Blanchiment d’argent : la France lave plus blanc !

La France, qui n’est pas irréprochable en matière de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale, est candidate pour abriter la nouvelle Autorité européenne de lutte contre le blanchiment (Amla). Les dictateurs du tiers-monde peuvent se frotter les mains : ils pourront continuer à voler leurs peuples en bénéficiant d’une couverture politique européenne !

Par Oilid Ben Yezza *

Nous avons été surpris d’apprendre que la France veut héberger la future Autorité européenne de l’Amla, qui aura vocation d’assurer une application homogène dans l’Union européenne des réglementations de lutte anti-blanchiment d’argent, et ce, pour l’ensemble des secteurs économiques (opérateurs immobiliers, notaires, casinos…).

Coïncidence : quelques semaines auparavant, la France avait mis en vente une pièce d’or de valeur faciale garantie de 2500€. Mieux que le billet de 500€, cette pièce servira sans doute à tous les «blanchisseurs» à travers le monde, en particulier en Afrique.

Beaucoup de pays dans le monde, dont la Tunisie, restreignent à leurs ressortissants l’exportation de devises. Par exemple, un Tunisien ne peut échanger en devises qu’une somme équivalente à 6000 dinars  censés couvrir ses dépenses lors de ses séjours à l’étranger. Ce montant de 1800€ est ridicule pour les étudiants qui doivent rester toute l’année dans le pays d’accueil ou encore pour les hommes d’affaires.

La pièce magique mise en vente par la France, qui n’est pas nominative, est échangeable directement à la Banque de France. Facilement dissimulable dans les poches et les valises, elle permettra à n’importe quel trafiquant ou contrebandier de se soustraire aux règles douanières des pays africains. Pensez-vous que Monnaie de Paris n’a pas conscience de cela ?

Et si on regardait de plus près ce que la France permet en matière de blanchiment d’argent ?

Les produits de luxe, sacs de marque, montres et autres tableaux de maîtres ne permettent-ils pas des gains substantiels en tant qu’investissements ?

La principauté de Monaco qui, selon le rapport de l’Assemblée nationale française de 2000, se caractérise par la prolifération et l’opacité des sociétés offshore, une déontologie bancaire à géométrie variable, des pratiques prolongées de blanchiment par les jeux, une coopération judiciaire internationale difficile…, n’a-t-elle pas longtemps attiré les oligarques de Russie et d’autres pays encore ?

Les choses ont-elles changé au cours des dernières semaines ?

Pour rappel, la Tunisie avait été inscrite sur la liste grise du Groupe d’action financière (Gafi) qui siège en France. Maintenant que, dans l’affaire libyenne, on sait que certains hommes politiques de premier rang s’y baladaient avec des valises pleines d’argent ou des tableaux de maîtres, on comprend mieux l’intérêt pour la France d’abriter une institution comme l’Amla.

C’est d’ailleurs grâce en partie au billet de 500€ numéroté dédié à la Libye que les juges français ont pu remonter la piste de l’argent sale ayant afflué de ce pays nord-africain.

On vous laisse imaginer comment ces pièces d’or d’une valeur de 2500€ émises récemment par la France peuvent-elles nuire au travail de la police et de la justice !

Quand on se rappelle aussi comment Jérôme Cahuzac, ancien ministre français du Budget (2012-2013) et ancien responsable de la lutte contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale, accusé lui-même d’évasion fiscale, a pu passer en travers des lois, on est en droit de s’interroger sur l’éthique de la candidature de la France pour héberger la future Amla. Alors que le monde adopte les normes ESG, ne voilà-t-il pas que ce pays permet toujours à des dictateurs africains d’investir dans les grandes rues parisiennes l’argent spolié à leurs peuples ?

Certains diront que rien n’empêche l’Afrique de concurrencer l’Europe en matière de blanchiment d’argent, et d’adopter la voie de développement économique et financier suivie par la Suisse, l’Irlande et bien d’autres paradis  fiscaux. Encore faut-il que les grandes puissances de ce monde leur en laissent la possibilité !

Il reste à s’interroger : pourquoi cette candidature française à abriter l’Amla alors qu’elle abrite déjà le Gafi? Il serait peut-être utile que l’Europe applique la règle de la séparation des pouvoirs entre le Gafi et cette nouvelle institution, et pourquoi pas mettre son siège à Francfort ou à Rome, d’autant que l’Italie a montré sa compétence dans la lutte anti-mafia jusqu’à y perdre deux juges.

Quand on sait que le tiers de la richesse des pays africains est détenue en offshore et que les pays en développement perdent 156 milliards de dollars par an par le biais de l’évasion fiscale, on pourrait estimer que l’installation du siège de l’Amla dans un pays africain ne serait pas une idée totalement saugrenue.

On pourrait aussi penser que certains pays hors influence française seraient encore plus motivés par le travail dans ce domaine, ou que le siège de l’Amla serait beaucoup mieux à Oslo qu’à Paris, surtout quand on voit le niveau de corruption de l’Europe dans ses relations avec certains pays, dont le Qatar.

L’Afrique doit se réveiller et prendre son destin en main. Personne ne se battra pour elle. Des institutions comme le Gafi ou l’Amla ne servent, peut-être, qu’à des règlements de comptes politiques ou des moyens de pression politique, sans plus.

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