L’économie de l’Ukraine est décimée, ses riches terres agricoles vendues aux multinationales occidentales et ses terres rares confiées aux bons soins de Donald Trump dans le cadre du remboursement de la dette d’une guerre qui n’est pas encore finie et qui aurait pu (et dû) être évitée. Un énorme gâchis dont les médias occidentaux ne parlent pas, ou peu.
Habib Glenza

Le conflit entre Moscou et Kiev fait payer un lourd tribut à l’économie ukrainienne, notamment à l’agriculture, l’un des secteurs vitaux le plus important du pays. Avant l’invasion russe, en février 2022, l’agriculture représentait plus de 10 % du PIB de l’Ukraine et fournissait 17% de l’emploi national. Les terres agricoles situées le long de la ligne de front ont été soit abandonnées, soit utilisées pour construire des fortifications, tandis que la conscription a réduit le nombre de travailleurs disponibles pour les champs.
D’après la Banque mondiale, les pertes ukrainiennes de l’Ukraine sont de l’ordre de 100 milliards de dollars, y compris celles relatives aux infrastructures essentielles.
L’agriculture très sévèrement touchée
A noter que la Russie et l’Ukraine représentent à eux seuls 54 % des échanges mondiaux de blé, d’orge et d’avoine, ce qui affecte particulièrement les pays en développement qui dépendent de Moscou et de Kiev pour maintenir leur consommation locale.
Cultures détruites, machines endommagées, bétail décimé… L’agriculture ukrainienne est très sévèrement touchée. Un rapport de la Banque mondiale et de l’Ecole d’économie de Kiev chiffre les dommages et les pertes à 80,1 milliards de dollars. Sans parler de la reconstruction du secteur sur le long terme.
Une large partie de ce montant – 69,8 milliards de dollars – est dû aux chutes de revenus causées par les pertes de production, à la baisse des prix des matières agricoles et à la hausse des coûts. Ces pertes ont doublé depuis l’évaluation précédente en 2023. Ajoutez à cela des dizaines de milliers d’hectares de cultures qui se situent désormais sur les territoires sous occupation russe. Sans compter les dommages causés aux cheptels qui provoquent déjà une baisse de la production de viande et de lait.
Alors que la campagne céréalière se termine en Ukraine, le pays tente tant bien que mal de pallier les problèmes dont pâtit son secteur agricole. Or, la situation est de plus en plus préoccupante. Tout cela engendre des baisses de revenus pour les agriculteurs. C’est ce qui ressort du rapport conjoint publié au début de l’année 2025.
La facture s’alourdit encore avec les destructions au sol. Le coût des biens détruits est estimé à 10,3 milliards de dollars. La catégorie la plus importante est celle des machines agricoles. Tracteurs, moissonneuses-batteuses, semoirs détruits, endommagés ou volés. Tout comme les infrastructures de stockage de grains ou les équipements de fermes d’élevage ou de fermes laitières situées dans les zones bombardées qui ont subi le même sort. Les régions agricoles les plus touchées sont Zaporijia dans le sud-est, Kherson dans le sud ou encore Lougansk dans l’est du pays.
Il faut ajouter à cela les dégâts dans la pêche et l’aquaculture. Ici, la facture a triplé depuis l’an dernier à cause notamment de l’explosion du barrage de Kakhovka en juin 2023. La destruction de ce grand barrage construit sur le fleuve Dniepr a été un désastre écologique, selon un rapport de l’ONG ukrainienne Truth Hounds. L’immense réservoir d’eau vidé en quelques jours constituait une importante source d’approvisionnement en eau pour les industries et pour l’agriculture. En plus de la perte pour le secteur de la pêche, ce sont aussi les champs qui ont été privés d’irrigation.
Une dépendance de plus en plus grande de l’extérieur
Le tableau des pertes dans le seul secteur agricole est catastrophique et les besoins pour le reconstruire sont immenses. Selon la Banque mondiale et l’École d’économie de Kiev, 56,1 milliards de dollars seront nécessaires sur les dix prochaines années pour rebâtir l’agriculture ukrainienne. Ce montant comprend le remplacement des biens détruits et le soutien pour redresser la production sur le long terme.
L’acquisition de terres agricoles ukrainiennes par des investisseurs étrangers est un véritable problème, car l’Ukraine perd ainsi des ressources qui devraient profiter en premier lieu à sa propre population.
Face à la catastrophe imminente sur le front, l’Ukraine se trouve dans une situation sans issue, non seulement sur le plan militaire mais aussi économique. Le pays a perdu une partie considérable de sa puissance économique au cours des dernières années et dépend aujourd’hui presque exclusivement de l’aide financière de l’étranger.
Ce financement repose en grande partie sur des crédits du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale (BM) ainsi que sur les subventions des pays occidentaux, qui lient toutefois leurs fonds à certaines conditions et exercent ainsi une influence déterminante sur la politique ukrainienne. Parmi ces conditions figure notamment la vente de terres agricoles ukrainiennes à des investisseurs étrangers. Cela s’inscrit dans le cadre de la privatisation du secteur agricole ukrainien, accélérée par les dirigeants de Kiev depuis l’«Euromaïdan» * de 2014.
La vente de ces ressources étant auparavant interdite par la loi, l’Ukraine a mis en place en 2020 une réforme agraire très controversée, qui était d’ailleurs une condition préalable à l’augmentation des paiements de l’Occident. Cette réforme a levé le moratoire existant sur l’achat de terres et a ainsi légalisé la privatisation des terres agricoles pour les particuliers ukrainiens. Grâce à leurs liens avec les oligarques ukrainiens et d’autres représentants de l’élite locale, les investisseurs étrangers ont ainsi eu indirectement la possibilité d’acquérir d’immenses terres agricoles.
Fin 2023, la privatisation a été à nouveau libéralisée suite à une deuxième étape de la réforme agraire : depuis le 1er janvier 2024, les entreprises dont les propriétaires sont des citoyens ukrainiens peuvent également acheter des terres. En outre, le plafond d’acquisition de terres agricoles par personne ou entreprise a été relevé de 100 hectares à 10 000 hectares.
Le problème de l’accaparement des terres
Les critiques mettent toutefois en garde contre le fait que cette libéralisation du commerce des terres ne correspond en aucun cas aux intérêts de la population ukrainienne et que la situation se détériore ainsi considérablement dans l’ensemble du secteur agricole du pays. La principale raison invoquée est l’«accaparement des terres» – une appropriation illégale des terres agricoles par de grands capitaux internationaux, tels que des multinationales, des fonds d’investissement et d’autres structures financières étrangères (généralement occidentales). A cet égard, on constate une nette augmentation de l’accaparement des terres en Ukraine au cours des dernières années.
Selon le rapport de l’institut états-unien Oakland publié en 2023 et intitulé «Guerre et Vol : la prise de contrôle des terres agricoles de l’Ukraine», qui met notamment en lumière les intérêts financiers et autres forces motrices de la privatisation, les oligarques ukrainiens et les grandes entreprises internationales auraient déjà contrôlé à cette date plus de 9 millions d’hectares, soit plus de 28 % des terres agricoles ukrainiennes. Ce sont principalement les intérêts européens et nord-américains qui sont en jeu.
Le directeur politique de l’Oakland Institute et co-auteur du rapport, Frédéric Mousseau, résume ainsi l’évolution dramatique du secteur agricole ukrainien : «C’est une situation perdant-perdant pour les Ukrainiens. Alors qu’ils meurent pour défendre leur terre, les institutions financières soutiennent insidieusement la consolidation des terres agricoles par les oligarques et les intérêts financiers occidentaux. Alors que le pays est confronté aux horreurs de la guerre, le gouvernement et les institutions occidentales doivent écouter les revendications de la société civile ukrainienne, des universitaires et des agriculteurs, et suspendre la réforme agraire ainsi que la vente actuelle de terres agricoles». Car il s’agit, selon Mousseau, de créer un modèle agricole «qui ne soit plus dominé par l’oligarchie et la corruption», mais qui permette que «la terre et les ressources soient contrôlées par tous les Ukrainiens et leur profitent».
Un président marionnette qui brade son pays aux étrangers
D’autres critiques de ce «bradage» soulignent en outre que les agriculteurs individuels ainsi que les petites et moyennes entreprises agricoles d’Ukraine sont ruinés par la réforme agraire. Ces producteurs représentent jusqu’à 60 % des produits agricoles, alors que les grandes entreprises ne représentent qu’un quart de la production. Mais cela pourrait changer si les acteurs étrangers devaient prendre en charge encore plus de surfaces cultivables. Une telle évolution signifierait la fin des producteurs de taille moyenne, qui sont déjà confrontés depuis des années à des difficultés logistiques et à la faiblesse des prix des céréales, et qui enregistrent des pertes financières.
Volodymyr Zelenski, un président marionnette, a vendu son âme et bradé son pays aux Occidentaux. Un pays fantôme qui, au rythme où avance le processus de son démembrement, risque de disparaitre bientôt. C’est la faute à Poutine, dirait quelque analyste occidental, mais est-il le seul fautif ?
* Ou Eurorévolution, nom donné aux manifestations proeuropéennes en Ukraine, ayant débuté le 21 novembre 2013 à la suite de la décision du gouvernement ukrainien de l’époque ne pas signer l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne au profit d’un accord avec la Russie.
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