Success story : Taha Omri, le clandestin tunisien devenu homme d’affaires en Italie

C’est une histoire qui mériterait d’être portée au cinéma, et elle le sera probablement, celle de Taha Omri, un citoyen tunisien entré en Italie sans papiers dans les années 1990 et aujourd’hui directeur général d’Omi-Fer, une entreprise spécialisée dans la construction et le montage de menuiseries métalliques dont le chiffre d’affaires a atteint cette année 25 millions d’euros.

L’entrepreneur, qui a parrainé la XVIIe édition du SalinaDocFest (organisé sur l’île éolienne du 13 au 17 septembre 2023), a retracé les étapes de son ascension avec l’agence italienne Ansamed.

«Je ne suis pas né pauvre, mais je voulais améliorer mes conditions de vie et, suivant les principes reçus de mon père, j’ai subvenu à mes besoins, même pendant mes études», raconte l’entrepreneur. Il se souvient : «J’étais curieux du monde et j’ai passé mon baccalauréat à Damas, puis je suis retourné en Tunisie où j’ai obtenu mon diplôme de Physique-Chimie, puis je suis parti dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie, je suis allé à Vienne puis à Innsbruck pour un master, mais ils m’ont demandé 8 millions de shillings pour le permis de séjour annuel et il n’y avait pas de travail. Je suis donc arrivé en Italie, que je connaissais déjà car pendant les étés, en tant qu’étudiant, je rejoignais des cousins ​​​​à Salerne, employés dans la construction. Avec eux, je suis allé à Caserta pour travailler dans le secteur du tabac, puis à San Ferdinando di Puglia pour cueillir des raisins et des tomates, je gagnais mille lires (l’équivalent de 50 centimes) par boîte».

Gratitude pour des amis prêtres

La vie prend une autre direction lorsque l’homme déménage à Brescia, mais les débuts sont difficiles. «J’étais chez un ami qui, cependant, à un moment donné ne pouvait plus m’héberger, j’étais en difficulté et comme beaucoup d’autres, pour manger, boire, me laver et chercher des vêtements, je suis allé à l’église de Chiari, où Don Andrea Gallo (un prêtre militant) était également là. Ils nous ont également donné 5 000 lires pour payer le transport qui nous ramenait, pour dormir où que nous soyons», se souvient-il. La gratitude pour ce soutien s’est traduite des années plus tard par le parrainage d’un concert de Mozart dans une église du lac de Garde, à la demande de deux amis prêtres. «Je l’ai fait en mémoire de Don Gallo et j’ai apporté un vieux billet de 5 000 lires, en me rappelant que grâce à lui j’ai aujourd’hui près de 500 employés. Il y avait environ 300 personnes, ils sont tous venus me serrer dans leurs bras et c’était une grande émotion», raconte l’homme d’affaires.

L’aide, le souci du soutien reçu et le dialogue avec toutes les confessions sont les principes qui animent Taha. «J’ai des employés de toutes ethnies et religions. Quand j’ai inauguré le premier entrepôt en 2016, j’ai fait venir des imams et des prêtres, en décembre j’en inaugurerai quatre autres», souligne-t-il.

À un certain moment de sa vie à Brescia, Taha s’est marié avec une Italienne, a commencé à travailler avec son beau-père et a appris à souder et à devenir menuisier. Maintenant, après le divorce, et doté des papiers nécessaires, il a lancé une petite entreprise qui est devenue une SARL en 2009. «Il y a eu la crise et j’ai investi, tout le monde m’a dit que je creusais ma propre tombe mais je sais qu’après la nuit vient toujours le jour», commente-t-il, et les chiffres lui donnent raison : depuis les 700 000 euros de chiffre d’affaires annuel des débuts, il y a eu une croissance continue des revenus qui atteignent aujourd’hui 25 millions d’euros annuellement.

Pari sur l’énergie des femmes

«Les femmes sont les piliers de mon entreprise, j’en ai 13 à la tête des départements, elles sont plus responsables et multitâches. C’est aussi pour cela que j’ai sponsorisé le SalinaDocFest, dont l’esprit est la rencontre des cultures, et qui a consacré l’édition de cette année au thème des femmes au-delà des frontières», explique Taha.

L’entrepreneur retire également les jeunes migrants de la rue pour les former au métier d’ouvrier. «Ceux qui viennent d’Afrique à cause de la faim sont obligés de commettre des délits, en l’absence d’opportunités», explique-t-il pour justifier son recours à des recrutements qu’il qualifie de «positifs», pour arracher les gens à la rue.

Sur la Tunisie et la migration, il se montre compréhensif et solidaire: «On s’attend à ce qu’un seul pays, qui est également dans une grave crise économique, fasse ce que l’Europe entière n’a pas réussi à faire. Et puis la Tunisie n’est qu’une porte, comme la Libye.»

En attendant le film sur sa vie qu’il évoque lui-même, l’homme d’affaires a repris ses études et devrait obtenir son diplôme de sciences politiques l’année prochaine. Et il ne fait aucun doute qu’il atteindra également cet objectif.

Traduit de l’italien.

Source : Ansamed.

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