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Une fiction tunisienne : Béji Caïd Essebsi ou «l’homme voilé»

Beji-Caid-Essebsi

Improbable sauveur, Béji Caïd Essebsi a su cacher son jeu et tromper jusqu’à ses adeptes et laudateurs. Aujourd’hui, le roi est nu…

Par Amor Cherni *

Selon Diogène Laërce, Euboulide de Milet mettait les têtes savantes de la Grèce de son époque (dont Aristote qu’il détestait pour son infidélité à Platon) au défi de résoudre ses sept paradoxes et en particulier celui de «l’homme voilé».

L’originalité de ce paradoxe réside dans sa simplicité. Il consiste à demander: «Connaissez-vous cet homme qui est voilé?». Si vous répondez: «Non !», on vous répliquera: «Vous ne connaissez donc pas votre père, puisque c’est lui!».

Âmes crédules à la recherche d’un «sauveur»

L’histoire du Nidaa et de son fondateur ressemble à beaucoup d’égards à celle de l’homme voilé! Voilà, en effet, un homme qui vient, au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011, du fin fond du PSD-RCD, deux anciens partis au pouvoir, où il a mené une longue carrière, qui se drape du voile de la révolution et qui se met à chanter l’hymne de la démocratie.

Ceux qui le connaissaient ont du mal à croire ce qu’ils voient, ils se frottent les yeux et se mettent à crier à tue-tête: «Attention! C’est un travesti! C’est un prestidigitateur! Vous êtes perdus si vous vous laissez prendre à ses tours de passe-passe !» Et pourtant, les âmes crédules et innocentes, à la recherche d’un «sauveur» et pressées de se mettre sous sa coupe, s’accrochent à lui comme à leur ultime espoir.

Sous le voile, l’homme commence cependant à murmurer de familières incantations du genre : «L’autorité de l’Etat !», «La véracité des dires…», mais rien n’y fait. On continue toujours à le prendre pour un «sauveur». Les trouble-fêtes continuent pourtant à crier : «Attention au charmeur ! Attention au thaumaturge!». Mais les âmes innocentes ne veulent rien entendre! L’homme voilé continue à proférer des incantations: «Nous ne gouvernerons pas seuls!». Et les troubles fêtes de le relayer : «Attention! Ils vont gouverner avec leurs prétendus adversaires!». Mais les âmes crédules n’entendent rien et continuent à prêcher le «vote utile» comme unique chemin du salut!

L’homme voilé s’élance alors sur ce chemin qui conduit au palais enchanté et, l’ayant atteint, il retire son voile! Tout le monde reconnaît celui qui se cachait derrière et découvre qu’il était celui-là même qu’on connaissait depuis des lustres, qu’il n’avait pas pris une ride de démocratie et que, chassé, le naturel revient aux galops! Prises dans le vertige du paradoxe, les âmes simples ne voient plus la frontière entre le connu et l’inconnu, et ne savent plus où s’arrête le réel et où commence la fiction!

Un maître dans l’art du déguisement

L’histoire du Nidaa, parti fondé par Béji Caïd Essebsi, n’est pas si différente. Elle ressemble à celle d’une plante, parfois venimeuse, qui pousse et croît brusquement dans des conditions de fraîcheur et d’humidité ombragée, mais qui s’évanouit aussi brusquement, dès qu’elle s’expose au souffle du vent chaud ou aux rayons du soleil !

Certains y ont vu un rassemblement contre-nature de personnes venues d’horizons différents et que rien ne liait si ce n’est l’amour du pouvoir, ou l’illusion de remplir le vide et d’occuper des postes présumés vacants. Telles des mouches attirées par les douceurs, elles n’avaient aucune conscience du risque de s’y engluer!

Là aussi les troubles fêtes avaient beau crier au paradoxe du voile, mais rien n’y a fait. Les âmes enthousiastes ont préféré se voiler la face à leur tour et avancer sous des masques qui les cachaient les unes aux autres, feignant se connaître alors qu’elles s’ignoraient totalement, prétendant être unies alors qu’elles éteint profondément divisées. Certaines même, dans l’espoir d’échouer sur quelque terre ferme, ont déserté leur navire qu’elles ont laissé couler, pour se réfugier sur ce qu’elles croyaient être l’arche de Noé, mais qui n’était qu’un autre «Radeau de la Méduse».

A force de s’accrocher à l’homme voilé, elles étaient loin de s’apercevoir qu’elles participaient elles-mêmes à son voile. Lui, en revanche, qui était maître dans l’art du déguisement, savait parfaitement en tirer profit et n’avait de cesse de les incruster comme autant de perles à son masque ! C’était un tableau haut en couleurs de voir ces apprentis du voile se transformer en autant de pièces dans celui de l’homme voilé ! Mais c’était un spectacle navrant de les voir fuir leurs vénérables embarcations, parfois vieilles de plusieurs décennies, tels des rats à l’approche de la tempête, pour courir à leur perte en croyant filer vers leur salut.

Toutefois, cette longue nuit où «toutes les vaches sont grises» et où l’on a du mal à «faire la part entre chien et loup», ne pouvait durer indéfiniment. Dès la levée du jour, le beau soleil de notre cher pays a rapidement dissipé les ombres et fait apparaître les contours des choses. Tout le monde a dû alors se rendre à l’évidence et s’apercevoir que «le roi était nu»!

* Philosophe.

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