Entre secrets de famille et obligation de transparence, Mazarine Mitterrand Pingeot, écrivaine et philosophe, mène un dialogue silencieux avec elle-même et avec le monde.
Par Fawz Ben Ali
L’ambassadeur de France en Tunisie Olivier Poivre d’Arvor a profité du passage de Mazarine Mitterrand Pingeot à Tunis pour organiser, avec l’aide de l’Institut français de Tunisie (IFT) et l’espace culturel l’Agora, un bref entretien avec l’écrivaine sur son œuvre littéraire, son parcours et ses engagements.
Il faut dire que, depuis son installation à Tunis, l’ancien directeur de France Culture ne cesse de prendre part à la vie culturelle du pays. On l’a vu récemment à ‘‘La nuit des idées’’ dans un entretien passionnant avec le penseur tunisien Youssef Seddik et peu avant à la manifestation ‘‘Al Kalimat’’ avec le philosophe français Michel Onfray.
Olivier Poivre d’Arvor nous rappelle, encore une fois, que derrière le responsable diplomatique qu’il est devenu, demeure toujours un homme de culture.
Dialogue silencieux dans une vie solitaire
C’est dans un cadre intimiste sur la scène de l’Agora, à la Marsa, banlieue nord de Tunis, que l’entretien a eu lieu. La salle était comble et, faute de sièges libres, certains ne se sont pas gênés à prendre place par terre pour ne pas manquer les propos de la romancière, qui fut longtemps la «fille cachée» de l’ancien président François Mitterrand.
«De passage à Tunis pour des raisons privées», comme elle l’a précisé, Mazarine Mitterrand Pingeot est venue avec son nouveau compagnon, le diplomate français Didier Le Bret, pour sa campagne électorale en tant que candidat du Parti socialiste aux législatives dans la 9e circonscription des Français à l’étranger.
L’entretien a pris l’air d’une causerie un peu à la manière des cafés littéraires où les questions d’Olivier Poivre d’Arvor ont afflué spontanément et où l’humour ne manquait pas.
Comme la rencontre portait essentiellement sur la littérature, Olivier Poivre d’Arvor a commencé par interroger l’écrivaine sur la naissance de son amour pour les livres et de son envie d’écrire, quand et comment. Ce à quoi a répondu Mazarine Pingeot d’un air amusé : «Enfant, je ne portais aucun intérêt pour les livres, je préférais plutôt jouer aux poupées».
En effet, ce n’est que tardivement, au collège, que la femme de lettres a commencé à prendre goût à la lecture et les livres étaient devenues dès lors pour elle aussi importants que les rencontres. «Il y a une sorte de dialogue silencieux qui s’établit avec les héros, surtout quand on a une vie solitaire», confesse-t-elle.
La romancière a confié s’être beaucoup inspirée de son enfance dans ses écrits, où elle tente de se détacher de l’écriture philosophique en faveur d’un style romanesque et grand public.
Garder un pied dans la vraie vie
Parlant de son métier de professeur de philosophie, «c’est un métier que j’aime énormément, d’ailleurs, je n’ai jamais voulu arrêter d’enseigner», avoue-t-elle.
L’enseignement permet, selon elle, de garder un pied dans la vraie vie et de s’imprégner de choses concrètes pour s’en inspirer dans les romans.
Comme elle n’est pas présente dans la vie politique, contrairement à son père et à son compagnon, Mazarine Pingeot trouve dans l’enseignement le meilleur moyen de s’engager dans la société à travers la transmission du savoir. Mais la philosophie, elle ne l’exerce pas uniquement à l’université, mais tente du mieux qu’elle peut de la ramener dans sa vie de tous les jours. C’est dans ce contexte qu’Olivier Poivre d’Arvor s’est attardé sur son essai philosophique ‘‘La dictature de la transparence’’, où analyse cette notion de transparence comme l’idéologie dominante de la société contemporaine se manifestant dans la presse à scandale, dans la téléréalité ou encore dans le traitement de l’information par certains médias qui ne cherchent qu’à faire le buzz.
Mazarine Pingeot explique que les nouvelles technologies s’imposent désormais dans tous les domaines, rayant toute frontière entre la vie privée et la vie publique. «Nous devons nous questionner sur le rapport que nous avons avec l’usage de la technologie, avec l’image et même avec la simple pratique du selfie», s’alarme-t-elle. «J’en déduis que vous refuserez de faire un selfie avec moi après l’entretien?», ironise l’ambassadeur.
Evoquant son dernier roman ‘‘Théa’’, qui vient de paraître aux éditions Julliard, Mazarine Pingeot nous parle d’une œuvre personnelle sur la famille, le secret, l’exil et la quête d’identité.
L’héroïne se présente à l’image de son auteure, une femme pleine d’idéaux de gauche et avec des secrets de famille. La romancière a dû fouiller dans son héritage et ses convictions pour peindre ce personnage, d’ailleurs l’histoire est racontée à la première personne du singulier.
Interrogée sur son rapport à la Tunisie, Mazarine Pingeot a confié qu’elle connaissait peu le pays mais qu’elle se souvient y avoir passé de belles vacances, l’été de ses 18 ans. «J’aime beaucoup voyager mais Paris demeure mon centre de gravité», ajoute-t-elle.
A la fin de la rencontre, la romancière a fait plaisir à ses admirateurs en prenant le temps de poser pour quelques selfies.
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