Pourquoi la BAD a reculé à la fin 2023 la publication du document de stratégie de la Tunisie

La Banque africaine de dévelopement (BAD) justifie la prorogation à la fin de 2023 de la mise à jour et de l’extension du document de stratégie pays (DSP) 2017-2021, par la prorogation de la stratégie de 2022-2023 qui suit cette période, pour en tirer les enseignements nécessaires. A cet effet, la BAD a relevé plusieurs contraintes qui ont nécessité le report à 2023, et cité les résultats attendus à la fin de cette année.

Par Amina Mkada

Le DSP 2017-2021 maintient 2 objectifs pour la fin 2023 : l’industrialisation et le développement des chaînes de valeur locales, et l’amélioration de la qualité de vie des populations des régions prioritaires.

En ce qui concerne le premier objectif, durant les années de référence du DSP, le constat a porté sur l’instabilité macroéconomique de la Tunisie, et l’orientation de ses politiques fiscales et budgétaires défavorisant la croissance à long terme, et celle de l’emploi. Aussi, le résultat attendu au terme de 2023, porte sur un soutien aux réformes stratégiques devant surtout permettre de dégager des économies budgétaires, et de générer de nouvelles ressources pour augmenter l’investissement public. Ce n’est visiblement pas l’objectif de la loi de finances et du budget de l’Etat pour 2023, qui ont surtout porté sur la collecte des ressources pour les dépenses de l’Etat. Ce qui va sans doute nécessiter une refonte du DSP de la Tunisie à publier par la BAD.

Des indicateurs en-deçà de toutes les prévisions

Il est fait également mention de la révision des principaux indicateurs attendus à la fin 2023, qui ne coïncident pas toujours avec celles du budget de l’Etat tunisien en 2023 : recettes fiscales 26% (get 25%); déficit budgétaire -6,1% (get -5,5%); taux de croissance 4% (get 1,8%); taux de chômage 15% (get 11%); taux d’investissement 20% (get 17,8%); part de l’investissement privé dans l’investissement total 60% (get 57,6%).

Une autre constat consiste en la faiblesse des ressources consacrées à l’investissement public, qui ne permet pas le développement des infrastructures stratégiques du pays. La fin 2023 devra donc voir une stabilisation de l’économie, une augmentation de l’investissement privé redynamisé par la hausse de l’investissement public, ce qui est loin d’être ce que l’on peut raisonnablement attendre des prévisions de l’Etat, et la création d’un effet de levier par la réalisation de partenariats publics-privés (PPP).

Autre contrainte relevée, la détérioration de la qualité du climat des affaires depuis 2011, qui pénalise l’investissement privé tant national qu’international.

La BAD attend donc une amélioration du climat des affaires devant permettre de relancer l’investissement direct privé, local et étranger. Cette relance devra être appuyée par des lignes de crédits ciblées. De même, la construction d’autoroutes et le développement du réseau ferroviaire, permettront de désenclaver les territoires, diminuer le temps de déplacement et le coût moyen de transport, et facilitera l’accès aux chaînes de valeur locales.

Une dernière contrainte dans ce premier objectif, la valeur ajoutée industrielle qui reste faible du au positionnement de l’industrie dans des secteurs à faible valeur ajoutée. De même, il y a un décalage important entre l’offre de travail formée par le système éducatif tunisien, et la demande de l’industrie et des entreprises.

Persistance des contraintes structurelles

Pour ce qui est du 2e objectif du DSP, parmi les constats observés, l’électricité produite est excessivement dépendante des énergies fossiles (gaz, pétrole). L’on s’attend donc, à la fin 2023, à la préparation d’une transition énergétique et à la diminution à terme du coût de production moyen du KWh, pour l’industrie et les entreprises.

D’importantes disparités régionales et des écarts de développement persisteront entre les régions et les gouvernorats, ce qui constituera un frein à la promotion d’une croissance inclusive.

Le développement économique dans les régions rurales restera contraint par l’absence d’une approche globale basée sur la valorisation des chaînes de valeur agricoles et non agricoles.

Enfin, le changement climatique accroîtra le stress hydrique et créera une tension dans la gestion des ressources en eau (satisfaction des besoins humains vs. besoins économiques), d’autant que la pluviométrie, en ce début de saison agricole, reste très faible.

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