Depuis le début du confinement sanitaire général, le 23 mars 2020, les mosquées sont fermées et les religieux pratiquants appelés à faire leurs prières quotidiennes chez eux, afin d’éviter tout risque de contamination au coronavirus. Aujourd’hui, alors que la situation épidémique s’est nettement améliorée, certaines voix s’élèvent pour revendiquer la réouverture de ces lieux de culte. Mais en est-ce vraiment le bon moment ?
Par Cherif Ben Younès
Saifeddine Makhlouf, député et président du bloc de l’extrême droite religieuse, Al Karama, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), est parmi les personnalités politiques qui ont ouvertement exprimé cette demande, notamment ce matin, 12 mai 2020, lors de la séance plénière du parlement.
Le populisme religieux est fâché avec les exigences sanitaires
Rien de plus normal puisque le populisme religieux est un fond de commerce pour ce genre de mouvements politiques. Mais est-ce vraiment le bon moment de rouvrir les mosquées ?
En raison du contexte épidémique actuel, pour que la réponse à cette question soit objective et recevable, il est nécessaire de l’examiner d’un angle purement sanitaire.
Il faut donc mettre de côté les arguments spirituels qui ne pourraient en aucun cas justifier une prise de risque mettant en péril la santé des Tunisiens ainsi que le système sanitaire du pays. Surtout que la fermeture des mosquées ne constitue pas un obstacle à la vie spirituelle des musulmans, qui peuvent tout à fait «interagir» avec leur dieu, dans le sens islamique du terme, en dehors des mosquées.
Par ailleurs, l’Etat tunisien opte, actuellement, pour une stratégie de confinement ciblé, où seuls les secteurs économiques ne présentant pas de gros risques de contamination sont autorisés à reprendre leurs activités. Ainsi, les cafés, les bars, les restaurants, les salles de cinémas, les théâtres, les écoles, les stades, etc., demeurent fermés. Et c’est, en toute logique, le cas des mosquées aussi, d’autant plus qu’en l’occurrence, il ne s’agit même pas d’un secteur économique.
Une bêtise ne saurait justifier une autre
Il est donc naturel que les mosquées restent fermées tant que les autorités sanitaires jugent que le moment n’est pas encore venu pour reprendre les activités culturelles, sportives ou de loisir. Les seules pouvant être comparées à la prière collective. Surtout qu’il sera quasiment impossible d’assurer et de contrôler les mesures de prévention nécessaires, à l’instar de la distanciation physique et de la stérilisation régulière, dans les lieux de culte, qui sont sollicités très fréquemment et où même les tapis entrent en contact avec les visages des différents fidèles, lors de la prosternation, ce qui augmente le risque de contagion.
Par conséquent, jusqu’à nouvel ordre, ces derniers doivent continuer à faire la prière chez eux et, ainsi, ils se protègent eux-mêmes et protègent les autres. Ce que Allah devrait beaucoup apprécier et récompenser dans l’au-delà, selon la religion islamique, du moins si on se fiait au verset 195 de la sourate La vache, du coran, selon lequel, il ne faut pas se jeter par ses propres mains dans la destruction.
M. Makhlouf n’a évidemment pas évoqué ces considérations lors de son intervention au parlement, se contentant de faire un parallèle enfantin et superficiel avec les foules occasionnées, la veille, par l’ouverture des magasins de prêt-à-porter. Comme si une bêtise pouvait en justifier une autre.
L’agitateur islamiste n’a, par ailleurs, pas manqué de recourir, hypocritement, à la théorie du complot et à jouer la pathétique carte de la victimisation pour expliquer la fermeture actuelle des mosquées, en sortant une phrase digne des chansons de rap de Psyco M : «Les mosquées ne sont pas rouvertes à cause de certaines personnes gênées par la religion». Plus stupide que ça tu meurs !
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