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Face au terrorisme, la Tunisie a besoin d’une communication responsable

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Avec la montée du terrorisme, la Tunisie a vivement besoin d’une formation en communication de crise et en journalisme responsable.

Par Lotfi Saïbi*

«La Tunisie n’est pas en sécurité»; «la prochaine attaque terroriste achèvera l’Etat Tunisien»: c’étaient les déclarations du président Béji Caïd Essebsi, qui annonçait l’état d’urgence. «Le président a délivré ces messages en guise de thérapie de choc pour la nation», a cru devoir expliquer Moez Sinaoui, le conseiller en communication de la présidence de la république.

Mais est-ce que notre président et son staff de communication avaient bien calculé les effets psychologiques de ces déclarations sur chaque citoyen tunisien qui les a entendues?

Je pose cette question parce que ce qui a été dit, compte tenu du message et de son dispensateur, était très dangereux et pourrait affecter le quotidien de tout un peuple, en provoquant des réactions opposées à celles prévues.

Les propos alarmistes

Ce discours a été marqué par deux caractéristiques qu’on ne peut ignorer: une communication appuyée sur les directives et des propos alarmistes, conduisant à des changements de comportement involontaires. Mon attention porte, pour le moment, sur la deuxième caractéristique, car la première nécessitera beaucoup plus d’encre.

Ce n’est un secret pour personne: la plus grande préoccupation de tout Tunisien, quelle que soient sa classe sociale ou son orientation politique, n’est autre que la menace. Chacun d’entre nous est effrayé à l’idée de se réveiller sur les nouvelles d’une autre attaque qui fera couler plus de sang. Nous passons notre temps à nous poser cette question dans l’espoir d’une réponse: comment un pays comme la Tunisie, à l’histoire si pacifique, qui n’a jamais eu affaire à la violence et qui est si léthargique face au changement, pourra affronter ce que nous avons toujours pensé être un phénomène étranger lié au pétrole et à l’extrémisme religieux?

En tant qu’êtres humains, nous développons des instincts de survie et des mécanismes de défense pour nous protéger de tout ce qui menace nos vies ou notre façon de vivre.

Après le 9/11, des chercheurs de Harvard et d’Oxford ont inventé le terme «saillance de mortalité» comme étant la façon avec laquelle les gens s’adaptent aux menaces terroristes et à la surexposition à des pensées ou des images liées à la mort.

Il a été démontré que les images relayées par les médias, lors de  la couverture des actes  terroristes, produisent un effet de saillance de mortalité.

Dans les deux dernières années, les attaques terroristes en Tunisie se sont intensifiées remarquablement, entrainant ainsi une augmentation accrue du nombre de victimes, et la potentialisation de l’exposition quotidienne aux images de violence, aux  menaces, et maintenant à l’état d’urgence. La plupart des Tunisiens ont réagi comme toutes les nations dont la vie et le modèle de société sont menacés, avec  de la colère, de l’incertitude et un sentiment d’impuissance, qui viennent s’ajouter à une montée du patriotisme et d’un appel à l’unité nationale. Cela est tout ce qu’il y a de plus naturel, car sous l’effet de saillance de mortalité, on est plus fiers et on s’identifie plus à son pays, à sa religion, à son  sexe, à sa race, etc.

Ceci n’empêche que la saillance de mortalité peut conduire à une potentialisation du soutien à l’extrémisme quand celui-ci est lié à l’identité du groupe. Les exemples récents de jeunes tunisiens exprimant leur sympathie et leur soutien aux auteurs des attentats de Sousse ou du Bardo sont le résultat de la saillance  de mortalité, en plus de la surexposition aux nouvelles et images de terrorisme dans les médias. Les recherches ont démontré que la saillance  de mortalité induit des réactions brutales envers ceux qui sont perçus comme ayant enfreint aux règles ou ceux qui ne se conforment pas aux standards d’une communauté donnée.

L’exposition aux images de terreurs

Ainsi, la saillance de mortalité créée par la couverture médiatique du terrorisme peut potentialiser la sympathie et le soutien pour le gouvernement, tout en haussant le degré d’hostilité envers les ennemis supposés du pays; mais en même temps elle peut faire proliférer, chez certains, la sympathie «cachée» envers les terroristes, en leur fournissant de futures recrues faciles.

Bien que les populations aient tendance à bien gérer les menaces terroristes en cours, la couverture médiatique est souvent un facteur de déstabilisation qui s’ajoute à la sauce. L’attention des médias amplifie à la fois la fréquence et la sévérité des attaques terroristes, laissant planer une croyance que la situation est pire que ce qu’elle est réellement: c’est exactement ce que nous avons vécu depuis les attentats du Bardo et de Sousse.

La couverture médiatique intense, et parfois irresponsable, peut avoir une certaine incidence préjudiciable sur des adultes ou des enfants fragiles, qui sont exposés à des problèmes psychologiques graves suite à une longue exposition aux images de terreurs. Les enfants ont souvent du mal à dormir, souffrent de cauchemars, de problèmes d’anxiété ou de dépression.

Les adultes souffrent de stress au travail et dans leurs relations quotidiennes, conduisant à une baisse de productivité et une hostilité accrue.

Aujourd’hui en Tunisie, une formation en communication, en journalisme responsable, et en gestion de crise pour tous ceux qui s’invitent chez nous, dans nos salons et nos voitures, est devenue  une nécessité et non un luxe.

* Ancien de l’Université de Harvard, conseiller en communication et développement de leadership, président de4DLH.

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