Avec ‘‘Et si on rentrait au bled en train ?’’ (Gallimard, Paris, mai 2025, 144 pages), Nassira El Moaddem, journaliste française d’origine marocaine, signe un récit aussi bref que dense, aussi personnel qu’universel. Loin des récits de voyage formatés, son texte propose une alternative simple, mais radicale dans son époque : ralentir. Prendre le train pour rejoindre le Maroc depuis la France. Prendre le temps de traverser. De regarder. De transmettre.
Djamal Guettala
L’été 2022, la journaliste décide d’embarquer mari et enfants dans une traversée ferroviaire entre Paris et Tanger, en passant par Barcelone, Cordoue, Cadix. Pas par goût de l’exotisme inversé, ni pour satisfaire à une posture écologique à la mode, mais pour renouer avec une autre idée du voyage. Le bled ne se rejoint plus en survolant le réel, mais en l’habitant, pleinement.
L’Espagne, souvent traversée sans pause par les familles maghrébines en route vers le sud, devient ici une terre à arpenter, à regarder autrement. On y mange, on s’y perd, on s’y souvient. Chaque escale est un moment vécu, pas un simple arrêt.
L’écriture est simple, épurée, sans effets. Elle épouse le rythme du voyage : lente, attentive, parfois traversée par la fatigue ou le silence.
Une autre manière de voyager
Ce n’est pas un livre de slogans, mais il est traversé par une conscience politique forte. Celle d’une enfant de l’émigration qui connaît le prix des déplacements, la charge des retours, la complexité de la transmission. Elle évoque les valises trop lourdes, les banquettes brûlantes, les douanes anxiogènes, les souvenirs qui collent à la peau. Et dans tout cela, la volonté de montrer à ses enfants qu’il existe une autre manière de voyager, de revenir, de dire : «voilà d’où l’on vient».
Ce livre n’a rien d’un manifeste théorique. Il est fait de gestes concrets, de souvenirs familiers, de regards posés là où d’ordinaire on passe trop vite.
Ce que Nassira El Moaddem offre, ce n’est pas un guide, mais un chemin. Celui d’un retour au bled qui ne nie ni les frontières, ni la complexité, mais qui fait le pari du lien. Et ce pari-là, discret mais tenace, mérite d’être lu, partagé, transmis.
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