L’impact de l’invasion militaire russe de l’Ukraine va être dur pour l’économie mondiale. Pour la Tunisie, qui fait face à une grave crise des finances publiques, cet impact va être catastrophique. Aussi l’Etat doit-il réagir rapidement pour apporter des solutions d’urgence et alléger l’impact des difficultés à venir sur la population tunisienne en général et les couches défavorisées en particulier.
L’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) a appelé le gouvernement à mettre en place en urgence une cellule de crise pour identifier des alternatives en matière de sources d’approvisionnement en céréales, suite à la guerre en Ukraine, pays jusqu’alors fournisseur privilégié de la Tunisie.
La flambée des prix des céréales
Dans une note intitulée «La guerre en Ukraine : impacts et mesures à prendre», publiée mercredi 9 mars 2022, l’IACE a souligné la nécessité de trouver les mécanismes de financement nécessaires dans la mesure où «la solvabilité des clients deviendra un critère important dans la priorisation des approvisionnements par les fournisseurs» , et la Tunisie présente actuellement un risque de solvabilité élevé.
La Tunisie, très dépendante des céréales puisqu’elle importe 84% de ses besoins en blé tendre, et le niveau actuel des prix du blé et des autres céréales pourrait entraîner une charge supplémentaire en matière de subvention d’environ 1,3 milliard de dinars tunisiens (DT), par rapport à la charge initiale, prévue dans le budget de l’Etat et qui est de 2,2 milliards de dinars pour les subventions des produits de base.
Sans subvention, l’IACE estime que le prix actuel des céréales sur le marché mondial entraînerait une hausse du prix des pâtes de 160 millimes par kilogramme, soit 20% de plus par rapport aux prix actuels, qui pourraient atteindre 200 millimes par kilogramme si les prix continuent de croître au même rythme.
Par conséquent, l’Institut a jugé essentiel de communiquer sur la réalité de la situation et son impact afin de sensibiliser la population aux difficultés à affronter et de changer les habitudes alimentaires (notamment en évitant le gaspillage).
Il a également insisté sur la nécessité de privilégier l’intérêt général sur les intérêts particuliers et d’orienter les ressources en eau agricole exclusivement vers les cultures céréalières afin d’améliorer au maximum les perspectives de la récolte à venir.
La flambée des prix du pétrole
Outre la hausse des prix du blé, l’IACE a également exprimé ses inquiétudes face à la flambée des prix du pétrole, d’autant plus que le budget 2022 de la Tunisie a été élaboré sur la base d’un prix du baril à 75 dollars.
Le think tank a jugé un tel fardeau insoutenable pour le budget de l’État, ce qui se traduira par une augmentation inévitable des prix à la pompe. Cette hausse pourrait atteindre environ 1,2 dinars le litre, tous produits confondus, et jusqu’à 2 dinars et plus le litre si les prévisions les plus pessimistes se réalisent.
Deux tiers concerneraient les carburants routiers et un tiers la consommation industrielle, ce qui aura un impact sur le prix de l’électricité et par conséquent sur la compétitivité des entreprises tunisiennes. Cependant, cet impact direct sera en partie compensé par une réduction de la consommation due au ralentissement de l’activité économique.
Solliciter l’aide des bailleurs de fonds étrangers
Dans ce contexte, l’IACE a exhorté le gouvernement à mobiliser des ressources financières, même minimes, pour l’approvisionnement en produits essentiels au détriment des produits «secondaires» et à obtenir le déblocage immédiat de l’appui budgétaire de l’Union européenne de 300 millions d’euros.
Il a également souligné la nécessité d’accélérer les négociations avec le FMI et la Banque mondiale pour obtenir une aide d’urgence exceptionnelle de 1 à 1,5 milliard de dollars pour l’année 2022.
L’IACE a également appelé à envisager un rééchelonnement de la dette de la Tunisie (hors marchés financiers), afin de transférer les ressources dédiées au service de la dette vers le financement de l’approvisionnement en produits de base, d’autant plus que les institutions financières bilatérales et multilatérales seront obligées d’assouplir leurs positions vis-à-vis des pays vulnérables. comme la Tunisie.
L’IACE a également souligné la nécessité d’envisager la possibilité d’une aide d’urgence aux familles nécessiteuses à travers le décaissement d’un montant de 300 millions de dollars (environ 880 millions de dinars) comme cela a été fait en 2021 avec le soutien de la Banque mondiale.
Cibler les touristes d’Europe occidentale
Quant à l’impact sur le tourisme et sur les arrivées de touristes en Tunisie pour l’année 2022, l’institut a estimé que les prix du transport aérien pourraient connaître une augmentation qui aura un impact sur les prix proposés par les voyagistes et découragera de nombreux touristes européens de visiter la Tunisie.=
Selon la même source, il est très probable qu’il n’y aura pas de touristes russes cette saison en raison de la forte dévaluation du rouble qui affecte le pouvoir d’achat de la population, sans compter l’impact de la déconnexion de la Russie du système Swift qui compliquera les transactions avec les partenaires russes.
Par conséquent, l’Institut a exhorté à prendre des mesures pour maintenir les objectifs de la saison touristique 2022 en ciblant les touristes d’Europe occidentale.
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