L’avortement mis en danger aux Etats-Unis : les Européennes reprennent le combat

La mise en danger du droit à l’interruption volontaire de la grossesse (IVG) aux Etats-Unis inquiète les Européennes, et notamment les Françaises, qui œuvrent à inscrire ce droit dans la constitution pour le mettre à l’abri des assauts de la droite rigoriste reprenant du poil de la bête un peu partout dans le Vieux Continent.

Par Mohsen Redissi *

La victoire l’année dernière de la droite américaine rigoriste anti-avortement a cryogénisé les tubes utérins spécialement des Européennes. L’arrêt de la Cour suprême américaine a secoué leur bas ventre. Assurés de leur victoire aux Etats-Unis, les anti-avortement se tournent vers une Europe disparate et fragilisée.

Aucune politique européenne commune sur le devenir de l’embryon. Chaque pays possède ses propres lois et des attitudes héritées d’anciennes pratiques. Les Européennes risquent fort bien de ne plus avoir le droit de disposer de leurs zygotes et de perdre ce qu’elles ont acquis de hautes luttes, le résultat de l’avancée de l’influence de la droite religieuse américaine.

La constitutionnalisation de la Loi Veil

La France, sentant venir les premiers soubresauts, son Assemblée nationale a adopté une proposition de loi permettant d’inscrire le droit à l’interruption volontaire de la grossesse, IVG, dans la Constitution. Ce n’est que le fœtus, Sénat et Chambre des représentants vont se renvoyer la loi, d’un hémicycle à une caméra, d’une lecture rapide à une autre, travail nécessaire pour accoucher en fin de compte d’une loi viable. Selon un sondage réalisé par l’Ifop en juillet 2022, 81% des Français sont favorables pour inscrire l’IVG dans la constitution. C’est aux parlementaires d’écouter les coups de pieds donnés par le nouveau né.

La proposition de loi vise à consacrer le caractère fondamental du droit à l’avortement. Aux États-Unis, les Américaines n’en reviennent pas. Elles ont subi un échec cuisant, une ligature de trompes. La Cour suprême, leur institution de référence, est revenue en juin 2022 sur sa jurisprudence Roe vs. Wade de 1973, le quatorzième amendement qui considérait l’IVG comme un acquis fédéral. Depuis, plusieurs États ont interdit la pilule contraceptive et ont restreint le recours à l’avortement sauf dans deux cas, l’inceste et le viol. Les législateurs de l’Hexagone veulent faire éviter aux Françaises le même affront.

Le droit à l’avortement serait ainsi inscrit dans la constitution au rang des libertés fondamentales individuelles, au même titre que l’abolition de la peine de mort, sans espoir de retour en arrière. La Française est libre d’interrompre sa grossesse sans justification aucune. Il convient de respecter son choix, de la protéger, de garder son anonymat et d’accéder à sa requête. 

Restriction à l’IVG et ses ravages en Europe

Le revers qu’ont subi les Américaines, la perte du droit de disposer de leurs gamètes, a eu un impact négatif sur la législation de certains pays européens et sur le comportement en général des femmes vis-à-vis de la contraception.

Malte, la Pologne, la Hongrie et bien d’autres pays ont depuis criminalisé l’avortement. Elever l’avortement au rang de crime a conduit les obstétriciens à mettre des gants avant de procéder. Certains médecins refusent d’en pratiquer de peur d’être poursuivis en justice. Les femmes qui insistent et qui ne se laissent pas intimider par les menaces ou par la peur d’être poursuivies sont contraintes d’écouter les battements du cœur du fœtus avant l’intervention. Elles ne seront soulagées que si le cœur a cessé de battre, sinon le personnel soignant refuse d’utiliser le bistouri.

L’interruption de la grossesse est salvatrice quand la vie de la mère est menacée, une grossesse extra-utérine par exemple. Hélas, les hésitations des uns et des autres suite aux nouvelles lois vont obligatoirement faire des victimes. Des femmes passent de vie à trépas à cause de tergiversations: faut-il sauver l’œuf ou la mère poule? Elles sont venues donner la vie, quelqu’un a pris la leur.

La régression du droit à l’avortement comme opéré récemment aux États-Unis illustre admirablement la fragilité de l’IVG dans toute l’Europe. La survie de générations futures ne tient qu’à un cordon. La France, pays de tradition en la matière, veut honorer la mémoire de la dame qui a défendu corps et âme la cause des femmes à avoir accès à l’avortement et qui repose en hauteur sur la montagne Sainte-Geneviève. 

* Fonctionnaire à la retraite.

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