Tunisie : Sommet de la Francophonie, droits de l’homme et démocratie

Alors que le 18e Sommet de la Francophonie approche à grand pas, il ne reste qu’à espérer que la diplomatie tunisienne soit suffisamment mobilisée et mieux outillée à Djerba que récemment à Genève pour endiguer l’avalanche de critiques sur la situation des droits de l’homme en Tunisie et l’état de la démocratie qui y prévaut.

Par Elyes Kasri *

Une trentaine de chefs d’État et de gouvernement auraient déjà confirmé leur participation au 18e Sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) qui sera tenu à Djerba les 19 et 20 de ce mois. Parmi les participants confirmés figurerait le Premier ministre canadien Justin Trudeau dont le gouvernement n’a pas cessé depuis deux ans de contester la justesse du choix de la Tunisie pour abriter ce sommet en raison de sa perception de l’état de la démocratie qui y prévaut.

Un proverbe américain conseille de faire attention à ses souhaits car ils pourraient bien nous réserver des surprises désagréables.

Une polémique de trop

Aussi, l’empressement frisant l’acharnement de la Tunisie à abriter le 18e sommet de la francophonie à Djerba sera l’occasion de célébrer le 50e anniversaire de l’OIF et de rendre hommage à ses pères fondateurs, notamment le leader Habib Bourguiba, dont certains s’efforcent en Tunisie de renier les mérites et les réalisations.

Ce sommet commémorera également l’adoption, le 3 novembre 2000, de la Déclaration de Bamako sur les pratiques de la démocratie, des droits et des libertés, faute d’en avoir célébré à temps le 20e anniversaire en raison des reports successifs dus à la pandémie Covid-19.

Les frictions suscitées lors de l’adoption de cette Charte francophone de la démocratie et des droits de l’homme risquent d’être exacerbées cette fois et d’entacher le nom de Djerba, l’île des rêves, par une polémique émanant de la perception, partagée par certains cercles en Tunisie et à l’étranger, de dérives autocratiques et de manquements aux engagements internationaux de la Tunisie en matière de pratiques démocratiques.

Djerba mériterait mieux que d’être associée à une polémique que certains cercles politiques et associatifs tunisiens et étrangers semblent décidés de provoquer à l’occasion de la tenue du Sommet de la francophonie.

Si la Ticad8, sommet exclusivement économique, a été malencontreusement politisée par l’affaire du Sahara Occidental, le Sommet de la francophonie, qui a une vocation politique solidement accrochée à la vocation initialement culturelle de cette organisation internationale, risque de donner lieu à des joutes et harangues désobligeantes sur l’état de la démocratie et des droits de l’homme en Tunisie.

Une diplomatie passive et dépassée

Les nombreuses critiques et recommandations sous forme d’injonctions formulées le 8 de ce mois par les Etats membres du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies sur la situation des droits de l’Homme en Tunisie dans le cadre de la 41e session de l’Examen périodique universel (EPU), pourraient n’être qu’un avant-goût du tollé qui pourrait polluer le sommet de Djerba.

Il ne reste qu’à espérer que la diplomatie tunisienne soit suffisamment mobilisée et mieux outillée à Djerba que récemment à Genève pour endiguer l’avalanche de critiques à l’occasion du Sommet de la francophonie.

En l’état actuel des choses, avec vingt et une ambassades et douze consulats sans titulaire ainsi qu’une direction de la diplomatie tunisienne passive et effacée, pour ne pas dire autre chose, le doute est permis et même recommandé.

* Ancien ambassadeur.

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