Tant que nos jeunes seront tentés par l’émigration et que les cités persisteront à se vider progressivement de leurs habitants pour devenir des cités mortes, il sera vain de parler de plan quinquennal de développement, d’autorité publique et même d’Etat de droit. (Ph. Avenue Hedi Nouira à la cité Ennasr : cherchez le trottoir !).
Elyes Kasri *

Tant que certaines communes tunisiennes auront pour modèle le Far West américain, il ne faudra pas s’étonner de l’exacerbation de la tentation migratoire et de toute renonciation à un avenir devenu synonyme de régression et de dégradation du cadre et de la qualité de la vie.
Tant que l’impunité règnera sur les empiètements sur les espaces piétons et que les communes tunisiennes feront preuve de complaisance ou de mercantilisation des droits des piétons, les cités tunisiennes comme El Menzah et Ennasr dans le gouvernorat de l’Ariana, jadis considérées huppées et destinations prisées, persisteront à se vider progressivement de leurs habitants pour devenir des cités mortes.
L’absence d’espaces piétons
Les habitants et les clients potentiels fuiront ces cités sauvages ou règne, à l’image du Far West américain, le plus arrogant et le bras le plus long au détriment des habitants toutes catégories confondues, allant des jeunes écoliers et lycéens qui voient de leurs propres yeux l’impunité et l’exacerbation des transgressions de la loi et d’autre part les personnes âgées dont la proportion est en croissance rapide et qui, outre une inflation galopante et l’effondrement de leur pouvoir d’achat, se trouvent pénalisées par l’absence d’espaces piétons au vu et au su de tout le monde et dans une impunité qui suscite autant de questions que d’impressions d’empiètement systématique des droits, de non-Etat et d’absence de dignité au crépuscule de leur vie.
Le malaise social
A titre d’illustration, à Ennasr, la banlieue jadis considérée huppée et modèle urbanistique de la Tunisie de demain et surtout sur son avenue Hédi Nouira, la plus grande du pays, tant que les galeries piétonnes et les trottoirs ne seront pas libérés du hooliganisme des gargotes, cafés et autres locaux sordides et polluants de chicha dont les charbons ardents sont placés sur le trottoir et entre les voitures, il sera vain de parler de plan quinquennal de développement, d’autorité publique et même d’Etat de droit.
On peut toujours philosopher et couper les cheveux en quatre sur les causes du malaise social en Tunisie et de l’attrait de plus en plus grand soit de l’individualisme loin de tout engagement matrimonial ou parental ou bien de l’exode à l’étranger a la recherche d’horizons plus cléments et plus auspicieux, la situation ne fera qu’empirer si la loi n’est pas appliquée et les communes ne prennent pas leurs responsabilités suffisamment au sérieux au lieu des séances de prises de photos hollywoodiennes pour des actions futiles qui ont perdu tout sens et toute crédibilité aux yeux de nombreux citoyens.
L’impuissance publique
Loin de toute impuissance ou complaisance ou attrait de quelques taxes municipales, très souvent impayées, il faudra consacrer dans les faits et la pratique le principe d’inaliénabilité des espaces piétons et réprimer sans hésitation ou autre considération tout empiètement, concession ou complaisance surtout en cas de suspicion avérée d’abus de pouvoir.
Il est temps de faire revenir l’habitant au cœur des priorités et responsabilités des communes si l’on veut enrayer la tentation migratoire et tout symptôme de renonciation à l’avenir et la crainte de faire subir à ses enfants un calvaire de plus en plus insupportable.
Il est tout à fait normal qu’en l’état actuel tragique des choses, de moins en moins d’adultes voudront être possiblement maudits par leurs enfants qui pourraient un jour s’exclamer à l’instar d’Al Maârri:
«هذا ما جناه أبي عليً وما جنيت على أحد» – («C’est ce que mon père m’a infligé, que je n’ai infligé à personne».)
* Ancien ambassadeur.
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