À l’occasion de la célébration de la Journée internationale des femmes, l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) a publié un communiqué intitulé «Pour la convergence de toutes nos luttes, celles des femmes d’ici et d’ailleurs», que nous reproduisons ci-dessous.
Cette année, le 8 mars sera célébré dans le monde entier par un appel à une grève mondiale des femmes sous le mot d’ordre, «lorsque les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête», et ce en reconnaissance du travail invisible, non rémunéré et non inclus dans le calcul des PIB nationaux, que les femmes continuent de faire, du fait de la division inégale des rôles dans la société, et sans lequel aucune économie au monde ne fonctionnerait et pour exiger un travail et des salaires décents pour toutes les femmes
Nous féministes tunisiennes, soutenons activement cet appel lancé par les organisations féministes et les forces progressistes parce que la pauvreté, le chômage et les inégalités ne cessent d’augmenter dans notre pays et que les femmes sont les premières à en souffrir.
Parce que nous vivons dans un ordre économique qui exploite les femmes et profite du travail de soins gratuit ou peu rémunéré que nous effectuons, des bas salaires et des conditions de travail précaires, qui souvent mettent nos vies en danger.
Parce que l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes continue d’être une réalité intolérable, avec une différence de 25% en défaveur des femmes, notamment dans le secteur agricole, ou les paysannes meurent à l’aube, transportées comme du bétail dans des camions de fortune, pour gagner leur pain et nous nourrir tous.
Le 8 Mars sera également marqué dans le monde entier par la libération magistrale de la parole des femmes et leurs révélations sur le harcèlement, les abus et les violences sexuelles qu’elles ont subies et qu’elles continuent de subir, dans des sphères et des secteurs divers, un peu partout dans le monde.
Le couvercle qui était posé sur la cocotte-minute a sauté, les femmes ont fini par parler. Au-delà des faits précis, c’est l’oppression systémique et universelle des femmes qui a éclaté dans le monde entier et qui fait que plus rien ne sera «comme avant» : ce qui était «banal» et «habituel» n’est désormais plus accepté, ni tu. En dénonçant leur agresseur et en refusant les injonctions au silence, les femmes sont en train de faire changer la honte de camp.
Plus fortes que jamais, les voix des femmes s’élèvent partout, du Chili à la Palestine, en passant par le Yémen, le Soudan, l’Algérie, l’Irak, le Liban, pour dénoncer les laideurs du système économique mondial, la corruption, l’occupation, les guerres et les régimes répressifs. C’est un éveil profond qui a lieu avec ce mouvement.
L’ATFD se félicite d’autant plus de l’ampleur de ce mouvement, qu’elle n’a cessé depuis des décennies, de lutter pour dénoncer la violence à l’égard des femmes et pour appeler à sa pénalisation. La promulgation de la Loi 58 de 2017, qui comporte une démarche intégrale de lutte contre les violences sexistes, incluant la prévention, la protection des victimes, leur prise en charge ainsi que la criminalisation et la sanction des agresseurs, représente certes, une première victoire à nos yeux, mais elle reste insuffisante, si elle n’est pas assortie d’une volonté politique claire et de mesures pratiques et tangibles assurant le suivi de l’application de la loi sur terrain, dont notamment la mise en place d’un observatoire, l’allocation de budgets et des ressources nécessaires pour l’accueil, l’hébergement et l’aide juridique aux femmes victimes de violence, ainsi que la lutte contre l’abandon scolaire des filles, la discrimination et l’exploitation économique des femmes dans tous les secteurs et l’interdiction de l’emploi des mineures comme domestiques familiales.
C’est pourquoi, il est impératif d’exiger les moyens et la mise en place de mécanismes de coordination et de suivi de cette loi, afin que les victimes de violences sexistes échappent à leur isolement et tiennent les auteurs, quels qu’ils soient, responsables, y compris ceux qui sont retranchés au sein du Parlement.
Les luttes féministes ont permis de conquérir des droits et de progresser vers l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais cette égalité est loin d’être effective. C’est pourquoi, pour nous Tunisiennes, la journée du 8 Mars n’est pas la «journée de la femme» mais bien celle de lutte pour les droits des femmes !
Nous continuerons notre mobilisation et notre lutte pour :
• dénoncer la domination et l’exploitation des femmes et remettre en cause le patriarcat;
• éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans les textes législatifs, CSP compris;
• éliminer toute discrimination liée au genre, à l’origine ou à l’orientation sexuelle;
• exiger une société sans violences sexistes et sexuelles;
• le droit à l’égalité dans l’héritage et un accès juste des femmes aux ressources;
• un travail et des salaires décents pour toutes les femmes
• la revalorisation du travail précaire des femmes dans l’agriculture et du travail invisible domestique quotidien des femmes;
• le respect des droits corporels et sexuels des femmes.
Le 8 Mars, portons ensemble l’exigence d’égalité des droits entre femmes et hommes, et de reconnaissance, porteuse de justice sociale, de démocratie et levier d’émancipation pour tous.
Pour le comité directeur de l’ATFD :
Yosra Frawes
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