Des non-jeûneurs appellent au respect de leurs droits dans les réseaux sociaux.
Depuis le début de ramadan, la polémique enfle à propos des droits des non-jeûneurs («fattaras») dans un contexte de libertés individuelles garanties par la constitution.
Par Abderrazek Krimi
Réagissant aux protestations des citoyens et des associations de défense des droits et des libertés, le ministre de l’Intérieur Hedi Majdoub a déclaré, vendredi 2 juin 2017, que le règlement régissant l’ouverture des cafés et des restaurants pendant le mois de ramadan établi avant la révolution de janvier 2011 est toujours en vigueur aujourd’hui.
L’importance du respect mutuel
Dans une déclaration à la presse lors de la visite d’inspection qu’il a effectué au district de la sûreté nationale de Tunis où il a participé au dîner d’«iftar» (rupture du jeûne) avec les officiers et agents en fonction, M. Majdoub a insisté sur l’importance du respect mutuel de la part des jeûneurs envers les non-jeûneurs et réciproquement, affirmant, à ce propos, «qu’il y a un seuil minimal des libertés individuelles que tout le monde est appelé à respecter».
Commentant la campagne menée par le pseudo prédicateur Adel Almi qui, accompagné d’un huissier notaire, sillonne les cafés et restaurants ouverts durant les horaires de jeûne, dans le but de persuader leurs propriétaires de fermer leurs établissements, le ministre de l’Intérieur a déclaré que personne n’a le droit de «donner des leçons à ceux qui ont choisi, pour diverses raisons, de ne pas observer le jeûne», indiquant que son département est en train de suivre l’affaire en vue de prendre une décision adéquate à ce sujet.
Adel Almi, le pseudo-prédicateur qui fait la chasse aux non-jeûneurs dans les rues de Tunis.
Il est important de rappeler, dans ce cadre, que le parquet de Bizerte a ordonné l’arrestation de 4 jeunes bizertins pour avoir fumé et mangé dans un jardin public. Ces derniers ont même été condamnés à un mois de prison ferme pour «atteinte à la moralité publique» (sic !).
Cette condamnation a interpellé la société civile et particulièrement des associations de droits de l’homme qui ont appelé à un rassemblement, demain, dimanche 4 juin 2017, devant le Théâtre municipal de Tunis, pour protester contre ce qui a été considéré comme une violation des droits et des libertés individuelles.
Une autre action symbolique a aussi été décidée par des activistes, qui vont faire un pique-nique collectif, aujourd’hui, samedi 3 juin, à 14 heures, devant le tribunal de première instance de Tunis.
La protection des libertés individuelles
Dans le même contexte, l’Instance supérieure des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ISDHLF) a, dans un communiqué publié hier, appelé le gouvernement et le pouvoir judiciaire à «assumer leur responsabilité et à prendre les mesures légales qui s’imposent contre des groupes d’individus qui essaient, depuis le début du mois de ramadan, d’exercer un contrôle sur la conscience des Tunisiens et à limiter leurs libertés», faisant fi ainsi de la constitution tunisienne qui garantit la liberté de conscience et de culte à tous les citoyens tunisiens.
S’invitant dans le débat, l’Association des prédicateurs et des cadres religieux tunisiens a, de son côté, dénoncé les personnes qui appellent à la fermeture des cafés et des restaurants et au harcèlement des non-jeûneurs.
Le président de l’association, Mehdi Bouthier, a affirmé, dans une déclaration à l’agence Tap, que les textes religieux ne contiennent aucune disposition qui incrimine l’ouverture des cafés et des restaurants pendant la journée durant le mois de ramadan, indiquant que toutes les fatwas allant dans ce sens ne dépassent pas le stade de l’exégèse. Il a, en outre, confirmé que, dans la religion musulmane, «personne n’a le droit de tutelle sur le comportement des autres».
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