L’avenir de la Syrie reste incertain à l’heure où le pays est confronté au défi de rapatrier des millions de réfugiés après presque quinze années de guerre sanglante et destructrice. (Photo : Des réfugiées syriennes suivent un cours sur les bases des soins infirmiers à Sidon, au Liban.)
Imed Bahri
On compte plus de six millions de réfugiés syriens à l’étranger et sept millions de déplacés internes. Le retour des Syriens chez eux et leur réintégration est le principal défi du pays mais pour qu’il soit relevé, tous les protagonistes locaux et internationaux doivent agir conjointement et optimiser le facteur temps qui est décisif et peut affecter la situation dans un sens ou un autre.
Une enquête du magazine britannique Foreign Affairs rédigée par Jesse Marks de Refugees International et Hazem Rihawi de la Défense civile syrienne évoque les détails de ce dilemme et indique que de nombreux Syriens sont déjà rentrés espérant réunir leurs familles et reconstruire leur patrie compte tenu surtout des difficultés économiques dans les pays d’accueil. Les auteurs proposent également une vision reposant sur plusieurs protagonistes pour que le retour des Syriens puisse aboutir avec succès.
À la fin de l’année 2024, près de 500 000 réfugiés seront rentrés dont 350 000 qui étaient au Liban et qui ont fui l’invasion israélienne, 125 000 autres ont suivi début 2025. D’autres devraient revenir soit volontairement soit en raison de leur expulsion des pays d’accueil confrontés à des pressions économiques et politiques indique Foreign Affairs.
Mettre un terme aux expulsions forcées dans les pays d’accueil
Toutefois le problème, selon le magazine, réside dans le fait que la plupart des rapatriés ne trouveront pas d’endroit où retourner. Des quartiers entiers dans des villes comme Alep et Raqqa ont été détruits par les bombardements du régime déchu, l’économie a chuté de 80% et les services de base comme les soins de santé, l’électricité et l’eau potable font cruellement défaut.
Le rapport ajoute que le chômage généralisé et l’inflation galopante ont conduit à un taux de pauvreté de 90%, et que le manque d’infrastructures de base dans le pays, y compris des écoles et des institutions, pourrait compliquer la possibilité d’une réintégration massive des personnes qui retournent chez eux.
Pire, de nombreuses personnes ont trouvé leurs maisons occupées, détruites ou habitées, ce qui peut entraîner des conflits fonciers et de nouveaux troubles aggravant ainsi la situation fragile en Syrie.
Jesse Marks et Hazem Rihawi appellent à un programme coordonné de retour des réfugiés impliquant le gouvernement intérimaire syrien, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) relevant des Nations unies et les pays voisins comme la Turquie, l’Égypte, le Liban et la Jordanie, une approche qui s’est avérée fructueuse en Afghanistan et en Irak. Un tel cadre protégerait les rapatriés, résoudrait les conflits de propriété et intégrerait les Syriens dans le processus de reconstruction de leur pays.
Ils ajoutent également que les pays d’accueil devraient mettre un terme aux expulsions forcées et permettre aux agences de l’Onu de superviser le retour volontaire des Syriens dans leur pays d’origine et leur donner la possibilité de retourner dans le pays d’accueil s’ils estiment que les conditions sont toujours invivables.
A cet égard, Foreign Affairs indique que la communauté internationale et le HCR devraient encourager les pays à remplir ces obligations en liant l’aide humanitaire qu’ils reçoivent au respect du plan de retour des réfugiés. Les auteurs mentionnent le programme d’aide fourni par l’Union européenne au Liban en 2024 ainsi que l’aide humanitaire que la Jordanie reçoit chaque année des États-Unis dont le montant est de 1,2 milliard de dollars.
Abandonner les doutes sur le nouveau pouvoir
Les auteurs soulignent également la nécessité de financer le plan qu’ils proposent notant que les Nations Unies et les donateurs internationaux, y compris les États du Golfe, devraient fournir des incitations financières pour assurer un retour sûr et progressif.
La gestion de cette crise nécessite de reconstruire les institutions syriennes pour fournir des services ainsi que des efforts de médiation dans les conflits et de ce fait, les organisations de la société civile, qui ont joué un rôle crucial en fournissant de l’aide tout au long de la guerre, doivent continuer à soutenir les efforts de réintégration des populations qui retournent chez elles.
Les auteurs appellent à la nécessité d’abandonner les doutes internationaux sur le nouveau pouvoir en Syrie pour que le plan de retour des réfugiés réussisse sinon il existe un risque d’un autre conflit menaçant la vie des Syriens.
Si la fenêtre d’opportunité qui s’ouvre actuellement pour reconstruire la Syrie sans nouveau conflit se referme, le coût de l’inaction sera très élevé et affectera les Syriens ainsi que les pays voisins pendant des générations. Le facteur temps est déterminant et décisif, avertissent-ils.
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