Victor Hugo s’était-il vraiment converti à l’islam ?

Certains chercheurs arabes ont affirmé que le célèbre poète français du XIXe siècle Victor Hugo s’était converti à l’islam et qu’il se fît appeler «Abu Baker». Qu’en est-il au juste ?

Par Dr. Moktar Djebli *

Victor Hugo (1802-1885) a laissé une œuvre imposante, en prose comme en poésie, tels ‘‘Les Misérables’’, ‘‘Notre Dame de Paris’’, ‘‘La Légende des siècles’’… Ce dernier titre est considéré comme l’un de ses écrits les plus importants. C’est une énorme épopée, dans laquelle il a passé en revue l’histoire de l’humanité depuis Adam jusqu’à son temps, en passant par les prophètes, Moïse, Jésus, Mahomet et les dirigeants et empereurs romains, jusqu’aux sultans ottomans. Ce recueil comprend entre autres deux poèmes célèbres. L’un était dédié au prophète Mahomet, intitulé  ‘‘L’An neuf de l’Hégire’’, dans lequel il traitait la biographie du prophète de l’islam, en particulier ses derniers moments de vie parmi ses compagnons. Et l’autre a été consacré au 2e calife Omar Ibn Al-Khattab, intitulé ‘‘Le Cèdre’’.

Ces deux poèmes, où l’écrivain a montré une certaine fascination pour ces deux figures fondatrices de l’islam, ont amené certains chercheurs arabes à affirmer que Victor Hugo se soit converti à l’islam et qu’il se fît appeler «Abu Baker» ! Or, ce ne fut aucunement le cas. Rien, en tout cas, dans la riche littérature consacrée au poète français, ne le laisse supposer. Hugo n’a jamais embrassé l’islam, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, ce qu’il a relaté dans son poème sur le prophète Mahomet n’était qu’une simple narration historique.

Ensuite, et à notre connaissance, il n’y a aucune source française, ancienne ou moderne, qui confirme ou laisse même supposer sa conversion à l’islam.

Par ailleurs, au début de son poème, Hugo décrit Mahomet, en agonie, en ces termes :

  «À l’âge de soixante-trois ans, il avait de la fièvre,

 Il relut le Koran de sa main même écrit».

Il est clair que, suivant ces deux vers, le poète considère que le Coran a été écrit par Mahomet de sa main propre, ce qu’aucun fidèle musulman sur terre ne s’autoriserait à dire.

En effet, pour les Musulmans, le Saint Coran est la parole de Dieu révélée, et Mahomet, son messager, analphabète, ne sachant ni lire ni écrire, n’avait pour mission que de le transmettre à «toute l’Humanité».

Ainsi, suivant la tradition musulmane, le Coran, texte sacré, a été recueilli, au fur et à mesure de sa révélation, par les compagnons du Prophète, qui l’ont regroupé et classé en chapitres et sourates.

En outre, Victor Hugo, dans un texte manuscrit, écrit de ses propres mains trois jours avant sa mort, le 22 mai 1885, déclare qu’il croit en Dieu mais rejette les paroles de l’Église et déteste les clergés et les prêtres, sans la moindre allusion à une quelconque autre croyance.

Sur un autre plan, ce qui est surprenant et semble incroyable, surtout venant de l’auteur des ‘‘Misérables’’, c’est son attitude vis-à-vis de l’Afrique. En effet, dans un discours prononcé au cours d’une réunion sur le continent noir, le 18 mai 1879, il manifestait, sans ambiguïté aucune, des sentiments de racisme envers les Noirs, du mépris pour l’Afrique et d’une forte sympathie pour la colonisation.

Chantre de la colonisation de l’Afrique

Dans cette allocution, il annonçait, par exemple: «L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire et même l’Australie, elle-même, a son histoire; quant à l’Afrique, elle n’a pas d’histoire» ! Il ajoutait : «L’Afrique a besoin de ses colons»  et, poursuivait : «Au dix-neuvième siècle, le Blanc a fait du Noir un homme; au vingtième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. Refaire une Afrique nouvelle, rendre la vieille Afrique maniable à la civilisation, tel est le problème. L’Europe le résoudra». Ou encore, dans ce qui ressemble à une glorification de la colonisation : «Allez, Peuples [européens, bien entendu] ! Emparez-vous de cette terre. Prenez-la… Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la». Avant de conclure : «Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes; croissez, cultivez, colonisez, multipliez…». (Cf. ci-dessous, lien 3, site de Radio France Info).

Telle est le côté caché de ce grand écrivain, célèbre pour son humanisme, pour ses attitudes révolutionnaires et pour son amour de la liberté; choses manifestement réservées à la seule Europe et ne dépassent guère ses frontières !

* Ancien professeur à l’université Paris X-Nanterre.

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