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Face à l’enfer de la crise, la Tunisie croit s’en sortir en se racontant des histoires

Kaïs Saïed, Najla Bouden et le déni des réalités.

Au lieu de prendre le taureau de la crise économique par les cornes, le président de la république Kaïs Saïed, comme aveuglé par ses élans populistes, semble avoir déjà «déteint» sur son administration, qui poursuit, elle aussi, la fuite en avant dans le déni des réalités, en continuant à annoncer de «bonnes nouvelles» qu’elle aura beaucoup de mal à faire admettre par une majorité de Tunisiens, mentalement épuisés, désenchantés et faisant face à une hausse des prix sans précédent et à une dégradation croissante de leur pouvoir d’achat.

Par Imed Bahri

Dans ce contexte, le directeur général de la concurrence et des enquêtes économiques au ministère du Commerce, Houssem Eddine Touiti, a assuré, vendredi 18 mars 2022, que les opérations d’importation et d’achat de céréales sont en cours, démentant tout arrêt au niveau de l’approvisionnement. «Nous allons œuvrer à couvrir une partie de nos besoins en céréales à partir de notre production nationale. Pour ce qui est du reste, nous l’importerons de l’étranger», a-t-il souligné d’une conférence de presse organisée par la présidence du gouvernement, à Dar Dhiafa, à Carthage. Il était visiblement en mission commandée par la cheffe du gouvernement Najla Bouden dont le mutisme presque total commence à susciter des interrogations sur ses… compétences.

La lutte contre la spéculation, et après ?

Selon M. Touiti, les spéculateurs ont profité de la conjoncture mondiale pour faire croire que la pénurie des matières premières est due à la guerre ukrainienne, provoquant ainsi, «un état de panique au sein de la population».

Le haut fonctionnaire épouse ainsi la logorrhée du président Kaïs Saïed, qui continue dans sa fuite en avant dans le déni, en évitant de parler de pénurie à laquelle le monde entier fait face avec les perturbations des circuits de commercialisation de plusieurs produits de première nécessité, comme les céréales, dont la Tunisie importe plus que la moitié de ses besoins, qui plus est, de l’Ukraine et de la Russie !

Même si la soi-disant campagne de lutte contre la spéculation lancée par les autorités, et dont la ratés ont déjà été dénoncés par les centrales patronales (Utica) et syndicale (UGTT), ne réglera que très partiellement les problèmes d’approvisionnement, M. Touiti, en bon technocrate discipliné et lisse, a cru devoir indiquer que cette campagne contre la spéculation a abouti, entre le 10 et le 17 mars courant, à la saisie de 333 tonnes de semoule, 1 023 tonnes de farine, 1 039 tonnes de pâtes, 252 tonnes de sucre, 69 205 litres d’huiles et 25 088 litres de lait, omettant de préciser que ces chiffres sont insignifiants, eu égard le niveau de consommation de ces produits par les Tunisiens.

M. Touiti a ajouté, comme si cela pouvait régler quoi que ce soit, que 75 personnes ont été placées en garde à vue (combien d’entre eux l’ont été par erreur et seront relâchés dans deux jours ?), précisant que 1 868 procès-verbaux ont été rédigés dans le cadre de cette campagne (la belle affaire !) et faisant savoir qu’un nouveau programme de contrôle sera lancé afin que le marché puisse retrouver son rythme d’approvisionnement normal.

Fuite en avant dans le déni des réalités

Soit, mais en attendant la soumission prochaine à un conseil ministériel d’un décret présidentiel censé corser les sanctions contre les spéculateurs, et qui ne réglera pas les problèmes d’approvisionnement auxquels notre pays, à l’instar de nombreux autres pays à travers le monde, va devoir faire face dans les mois à venir, M. Touiti ne dit pas où l’Etat tunisien, en quasi-faillite, va-t-il puiser les fonds dont il a besoin pour financer ses importations d’hydrocarbures, de céréales, d’huiles végétales, de médicaments et autres produits de première nécessité dont les cours ont flambé sur les marchés internationaux. Alors que la monnaie nationale, le dinar, continue de piquer du nez et que la note souveraine de la Tunisie, qui a besoin d’emprunter plusieurs milliards de dollars auprès de bailleurs de fonds internationaux pour boucler son budget pour l’exercice en cours, vient d’être dégradée à «CCC», la pire depuis des décennies, et qui va ouvrir les portes de l’enfer devant les opérateurs économiques nationaux, aussi bien publics que privés. Et que M. Saïed et son administration, au lieu de prendre le taureau de la crise par les cornes en prenant des décisions courageuses, poursuivent leur fuite en avant dans le déni des réalités.

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