Fête de la femme, le 13 août 2018, au Palais de Carthage.
Laissons de côté les faux problèmes et occupons-nous des fléaux qui menacent notre société et retardent notre marche vers le développement, et travaillons à protéger notre pays des maux qui peuvent l’amener, encore une fois, à perdre sa liberté et son indépendance.
Par Amor Cherni *
Il est, paraît-il, des montagnes qui, coincés entre mer et désert, entre abondance et rareté, n’accouchent au bout d’un long et douloureux travail, que de petits mammifères, plutôt nuisibles qu’utiles. On les rencontre dans des pays arides, brûlés par le soleil et battus par le redoutable «chehili», ailleurs appelé harmattan.
Une problématique artificielle, inventée de toute pièce
Les habitants de ces pays, suffoquant sous la chaleur, étranglés par la dette extérieure et intérieure, en proie aux manœuvres et aux traîtrises de leurs classes dirigeantes, se mettent à rêver de miracles et à se régaler d’illusions.
Ces pays-là et leurs habitants semblent bien nous ressembler, à nous et à notre chère patrie. N’est-ce pas, en effet, que nous vivons, depuis un an au moins, sur l’illusion d’une bataille menée tambour battant, toutes forces mobilisées, autour d’une problématique artificielle, inventée de toute pièce et qui n’intéresse, somme toute, qu’une très infime minorité de nantis, lesquels d’ailleurs n’avaient besoin d’aucune nouvelle législation pour transmettre leurs biens à leur progéniture.
Quant à l’écrasante majorité des Tunisiens, ils n’avaient aucun souci quant à la transmission à la leur, de leur pauvreté et de leur misère, au simple ou au double, en entier ou à moitié.
Pourquoi donc cette mauvaise campagne dont notre pays n’avaient nullement besoin et qui a pourtant fait couler beaucoup d’encre, suscité des haines et des tensions entre le camp dit de la modernité et de la lumière et celui dit de la tradition et des ténèbres?
Ne s’agit-il pas d’une vaste manœuvre en vue des élections de 2019, tout à fait semblable à celle que nous avons connue à la veille de celle de 2014? N’est-ce pas là une autre tentative de semer les illusions salvatrices pour certains, afin de récupérer un électorat perdu, après d’amères regrets concernant le bien nuisible «vote utile»?
Comme à la veille des élections de 2014, les deux camps censés être majoritaires dans la société tunisienne se sont mis à afficher leurs fausses divergences, alors qu’ils sont intimement liés par le même programme politique et économique de soumission à l’étranger et de pillage des richesses de notre pays, pour mobiliser leurs partisans et enrôler des masses bernées par leur vacarme trompeur.
Ils se retrouveront demain main dans la main
Nul n’est besoin d’être un grand thaumaturge pour savoir avec toute certitude que si la manœuvre leur réussit, comme elle leur a réussi en 2014, ils se retrouveront au lendemain des élections de 2019, comme jadis, la main dans la main, pour continuer à se partager les richesses d’un peuple qu’ils n’ont fait qu’appauvrir.
Dans sa sagesse populaire, le Front Populaire semble s’être tenu à l’écart de cette fausse bataille qui ne fait qu’en cacher d’autres, les vraies. Non qu’il manque d’idées à ce sujet, mais parce qu’il considère que, pour les Tunisiens, l’essentiel est ailleurs.
Le Parti des Travailleurs, entre autres, s’est fendu d’un long communiqué à ce propos, avançant une véritable analyse philosophique concernant la question des libertés individuelles et publiques, ainsi que celle de l’égalité entre les hommes, indépendamment de leurs différences de sexe, de couleur, ou de confession – principes de la Révolution française et de la République, qui ont animé et continuent à animer tout mouvement révolutionnaire et à lier tout le peuple de gauche.
Il est important et urgent aujourd’hui de travailler à réorganiser le paysage politique et médiatique de notre pays pour sortir de cette antinomie stérile et insoluble entre croyance et incroyance, que certains n’hésiteraient pas à mettre sur le compte de la «raison pure»; il est important et urgent de déplacer cette contradiction du plan illusoire et artificiel où elle est placée pour la porter sur le plan réel et effectif dont elle émane à la vérité, celui du travail, de la distribution des richesses, de la protection de notre pays et de son économie, de l’éradication des systèmes mafieux, de la réhabilitation des institutions de l’Etat et du service public (santé, enseignement, transport, etc.).
Les croyances sont tributaires des conditions de vie des populations
Les penseurs modernes sont unanimes sur cette idée que les systèmes de représentations, des idées et des croyances sont tributaires des conditions de vie des populations qui les portent et que plus ces conditions s’améliorent et se perfectionnent, plus les représentations sont avancées et plus les valeurs partagées par les peuples sont tolérantes, clémentes et libératrices.
En revanche, plus les conditions de vie sont dures, ou dégradées, ou inhumaines, plus on voit apparaître la haine, le fanatisme et la violence. Bien entendu, cela n’inclut nullement les cas particuliers des sociétés soudainement et artificiellement enrichies par les hasards de l’histoire ni, non plus, ceux des sociétés brusquement appauvries, mais qui gardent leurs valeurs d’opulence d’antan.
Laissons donc de côté les faux problèmes et occupons-nous des fléaux qui menacent notre société, qui retardent notre marche vers le développement et travaillons à protéger notre pays des maux qui peuvent l’amener, encore une fois, à perdre sa liberté et son indépendance.
* Universitaire.
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