Autrefois surnommée «Tounes El-Khadra» (Tunisie verte), notre pays est confronté à sa quatrième année de sécheresse, à une grave pénurie d’eau et une crise alimentaire.
Par Basma El Atti
En plein ramadan, les Tunisiens craignent une aggravation de la pénurie alimentaire actuelle dans le pays alors que l’État peine à remplir les rayons des supermarchés et à contrôler la flambée des prix des produits de première nécessité.
«Le ramadan était autrefois un mois de célébration. Aujourd’hui, c’est une période de stress pour les Tunisiens. Serons-nous capables de trouver et d’acheter de la nourriture ? Dieu seul le sait», a déclaré Khalifa, un jeune enseignant tunisien.
Le mois sacré musulman du ramadan – qui a commencé le lundi 11 mars – est une célébration religieuse et sociale dans toute la région qui s’accompagne généralement d’une consommation accrue, laquelle augmente pendant ramadan de 34%, selon l’Institut national de la consommation (INC)
Cette année, l’État a du mal à répondre aux besoins alimentaires de ses 12 millions d’habitants. Le lait, les céréales et la viande rouge sont les produits essentiels qui manquent à des prix abordables sur le marché tunisien.
Autrefois surnommé «Tounes El-Khadra» («Tunisie verte»), ce pays d’Afrique du Nord connaît aujourd’hui sa quatrième année de sécheresse, et est aux prises avec la pire pénurie d’eau et la pire crise agricole depuis des années. Selon le World Resources Institute, la Tunisie est le 33e pays le plus touché par le stress hydrique.
Crise agricole et hausse des prix
Parallèlement à la sécheresse intense et à la baisse des rendements agricoles, une inflation élevée rend plus difficile l’achat des produits alimentaires, même lorsqu’ils sont disponibles sur les étagères des marchés.
En février, l’inflation a légèrement diminué, passant à 7,5% contre 7,8% un mois auparavant. Toutefois, cette baisse n’a pas entraîné une baisse des prix. Au contraire, on s’attend à ce que ce taux augmente à nouveau en mars et avril avec la hausse de la consommation pendant le ramadan.
Sur les marchés, les Tunisiens remplacent leur besoin en viande d’agneau (45 dinars le kilo, soit 14,5 dollars américains) par de la viande de cheval (14 dinars, 4,50 dollars américains), une option plus abordable dans un pays où le salaire minimum est inférieur à 150 dollars américains.
Pendant ce temps, les fruits de mer sont devenus un luxe dans ce pays méditerranéen. «Maintenant, les Tunisiens vont au marché aux poissons uniquement pour regarder; ils ne peuvent pas se permettre la plupart des choses là-bas», a déclaré Salma, mère de deux enfants. Comme beaucoup de Tunisiens, Salma a déclaré qu’elle devrait supprimer le poisson de ses recettes du ramadan, car les prix des produits de la mer ont culminé à plus de 80 dinars (25 dollars américains).
Par ailleurs, l’Organisation tunisienne d’orientation du consommateur (Otoc) a anticipé une nouvelle hausse des prix des légumes et des céréales pendant le ramadan, la fête religieuse coïncidant avec l’intersaison agricole. Selon Taoufik Riahi, président de l’Otoc, «le coût quotidien d’un panier typique du ramadan dépasserait les 50 dinars (16 dollars américains).»
La spéculation n’explique pas tout
Le président Kaïs Saïed a accusé des «parties connus» d’aggraver la pénurie alimentaire du pays au cours des deux dernières années. En conséquence, les pages Facebook officielles du gouvernement partagent quotidiennement des photos de la répression contre les prétendus «spéculateurs et monopolisateurs égoïstes» qui retiennent des produits des marchés pour les revendre plus tard à des prix gonflés.
Saïed a également promulgué un décret-loi qui condamne de 10 à 30 ans de prison ceux qui spéculent sur des produits subventionnés par l’État, comme la farine. Le décret sanctionne également la diffusion de «fausses informations sur la pénurie alimentaire». Amnesty International a dénoncé la loi Saïed comme une atteinte à la liberté d’expression des Tunisiens.
Cependant, la répression du gouvernement n’a jusqu’à présent pas réussi à résoudre le problème, qui, selon les économistes, n’a pas grand-chose à voir avec les spéculateurs et beaucoup à voir avec l’échec de Saïed à négocier un plan de sauvetage international.
Les experts économiques affirment que les pénuries, qui ont touché principalement les produits subventionnés, sont principalement causées par une crise des finances publiques.
Le FMI a conclu un accord de financement avec la Tunisie en 2022, mais le président Saïed a ensuite qualifié les réformes recommandées de «diktats étrangers» qui appauvriraient les Tunisiens. En octobre dernier, Saïed a limogé son ministre de l’Economie et du Plan, l’un des plus ardents défenseurs du programme de sauvetage.
Traduit de l’anglais.
Source : The New Arab.
Donnez votre avis