FAQ : les élections locales en Tunisie

L’International foundation for electoral system (Fondation internationale pour les systèmes électoraux, Ifes) a publié sur son site web une Foire aux questions (FAQ) sur les élections locales en Tunisie prévues demain, dimanche 24 décembre 2023, dans une quasi-indifférence des électeurs, qui ont la tête ailleurs. Nous en publions la traduction ci-dessous.

Qui sera élu le jour du scrutin ?

La Constitution de 2022 ne mentionne pas les conseils locaux. Le président de la République tunisienne a signé le 8 mars 2023 le décret-loi portant création des conseils au niveau de la délégation («moutamdya») et définissant les modalités d’élection des membres. La Tunisie compte 279 délégations, dont chacune disposera désormais d’un conseil élu au suffrage direct. Cependant, les prérogatives et responsabilités des conseils ne sont pas connues. Ni la Constitution ni aucune loi ne précisent le mandat et les pouvoirs des conseils locaux, en quoi ils différeront des 350 conseils municipaux tunisiens, ou comment ils interagiront les uns avec les autres.

Les électeurs tunisiens éliront directement les membres des 279 conseils locaux pour un mandat de cinq ans. Chaque conseil local sera composé de membres élus directement par les citoyens. De plus, un membre du conseil représentant les personnes handicapées sera choisi par tirage au sort. Les ministères concernés nommeront également des membres sans droit de vote de chaque conseil local pour représenter les autorités locales.

Quand auront lieu les élections locales ?

Les électeurs tunisiens éliront les membres de 279 conseils locaux le 24 décembre 2023. Le même jour, la Commission électorale tirera au sort les personnes handicapées, auxquelles un nombre déterminé de sièges est réservé, pour siéger dans les conseils locaux.

Pourquoi ces élections sont-elles importantes ?

L’élection des conseils locaux est une étape cruciale vers l’élection indirecte du Conseil national des régions et des districts (CNRD), un nouvel organe créé par la Constitution de 2022 en tant que chambre haute du Parlement tunisien.

Une fois élu, chaque conseil local procédera à un tirage au sort pour désigner l’un de ses membres pour un siège au conseil de niveau supérieur au niveau régional (gouvernorat) pendant trois mois.

La rotation trimestrielle des membres des conseils régionaux n’aura pas d’impact sur la composition des conseils de niveau supérieur. Ensuite, chacun des 24 conseils régionaux élira parmi ses membres un représentant au conseil de district de niveau supérieur auquel il est territorialement rattaché.

Enfin, les 77 membres du CNRD seront élus au suffrage indirect : les membres des conseils régionaux et un représentant élu par ses pairs parmi les cinq conseils d’arrondissement éliront trois représentants (voir l’infographie ci-dessous).

Des conseils locaux au Conseil national des régions et des districts.

Quel est le cadre juridique applicable ?

La Constitution tunisienne, adoptée par référendum le 25 juillet 2022, ne comprend aucune règle spécifique pour les élections locales. Les règles applicables aux élections locales reposent principalement sur deux textes législatifs. Il s’agit du décret-loi n° 2023-10 du 8 mars 2023, de la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et au référendum, tels que modifiés et complétés par les textes ultérieurs et notamment par le décret-loi n° 2023-10 du 8 mars 2023, 2023-8 du 8 mars 2023 (dite Loi Électorale).

Le décret-loi n° 2023-10 réglemente l’élection des conseils locaux et la composition des conseils régionaux et des conseils d’arrondissement.

La Commission électorale a également publié un certain nombre de décisions réglementaires applicables aux élections municipales.

Qui est responsable de l’organisation de ces élections ?

L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) de Tunisie organise et supervise les élections et les référendums. Elle assume la responsabilité globale de l’intégrité et de la transparence du processus électoral.

L’Isie est composée d’un organe de décision (le conseil d’administration) et d(un organe exécutif (le secrétariat exécutif). Comme prévu par la modification de la loi Isie par le décret-loi n° 2022-22 du 21 avril 2022, le conseil d’administration est composé de sept membres, dont le président, que le président de la République nomme pour un mandat de quatre ans non renouvelable. Les sept membres du conseil d’administration de l’Isie sont nommés par décret présidentiel et sélectionnés comme suit :

– trois membres choisis parmi les membres des corps électoraux précédents ;

– un juge judiciaire ayant au moins 10 ans d’ancienneté, parmi trois candidats proposés par le Conseil de la Magistrature;

– un juge administratif ayant au moins 10 ans d’ancienneté, choisi parmi trois candidats proposés par le Conseil de la magistrature administrative;

– un juge financier ayant au moins 10 ans d’ancienneté, parmi trois candidats proposés par le Conseil judiciaire financier; et

– un ingénieur en sécurité informatique ayant au moins 10 ans d’ancienneté, choisi parmi trois candidats proposés par le Centre national de l’informatique.

Toutefois, la composition actuelle de l’Isie n’est pas conforme à l’article 134 de la Constitution de 2022. L’article 134 précise que l’Isie doit être composée de neuf membres indépendants, neutres, compétents et intègres qui exercent leur mission pour un mandat de six ans non renouvelable. Le conseil fonde ses décisions à la majorité des voix des membres présents; le président du conseil d’administration vote en cas d’égalité.

Le secrétariat exécutif est composé de plusieurs services qui gèrent toutes les questions administratives, financières et techniques sous l’autorité du président de l’Isie. Il est dirigé par un directeur exécutif nommé par le président du conseil d’administration et responsable devant celui-ci.

Les 27 administrations régionales permanentes de l’Isie sont dirigées par des directeurs régionaux et dépendent du secrétariat exécutif. Outre les administrations régionales, le conseil d’administration de l’Isie peut nommer des commissions électorales régionales (communément appelées Irie) pour chaque élection. Chaque Irie est composée de trois membres nommés par le conseil d’administration de l’Isie. Les Irie sont des organismes temporaires sans pouvoir de décision ni indépendance. Ils exercent des fonctions qui leur sont expressément déléguées par le conseil d’administration de l’Isie.

Les Irie et les administrations régionales jouent un rôle important dans les élections locales. Ils surveillent notamment l’inscription des électeurs et le contentieux des litiges liés à l’inscription ; validation des candidatures et gestion des litiges y afférents ; le contrôle de la campagne électorale et de son financement ; accréditation des représentants des candidats; et l’organisation du vote, du dépouillement et de la compilation des résultats.

Combien d’électeurs sont enregistrés ?

Depuis 2022, la Tunisie a adopté un processus d’enregistrement automatique. Tout électeur âgé de plus de 18 ans et ayant la capacité juridique de voter est automatiquement inscrit sur les listes électorales.

La liste préliminaire comprend 9 079 271 électeurs inscrits pour les élections locales, dont 30,8% de personnes de moins de 36 ans, 47,7% de 36 à 60 ans et 21,4% de plus de 60 ans. Les femmes représentent 51% des électeurs inscrits.

Comment les membres du conseil local seront-ils élus ou désignés ?

Les conseils locaux sont composés de trois types de membres : ceux élus directement, ceux tirés au sort et ceux nommés par les autorités de l’État.

Grâce à un système majoritaire à deux tours, les électeurs éliront dans des circonscriptions uninominales. En substance, 2 155 élections auront lieu dans toute la Tunisie le 24 décembre. Chaque circonscription électorale correspond à un secteur («imada»), l’échelon administratif le plus bas en Tunisie.

Les candidats doivent obtenir la majorité absolue pour être élus au premier tour. Si aucun candidat n’obtient la majorité des voix, un second tour est organisé entre les deux candidats arrivés en tête deux semaines après la proclamation des résultats définitifs du premier tour. S’il n’y a qu’un seul candidat, il sera élu quel que soit le nombre de voix reçues.

Le candidat qui obtiendra le plus grand nombre de voix dans chaque délégation présidera le conseil local en tant que président. Après les trois premiers mois, un nouveau président sera tiré au sort tous les trois mois.

Un siège par conseil local (279 au total) est réservé aux personnes handicapées, que la Commission électorale sélectionnera par tirage au sort le 24 décembre.

Un nombre indéfini de sièges sont réservés aux représentants locaux des ministères qui représenteront les autorités de l’État, comme par exemple les ministères de l’Agriculture, des Affaires sociales et de l’Education. Les ministères concernés nommeront ces membres sans droit de vote.

Qui participera à ces élections ?

Au total, 7 777 personnes se sont portées candidates auprès des commissions électorales régionales (Irie) pour concourir à ces élections.

Le 14 novembre 2023, l’Isie a publié une liste préliminaire de 7 216 candidats confirmés.

Le 28 novembre, après la phase contentieuse, le nombre final de candidats a été réduit à 7.205, dont 1.028 candidats aux sièges réservés aux personnes handicapées. Parmi ces candidats, 22,1% sont des personnes de moins de 36 ans et seulement 13,3%.

Quelles sont les règles qui régissent la campagne électorale et son financement ?

La campagne électorale comprend tous les efforts déployés par les candidats ou leurs partisans pour faire connaître le programme électoral et obtenir des votes. La campagne a débuté 22 jours avant les élections et se terminera 32 heures avant le début du scrutin.

Pour ces élections locales, la période de campagne a débuté le 2 décembre 2023 à minuit, et se poursuivra jusqu’au 22 décembre à minuit.

Pendant toute la période électorale, il est interdit aux candidats de faire de la publicité politique impliquant le recours au marketing commercial. Sont également interdits pendant cette période la publication des résultats de sondages d’opinion ou les commentaires sur des sondages directement ou indirectement liés aux élections.

Pendant la campagne, les candidats peuvent faire connaître leur programme par le biais de réunions publiques, de manifestations, de marches et de rassemblements, en en informant à l’avance l’Isie.

Les candidats ont également le droit de faire campagne sur les réseaux sociaux, mais uniquement sur leur propre compte et sans publicité payante. Les méthodes de campagne sont plus limitées pour les élections locales que pour les élections nationales. Par exemple, les messages de campagne sur les panneaux d’affichage sont interdits lors des élections locales, tout comme la publicité sur les voitures ou les bus.

La propagande électorale est interdite dans les écoles, les universités, les établissements de formation professionnelle et les lieux de culte. La distribution de documents ou d’activités de campagne dans les bâtiments de l’administration publique et dans les entreprises publiques est également interdite. Cette interdiction s’applique également aux entreprises privées qui ne sont pas ouvertes au public.

La loi interdit l’utilisation des ressources de l’État au profit de tout candidat. Depuis 2022, les financements publics ne sont plus accessibles aux candidats.

Les campagnes électorales sont exclusivement financées par l’autofinancement des candidats et par des financements privés. Le financement privé provient de dons individuels, même s’il n’y a pas de plafond à ces dons.

Le financement privé ne peut dépasser les quatre cinquièmes du plafond global des dépenses de campagne électorale.

Les plafonds de dépenses sont calculés en fonction du nombre d’électeurs par circonscription électorale. Les limites varient entre un minimum de 1 000 TND (environ 323 USD) et un maximum de 17 000 TND (environ 5 490 USD).

Les dons provenant de personnes morales (telles que des sociétés commerciales, des associations ou des syndicats), d’entités étrangères et de sources inconnues sont strictement interdits. Est également interdite toute forme de financement caché, comme les ressources publiques, ou le recours à des activités caritatives pour promouvoir un candidat.

Quelles sont les règles d’accès aux médias ?

Les candidats ont le droit de faire campagne via les médias nationaux et électroniques. Si le principe d’égalité est établi en matière de couverture médiatique, il ne peut être respecté dans la pratique en raison du nombre de candidats.

La Télévision tunisienne d’État a organisé un tirage au sort pour sélectionner les candidats qui participent aux débats, ceux qui ont droit à un temps d’antenne gratuit et ceux dont les activités de campagne bénéficient d’une couverture médiatique. Seul un nombre limité de candidats ont accès aux différents programmes télévisés.

Où et quand les électeurs voteront-ils ?

Pour les élections locales du 24 décembre, l’Isie ouvrira 4 685 centres de vote, chacun comportant au moins un bureau de vote. Au total, 8 190 bureaux de vote seront disponibles pour voter.

Chaque entre aura un président et deux membres. Environ 34 384 agents électoraux seront également présents.

Le dépouillement aura lieu dans les bureaux de vote immédiatement après la clôture du vote et en présence d’observateurs et de représentants des candidats.

Le vote débutera à 8 heures et se terminera à 18 heures. A l’issue du dépouillement, une copie du procès-verbal du dépouillement sera affichée à l’extérieur du bureau de vote et publiée sur le site Internet de l’Isie. Les observateurs ne recevront pas de copies.

Quand les résultats définitifs seront-ils annoncés ?

La commission électorale doit annoncer les résultats préliminaires des premiers tours au plus tard le 27 décembre 2023. Le même jour, l’Isie annonce les résultats du tirage au sort des sièges réservés.

Une fois terminé le contentieux des contestations sur les résultats préliminaires, la commission dispose d’un délai de 48 heures pour annoncer les résultats définitifs, mais au plus tard le 27 janvier 2024. Le même jour, l’Isie annonce la date du second tour dans les circonscriptions où aucun candidat n’a obtenu plus de 50% pour cent des voix au premier tour.

Traduit de l’anglais.  

Source : Ifes.

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