée et adoptée en conseil des ministres. Mais une fois adoptée, permettra-t-elle vraiment de mettre fin réellement à la spéculation ? Qu’on nous permettre d’en douter, car non seulement ce ne sont pas les lois qui manquent en Tunisie, mais elles sont rarement respectées et si elles sont trangressées, les autorités publiques parviennent rarement à les faire respecter, par manque de moyens, de volonté ou de détermination, ou, plus simplement, par laisser-aller, laxisme, complicité et corruption. Ce qui semble être le cas…

Est-ce que la loi que prépare M. Saïed va faire peur à ceux qui s’adonnent à la spéculation et contribuent ainsi à la hausse des prix sur le marché et que le président qualifie de «groupes de  pression»? Rien n’est moins sûr, car une loi ne sert à rien si les autorités chargées de la faire respecter n’en ont pas la volonté ou les moyens. Et c’est là où le président semble méconnaître la réalité dont il a souvent une approche biaisée par ses parti-pris personnels.

Sur un autre plan, pourquoi le président évite-t-il de parler aux Tunisiens de la hausse des prix des produits de première nécessité sur le marché mondial (pétrole, gaz, céréales, etc.) et qui va se traduire par un renchérissement des dépenses d’importation de la Tunisie, dont la balance commerciale et celle des paiements sont largement déficitaires ?

La descente en enfer

«La situation s’aggrave de jour en jour et les prix continuent d’augmenter. Des textes juridiques seront adoptés qui permettront effectivement de mettre un terme à l’aggravation de cette situation», a déclaré hier Kaïs Saïed, sans dire un mot sur les gros défis financiers auxquels notre pays est confronté en raison d’une crise mondiale que les Tunisiens vont subir de plein fouet, sans avoir les outils financiers nécessaires pour y faire face.

Est-ce que le décret dont le président ne cesse de menacer les spéculateurs – à supposer qu’il sera bientôt adopté, ainsi que ses textes d’application – va aussi aider à faire face à la flambée des prix sur le marché mondial, sachant que le pétrole s’approche aujourd’hui de 115 dollars le baril contre une estimation de 70 dollars retenue par le Budget de l’Etat 2022 et que la Tunisie importe désormais plus de la moitié de ses besoins énergétiques ?

Est-ce que le président, dont les connaissances en économie sont rudimentaires, va nous expliquer comment il compte faire pour nous éviter la descente en enfer à laquelle nous destinent les évolutions en cours dans le monde et l’état piteux de nos finances publiques? Ou préfère-t-il ne pas s’encombrer de ces questions triviales et très terre-à-terre qui lui font perdre de sa superbe? Mais jusqu’à quand va-t-il continuer à tourner autour du pot et à tourner le dos aux problèmes vitaux des Tunisiens, alors que le pays s’approche dangereusement du mur ? Et en cas de non-aboutissement des négociations en cours avec le FMI pour un nouveau prêt, qu’entend faire le locataire du Palais de Carthage pour boucler le budget de l’année en cours et sauver le pays de la banqueroute ?

Articles liés :

Tunisie : Kaïs Saïed et les spéculateurs, un feuilleton devenu barbant

Kaïs Saïed aux spéculateurs : «Vous allez voir ce que vous allez voir !»

Tunisie : Qu’attend Kaïs Saïed pour sévir contre les spéculateurs ?

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.