La visite du président Kaïs Saïed en Chine pour participer au 10e Forum sino-arabe marque un tournant significatif dans les relations sino-tunisiennes, signalant une relance prometteuse de ces liens. (Illustration: Kaïs Saïed à son départ, mardi, de Tunis, en route pour Pékin).
Leith Lakhoua *
Cette visite, riche en implications diplomatiques et économiques, marque un changement d’orientation stratégique de la Tunisie, qui se détourne progressivement de l’Occident et de son ancien colonisateur pour se tourner vers un nouveau partenaire de poids et en plein essor, la Chine, en passe de devenir la première économie mondiale. Cette évolution pourrait même culminer avec une adhésion souhaitée de la Tunisie aux Brics, malgré les pressions exercées par les États-Unis et la France pour empêcher une telle orientation. Et quand bien même notre pays ne présente pas encore, aux yeux des Etats membres de ce groupement, le poids économique nécessaire à une telle adhésion.
Les relations entre la Tunisie et la Chine se sont intensifiées ces dernières années, avec une série de projets d’envergure confiés à des entreprises chinoises. Parmi ces projets, on peut citer la construction du pont de Bizerte, la réalisation de la laverie de phosphate d’Oum Lakhcheb, et le réaménagement du stade d’El-Menzah. Ces initiatives illustrent la confiance croissante de la Tunisie envers son partenaire asiatique.
Se tourner vers là où réside l’intérêt national
En outre, des projets encore plus stratégiques sont en cours, comme la construction du nouveau port en eau profonde à Enfidha et l’exploitation du phosphate de Sra Ouertane. Ces projets, qui pourraient intéresser les Chinois, sont particulièrement surveillés par les partenaires traditionnels occidentaux de la Tunisie, qui exercent des pressions pour influencer les choix de Tunis.
Pour notre pays, le renforcement des liens avec la Chine repose sur une philosophie claire : il s’agit de se tourner vers là où réside l’intérêt national. La coopération sino-tunisienne est perçue comme une opportunité pour accélérer le développement économique et améliorer les infrastructures du pays, indépendamment des préoccupations ou des objections des partenaires économiques traditionnels de la Tunisie.
Cependant, cette réorientation stratégique n’est pas sans défis. La Tunisie doit naviguer prudemment entre les aspirations de divers partenaires internationaux et ses propres intérêts nationaux. La pression exercée par les États-Unis et la France démontre les difficultés que ce rééquilibrage des alliances pourrait nous poser.
Nouer de nouveaux partenariats utiles
Quoi qu’il en soit, les relations sino-tunisiennes semblent entrer dans une nouvelle ère de coopération étroite, marquée par des projets ambitieux et à portée stratégique. La participation du président Kaïs Saïed au Forum sino-arabe est un indicateur clair de cette dynamique en cours.
Pour la Tunisie, l’objectif est clair : se débarrasser du corps-à-corps harassant avec les partenaires traditionnels occidentaux et nouer de nouveaux partenariats qui serviront au mieux ses intérêts nationaux, même si cela implique, forcément, de marquer une distance vis-à-vis de ses alliés traditionnels.
Elle devra aussi œuvrer, parallèlement, à rééquilibrer ses relations commerciales avec la Chine qui constitue, depuis de nombreuses années, et de très loin, le premier déficit commercial de notre pays : la Chine nous vend beaucoup, et nous achète si peu.
* Consultant en logistique et organisation industrielle.