Pour l’instant, le débat autour de l’élection présidentielle du 6 octobre prochain se réduit à des récriminations mettant en doute la neutralité de l’administration, accusée d’avoir déjà choisi son candidat. La liste des candidats potentiels se réduit comme peau de chagrin et l’intérêt du public commence à s’amenuiser, le président sortant ne semblant pas avoir de concurrent en face de lui.
Latif Belhedi
En attendant l’annonce ce samedi 10 août 2024 par la commission électorale de la liste préliminaire des candidats potentiels à l’élection présidentielle du 6 octobre prochain, force est de constater que sur les 17 candidats ayant soumis leurs dossiers beaucoup ne sont plus en lice pour diverses raisons.
La liste des candidats se réduit comme peau de chagrin, chaque jour apportant son lot de poursuites judicaires intentées contre certains d’entre et de désistements d’autres. Hier, vendredi 9 août, Safi Saïd a annoncé qu’il se retire de la compétition pour ne pas participer à une mauvaise pièce de théâtre et à un one man show, a-t-il expliqué, faisant allusion au président sortant et candidat à sa succession, Kaïs Saïed. En fait, le journaliste et écrivain n’a pas pu se faire délivrer par les autorités le fameux bulletin n°3 relatif aux antécédents judiciaires, y voyant une volonté de l’exclure. Il n’a pas non plus réussi à réunir les 10 000 parrainages populaires exigés.
Retraits, désistements, obstacles
L’amiral Kamel Akrout, ancien conseiller chargé de la sécurité nationale sous la présidence de feu Béji Caïd Essebsi, s’était retiré lui aussi de la course pour les mêmes raisons. Il a annoncé hier via les réseaux sociaux qu’il a rejoint Dubaï où il va poursuivre sa nouvelle vocation d’enseignant et de conférencier pour le compte d’académies militaires internationales, estimant que des obstacles ont été délibérément mis sur son chemin par les autorités pour l’exclure de la course : notamment le refus de lui délivrer le fameux bulletin n°3 au prétexte que la case profession sur sa carte d’identité n’a pas été actualisée après sa retraite de l’armée nationale, explique-t-il. «Le ministère de l’Intérieur sait pourtant que mon nouveau passeport mentionne clairement ma profession actuelle», dit-il.
Autre désistement annoncé, celui du journaliste Nizar Chaâri, poursuivi en justice, ainsi que certains membres de sa campagne, accusés de manipulation des parrainages publics.
L’administration sur le banc des accusés
Certes, Imed Daïmi, l’ancien conseiller du président par intérim Moncef Marzouki, Abdellatif Mekki, l’ancien ministre de la Santé dans le gouvernement du Nahdhaoui Hamadi Jebali, et Mondher Zenaidi, l’ancien ministre (Commerce, Tourisme et Santé) sous Ben Ali, ont annoncé avoir complété vendredi soir leurs dossiers par les parrainages manquants. Mais il y a peu de chance de voir leurs noms figurer dans la liste finale des candidats à la présidentielle pour diverses raisons. Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL) incarcérée depuis le 3 octobre 2023 et condamnée à des peines de prison, est encore officiellement en lice, mais personne ne se fait d’illusion sur ses chances de voir sa candidature retenue.
Bref, toutes ces personnalités politiques savent qu’elles ne passeront pas, mais elles font comme si…, comme pour mettre à l’épreuve la commission électorale et le régime mis en place par le président sortant le 25 juillet 2021, date de la proclamation de l’état d’exception.
Reste qu’avec tous les désistements déjà annoncés, ou ceux qui ne tarderont pas à l’être, le prochain rendez-vous électoral risque de perdre de son intérêt au regard d’une partie des électeurs qui souhaitent de véritables joutes électorales opposant des personnalités de poids et des programmes crédibles. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, le débat électoral se réduisant à des récriminations mettant en doute la neutralité de l’administration, accusée d’avoir déjà choisi son candidat.