Minerali Industriali fermera-t-elle vraiment ses usines en Tunisie ?

La société Minerali Industriali Tunisia (MIT) a diffusé une note en date du 27 décembre 2022, où elle affirme prévoir la fermeture de ses sites à Oueslatia (Kairouan) à et à Sousse à partir du début de l’année prochaine, «si elle se trouve dans l’impossibilité de satisfaire ses clients à des prix concurrentiels»… La MIT est-elle vraiment menacée et joindra-t-elle l’acte à la parole?

Par Yüsra Nemlaghi

Dans cette note intitulée : «Fermeture potentielle des usines de la MIT», la société installée en Tunisie depuis une vingtaine d’années, filiale du groupe international majoritairement italien Minerali Industriali, indique qu’elle a «décidé d’arrêter toute exportation en cours et future, ainsi que l’arrêt total de ses usines qui emploient environ 80 personnes directement et 200 indirectement».

La MIT explique cette décision par la nouvelle taxe douanière de 100 dinars à la tonne, qui sera appliquée à partir du 1er janvier 2023 pour l’exportation de sable de toute nature, publiée le 23 décembre dans le Jort (loi de finances 2023) : «Nous sommes stupéfaits et sidérés par cette décision improviste qui surgit pendant les périodes des fêtes de Noël et du Nouvel an», lit-on dans la note signée par son CEO, Carlo Caltran.

La société assure, par ailleurs, que cette taxe représente plus d’une fois et demie à deux fois le prix de vente actuel, en commentant : «Ceci met le sable tunisien hors marché et rendent d’autres sources plus profitables, citant notamment le sable égyptien, français, allemand, portugais…«.

La MIT indique, qu’en conséquence, elle «prévoit la fermetures de ses sites en Tunisie, si elle se trouve dans l’impossibilité de satisfaire ses clients à des prix concurrentiels».

Avec cette nouvelle taxe, la MIT, va-t-elle vraiment ne plus être en mesure de satisfaire ses clients à des prix concurrentiels ? Selon une source de la profession, cette taxe va évidemment impacter la marge bénéficiaire de Minerali Industriali, qui exporte ses produits tunisiens vers les marchés européens à des prix largement concurrentiels.

Toutefois, la nouvelle situation sera-t-elle ingérable pour la société italienne, sachant qu’elle lui était très confortable auparavant ? La nouvelle taxe, qui permettra à l’Etat de mieux valoriser la ressource nationale et cesser de la brader à vil prix, comme il le faisait jusque-là, poussera-t-elle la société jusqu’à fermer ses portes en Tunisie, comme elle le prévoit, ou l’incitera-t-elle, au contraire, à revoir ses politiques de commercialisation, de manière à ne pas perdre une position qui lui était assez bénéfique jusque-là ?

Certains experts, interrogés à ce sujet, nous ont affirmé que, même avec la nouvelle taxe mentionnée, le sable tunisien ne sera pas hors marché et son extraction restera rentable pour la MIT et pour ses clients, qu’elle pourra continuer à satisfaire avec des prix raisonnables.

La valeur ajoutée qui échappe à la Tunisie

Nous reproduisons ci-dessous, pour complément d’information, une note publiée par l’expert Mohamed Balghouthi au sujet de l’exploitation du sable tunisien et qui insiste, chiffres à l’appui, sur la valeur ajouté qui échappe à la Tunisie, en matière d’exploitation du sable, parce qu’elle n’a pas investi dans un appareil productif industriel capable de multiplier ses richesses.

Par Mohamed Balghouthi

Valeur ajoutée de la transformation du sable vers le silicium :

Le sable est constitué en grande majorité de Silice (Dioxyde de Silicium : SiO2).

Le sable tunisien contient de 97 à 99% de SiO2.

Il est vendu à 17€ la tonne.

1 tonne de sable peut donner entre 300 et 380 kg de silicium pur.

1 kg de Silicium polycristallin (qualité industrielle) coûte 13,5 €, soit pour une moyenne de 300 kg par tonnes de sable, 5 000 €.

1 Kg de Carbure de Silicium (à 99% de pureté) coûte 600 €, soit 600 000 € la tonne.

1 Waffer de 10 g de 8-10 cm de diamètre de monocristal de silicium coûte 100 €, soit 10 000 € le kg, soit 10 millions d’€ la tonne, ce qui, ramené à 300 kg, donne 3 millions d’€ issus de 1 tonne de sable.

Voilà toute la valeur ajouté qui nous échappe car nous n’avons pas investi dans un appareil productif industriel capable de multiplier nos richesses.

La seule voie économique qui nous permettra de tirer notre pays vers le haut sera celle de l’investissement massif dans de l’industrie à haut contenu techno-scientifique.

Si cette volonté politique existe et se manifeste fermement, alors automatiquement les moyens seront mis en place pour arriver à cet objectif.

Ces moyens seront l’Education, La Recherche & Développement, le rapatriement de toute connaissance nécessaire, et des incitations fiscales pour aider à développer les entreprises à haut contenu techno-scientifique.

Résumé de ce que nous pouvons tirer du sable :

17 € (prix de la tonne de sable) –> 5 000 € (prix de 300 kg de Silicium poly-cristallin) –> 3 millions d’€ (prix de 300 kg de Waffer de Silicium mono-cristallin).

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