La guerre contre Gaza où la faillite morale d’un Occident en perte de repères

Pourquoi l’Occident continue-t-il à manifester son soutien indéfectible à l’Etat hébreu et donner crédit à ses décisionnaires haineux et sanguinaires, alors qu’il est vent debout contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine? Une attitude qui illustre à merveille la politique de deux poids deux mesures qu’il lance à la face du monde.

Par Adel Zouaoui *

S’il existe une vérité dont il faut toujours se rappeler, c’est celle de la cruauté qui, quand elle atteint ses limites, se retourne sans pitié contre ses propres auteurs. Les exemples sont légion dans l’histoire de l’humanité. Adolph Hitler, en Allemagne, de 1933 à 1945, en a vécu l’expérience. Après avoir perpétré le génocide des juifs d’Europe et après avoir mené son pays vers le déluge, il finit par se suicider. Un peu plus loin dans l’histoire, Néron, le cinquième empereur romain (de 54 à 68 ap. J.-C.), fut victime de sa propre extravagance et cruauté, il se donna la mort après avoir incendié sa propre ville, Rome. Le déchainement sans relâche de l’armée israélienne sur la population sans défense de Gaza pourrait être une énième illustration de l’égarement des hommes pris dans les rets de leur propre folie meurtrière.

Une guerre on ne peut plus injuste

La guerre qu’Israël livre contre Gaza est bien sale. Depuis le 7 octobre 2023, nous assistons à ses affres comme dans un vulgaire film d’épouvante. Des images d’une horreur inouïe d’enfants, de femmes et de personnes âgées, les visages ensanglantés, d’immeubles éventrés, de corps déchiquetés, de regards hagards et apeurés…

Face à ce drame humain, la majorité des gouvernements arabes demeurent ébaubis de stupeur. Ils observent l’innommable horreur sans piper mot, comme anesthésiés. Quand ils ne lui tournent pas le dos pour se laisser distraire par les fastes de festivals de musique ou de matchs de foot organisés à coup de milliers de dollars.

Quant à l’Occident, quand il réagit c’est pour défendre honteusement le déluge des bombes qui s’abat inhumainement sur une population fragile et laisser à l’abandon.

Ne rien dire, ne rien voir, ne rien entendre

L’Occident juge, préjuge et accuse à tout va. Il refuse, par ailleurs, de dessiller les yeux sur les vraies raisons qui ont amené à l’attaque du 7 octobre par le Hamas. C’est comme si les montagnes de connaissances ayant trait à la psychologie et à la sociologie n’ont servi à rien pour l’aider à discerner ce drame qui dure aujourd’hui plus que soixante-quinze ans.

Il va sans dire que tout acte terroriste, quel qu’il soit et d’où il vient est injustifiable, à plus d’un titre. Par conséquent, l’agression de Hamas perpétrée contre des civils israéliens est on ne peut plus condamnable. 

Mais faut-il encore avoir le courage et l’honnêteté morale et intellectuelle pour remonter aux origines du mal, à ses racines lointaines afin d’apporter un éclairage objectif sur ce qui s’est passé à cette funeste date du 7 octobre. Rappelons-le, même pour ceux qui feignent ne rien voir et ne rien n’entendre, que Gaza, d’où cette agression est partie, est une enclave palestinienne, pareille à une prison à ciel-ouvert. Une prison où deux millions et demi de Palestiniens sont entassés sur un territoire long d’à peine 45 km. Lequel territoire est, de surcroit, sous blocus israélien depuis 2007.

Par conséquent, dans cette étroite langue de terre, les conditions de vie sont extrêmement difficiles. Près de 6 Gazaouis sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté. Près de la moitié de la population active est au chômage. L’électricité n’est disponible qu’à moitié du temps. L’accès à l’eau potable n’est pas régulier. L’accès au soin est limité. Eu égard aux conditions de vie catastrophiques, un tiers d’habitants souffre de troubles mentaux.

Imaginons, autant que faire se peut, des jeunes Palestiniens dans cet enfer d’isolement et d’exclusion. Ils sont privés de rêver comme leurs semblables ailleurs dans n’importe quelle autre partie du monde. Ils sont condamnés à naître, à vivre et à mourir dans ce bout de terre, où tout manque jusqu’à leur propre dignité humaine.

Forcés dans leurs derniers retranchements, ils ne leur restent plus, pour se faire entendre, que la vengeance et la colère noire contre à la fois l’inadmissible injustice d’un Etat sioniste sans foi ni loi et le silence complice d’une communauté internationale sourde et muette à leurs malheurs.

La haine n’appellera-t-elle pas la haine? Si terrorisme y a été commis, ce jour du 7 octobre, c’est tout simplement parce que toutes les conditions y étaient réunies. Pourquoi alors s’en étonne-ton outre mesure? Nul besoin d’être devin pour comprendre que la frustration et le désespoir conduiraient à plus forte raison à des agissements violents et irraisonnés.

Et pourtant, la solution à ce drame humain est bien à portée de main. Elle est dans le recouvrement total par les Palestiniens de leurs territoires occupés depuis 1967, tel que décidé par les Nations Unies.

L’indéfectible soutien aveugle à l’infamie

Pourquoi donc l’Occident continue-t-il à manifester son soutien indéfectible à l’Etat hébreu et donner crédit à ses décisionnaires haineux et sanguinaires, alors qu’il est vent debout contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine? Une attitude qui illustre à merveille la politique de deux poids deux mesures qu’il lance à la face du monde.

Pire encore certaines voix n’hésitent pas à se rendre ridicule quand elles pérorent honteusement que l’armée du Tsahal est l’une des armées les plus morales au monde. L’argument qu’elles avancent outrageusement est celui des mesures précautionneuses prises par cette armée à l’égard des civils gazaouis, celles de les avoir avertis, avant de lancer sa contre-offensive, de quitter la ville de Gaza et d’aller se réfugier dans le sud. Comment ose-t-on tenir de pareilles monstruosités? C’est comme si on avait demandé à Paris, Londres ou New York de se vider de ses populations en quelques jours. Le comble de l’indécence.   

Le glissement vers l’abîme

Selon l’Onu, 27 585 Palestiniens, dont plus de 5 350 enfants et au moins 3 250 femmes, seraient décédés. Près de 66 978 auraient été blessées dont 10 787 enfants. Plus de 17 000 enfants sont séparés de leurs parents. Des milliers d’autres sont portés disparus. L’Etat hébreu ne réplique pas, il se venge sauvagement, sans tenir compte du principe de proportionnalité. Parallèlement, profitant de la débâcle de la guerre, Netanyahu fait d’une pierre deux coups. Il encourage de nouvelles vagues de colonisation en Cisjordanie 

Et comme si cela ne suffit pas, les défenseurs de l’Etat hébreu,  en l’occurrence les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France décident, aléatoirement, de suspendre leur aide à l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens. Désormais, on ne versera plus de fonds dont deux millions de civils à Gaza dépendent pour leur approvisionnement en eau potable, en nourriture et soins de santé. Et pour cause, une présumé et improbable implication d’employés de cette agence dans l’attaque du 7 octobre. Autant dire que la situation humanitaire à Gaza, déjà catastrophique, risque d’empirer encore plus. 

Et pour ne rien arranger, happés par la spirale de la haine vengeresse et assoiffés de plus de sang, Netanyahu et ses sbires menacent aujourd’hui d’invasion militaire Rafah, ville dans le sud de Gaza frontalière avec l’Egypte où plus d’un million de réfugiés en fuite se sont installés ces derniers mois.

Comble de la folie humaine, si Rafah est attaqué où peuvent donc fuir les Palestiniens? Au sud, la frontière égyptienne reste verrouillée; à l’est et au nord, les forces de Tsahal pilonnent; à l’ouest, c’est la Méditerranée. 

Le seul crime des Palestiniens serait-il enfin de compte celui d’être nés Palestiniens?

Pour conclure, malgré toute sa puissance technologique et tout le soutien des Occidentaux dont il se prévaut, l’Etat hébreu portera à jamais les marques d’une indélébile souillure aux relents putrides de la honte et de la vilenie. Quant aux Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Allemagne et la France, pour ne citer que ces pays-là, ils ne seront pas épargnés par l’histoire. Celle-ci témoignera de leur faillite morale et intellectuelle, et surtout de leur non-assistance à une nation en danger.

* Ancien fonctionnaire du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.

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